Les conséquences du privilège blanc expliquées aux Occidentaux

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La romancière Léonora Miano détaille comment la blanchité, arme politique de la colonisation, continue d’influencer nos sociétés.

Dans L’Opposé de la blancheur (1), la romancière et dramaturge Léonora Miano explore la question du privilège blanc. A cette fin, au terme «blancheur», elle préfère celui de «blanchité». «La blanchité n’est pas une simple affaire de couleur […]. Elle est d’abord le nom que donnèrent certains à leur vorace appétit de pouvoir.» Et quand elle évoque «les Blancs», elle pense à «ceux qui, se disant tels et faisant de leur appartenance extérieure le reflet de qualités intellectuelles mais aussi morales, s’élancèrent à l’assaut du monde armés de cette certitude. Les Blancs sont ceux qui, par avidité et avec violence, se rendirent maîtres du monde. Ils conservent pour cette raison précise un statut que la couleur seule ne permet pas d’atteindre.»

Le drame de l’Occident est d’avoir donné un contenu politique à la race.

Cette blanchité a «prospéré» par la colonisation et sa violence a comme particularité «qu’elle se donna pour justification le racisme». «Le drame de l’Occident, insiste Léonora Miano, n’est pas d’avoir haï plus que les autres, mais d’avoir produit des théories de la race, d’avoir donné un contenu politique à la race.»

De cette usage de la blanchité comme arme politique, subsiste aujourd’hui le privilège blanc. «Cette terminologie n’est probablement pas la plus heureuse dans la mesure où, s’appliquant aux Blancs de toute condition sociale, elle suggère une volonté d’accabler même les déshérités, et sur la seule base de leur couleur de peau, reconnaît l’autrice. Mais parce qu’elle pointe avant tout un capital symbolique et politique, l’expression “privilège blanc” a le mérite de mettre au jour des avantages incontestables, dont jouissent même les Blancs les plus démunis sur le plan matériel.»

Etre désigné blanc et privilégié est souvent perçu comme une attaque injuste par de nombreux «Occidentaux d’ascendance européenne unique». Léonora Miano le justifie par le constat que si le «Blanc ne renvoie qu’à lui-même, s’il est ce qui échappe à toute comparaison quand il est l’étalon de tout autre que lui, il se déracialise, du moins à ses propres yeux». Dans le salutaire questionnement que suscite L’Opposé de la blancheur, l’autrice reconnaît cependant que la supériorité symbolique de l’Occident est confortée par les libertés offertes à ceux qui, ailleurs, continuent de ployer sous le joug de traditions peu humanistes. Le pouvoir russe a beau n’avoir jamais colonisé, il n’est pas pour autant plus respectueux de ses citoyens racisés.

(1) L’Opposé de la blancheur. Réflexions sur le problème blanc, par Léonora Miano, Seuil, 172 p.

Pour Léonora Miano, les Etats-Unis sont, plus que l’Europe, aptes à dépasser le privilège blanc.
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