Les chercheurs en sciences sociales sous la pression du politique
Les chercheurs en sciences sociales, parce qu’ils sont susceptibles de déranger les pouvoirs établis, sont la cible de leurs pressions. Dans des cas extrêmes, elles peuvent mener à des assassinats. Dernier exemple marquant en date, le doctorant en science politique italien Giulio Regeni a été retrouvé mort dans une banlieue du Caire, le 3 février 2016. Il menait des travaux sur les syndicats indépendants en Egypte. Des forces de l’ordre sont soupçonnées de l’avoir torturé et tué. Mais les démocraties ne sont pas non plus exemptes d’interventions. L’anthropologue et sociologue Didier Fassin (Le Vif du 12 mai 2022) le démontre dans un éloquent essai La Recherche à l’épreuve du politique (1), inspiré de la conférence qu’il avait tenue, en novembre 2021, lors de la cérémonie de remise de son doctorat honoris causa à l’ULiège.
Il détaille sa propre expérience d’intimidations subies, lors d’une enquête sur l’attitude des forces de l’ordre à l’égard des clandestins qui franchissent, dans les Alpes, la frontière entre l’Italie et la France et à l’occasion d’une contre-enquête sur la mort d’un homme de la communauté du voyage à l’issue d’une opération des éléments d’élite du GIGN que son profil de petit criminel ne justifiait pas. Est ainsi illustré le «risque politique» couru par les scientifiques, qui «se manifeste par des pressions ou une répression qui affectent non seulement la chercheuse ou le chercheur mais également sa recherche, soit directement en la rendant difficile voire impossible, soit indirectement en conduisant l’ethnographe à se restreindre sur son terrain ou à se limiter dans ses écrits».
«Chercheurs et chercheuses sont moins bien protégés par le droit que les journalistes et, de surcroît, ne reçoivent généralement pas le soutien de leur institution», déplore également Didier Fassin.
(1) La Recherche à l’épreuve du politique, par Didier Fassin, Textuel, 80 p.
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