Woman with a heart reflected in her eyes. © Getty Images

Les applis de rencontre en difficulté: qu’est-ce qui repousse les utilisateurs?

L’essentiel

• Les applications de rencontre, telles que Tinder et Bumble, sont en difficulté. Le nombre d’utilisateurs régresse et leurs chiffres d’affaires progressent plus lentement qu’attendu.
• De moins en moins de personnes sont disposées à payer pour ces services.

• Les applications tentent d’utiliser l’intelligence artificielle pour rendre les rencontres à nouveau excitantes.
• Les célibataires sont de plus en plus demandeurs de rencontres hors ligne, ce qui menace l’avenir des applications de rencontre.
• Les applications de rencontre cherchent à se repositionner en tant que sociétés de connexion plutôt qu’en tant que sociétés de rencontre, ce qui pourrait s’avérer délicat.

Les applications de rencontre telles que Tinder et Bumble sont en difficulté. Les utilisateurs sont de moins en moins disposés à dépenser de l’argent pour trouver un partenaire.

Lorsque l’application mobile de rencontre Tinder a été lancée sur les campus universitaires aux États-Unis en 2012, elle est rapidement devenue un succès. Bien que les rencontres en ligne existent depuis le lancement du site Match.com en 1995, la recherche d’un partenaire sur internet a longtemps eu quelque chose de désespéré. Mais Tinder a rendu la chose faciles et amusantes, en permettant aux utilisateurs de parcourir facilement les photos de nombreux rendez-vous potentiels d’un simple glissement de doigt.

En un rien de temps, Tinder et ses concurrents ont changé la façon dont les gens font des rencontres. Un rapport publié l’année dernière par le Pew Research Centre a révélé que 30 % des adultes américains avaient déjà utilisé un service de rencontre en ligne, dont plus de la moitié des 18-29 ans. Un couple sur cinq de cet âge s’est rencontré par l’intermédiaire d’un tel service. L’utilisation de ces services a décollé pendant la pandémie, lorsque des célibataires solitaires et renfermés ont commencé à chercher des partenaires.

La valeur de marché de Bumble, un rival de Tinder, a grimpé à 13 milliards de dollars (11,8 millions d’euros) lors de son premier jour de cotation en février 2021. Plus tard dans l’année, la valeur de Match Group, qui possède Tinder, Hinge et des dizaines d’autres services de rencontres, a atteint près de 50 milliards de dollars (45 millions d’euros). Aujourd’hui, environ 350 millions de personnes dans le monde ont une application de rencontre sur leur téléphone, contre 250 millions en 2018, selon le cabinet d’études Business of Apps. En juin dernier, la ville de Tokyo a même annoncé qu’elle lancerait sa propre application de rencontre pour mettre en relation les célibataires de la ville.

Perte d’éclat

Pourtant, les rencontres en ligne ont récemment perdu de leur éclat. Les applications ont été téléchargées 237 millions de fois dans le monde l’année dernière, contre 287 millions en 2020. Selon le cabinet d’études Sensor Tower, le nombre de personnes utilisant ces applications au moins une fois par mois est passé de 154 millions en 2021 à 137 millions au deuxième trimestre de cette année. Le 7 août, Bumble a annoncé une croissance de son chiffre d’affaires de seulement 3 %, et a revu à la baisse ses prévisions pour l’ensemble de l’année, les ramenant à 1 ou 2 %. Les actions ont chuté d’un tiers après la séance. Le 30 juillet, Match Group a indiqué que son chiffre d’affaires n’avait augmenté que de 4 % au cours du même trimestre. La valeur de marché des deux sociétés s’est effondrée depuis l’entrée en bourse de Bumble.

Ces chiffres reflètent le désenchantement croissant des utilisateurs d’applis de rencontres, leur volonté de moins en moins grande de payer pour ces services et l’intérêt croissant pour les alternatives hors ligne.

Les applis de rencontre, de l’amusement à la frustration

Tinder et compagnie sont souvent devenus des sources de déception. Les applications qui étaient autrefois amusantes génèrent désormais souvent de la frustration. Les utilisateurs se plaignent de passer des heures à chercher parmi des dizaines de milliers de profils. La moitié des femmes interrogées par Pew ont déclaré se sentir dépassées par le nombre de messages qu’elles recevaient. Le fait que 84 % des utilisateurs de Tinder soient des hommes n’arrange rien. Il en va de même pour 61 % des utilisateurs de Bumble, qui s’adresse pourtant aux femmes. Les escroqueries deviennent également de plus en plus fréquentes.

«Ce n’est pas amusant, c’est superficiel et c’est aussi très fatigant»

Les jeunes adultes sont particulièrement lassés des applis de rencontre. Une enquête menée par le site d’information Axios l’année dernière a révélé que seul un cinquième des étudiants américains les utilisait au moins une fois par mois. «Ce n’est pas amusant, c’est superficiel et c’est aussi très fatigant», se plaint un jeune influenceur TikTok. «J’en ai un peu fini avec ça», résume Wunmi Williams. Cette jeune femme de 27 ans n’a pas réussi à trouver de partenaire sur une applications de rencontre après des années d’échanges. Ceci explique peut-être cela: 88 campus universitaires américains participent au Marriage Pact, un événement annuel au cours duquel les participants remplissent un questionnaire pour trouver le partenaire le plus compatible dans leur école.

Acheter des roses

Autant de facteurs qui expliquent pourquoi les développeurs d’applis de rencontre peinent à convaincre les utilisateurs de dépenser de l’argent. Pour tenter d’augmenter leurs marges bénéficiaires, les fabricants vendent des mises à jour pour compléter leurs faibles revenus publicitaires. Hinge propose un flux séparé de profils populaires qui «pourraient» vous plaire, mais pour discuter avec ces personnes, il faut leur offrir une «rose». Un lot de trois coûte 7,99 euros. Les services payants de Tinder vont de 12,99 euros par mois (pour un nombre illimité de swipes et la possibilité de changer de lieu) à 464 euros par mois (pour l’accès aux profils les plus populaires et l’envoi de messages aux utilisateurs avec lesquels il n’y a pas eu de match).

Le nombre d’utilisateurs payants de Tinder a baissé pendant sept trimestres consécutifs.

Si les rencontres en ligne n’ont plus rien de désespéré, de nombreux utilisateurs estiment que le fait de payer pour cela donne malgré tout cette impression. De moins en moins de personnes sont prêtes à dépenser de l’argent sur les applis de rencontre. Le nombre d’utilisateurs payants sur Tinder a chuté pendant sept trimestres consécutifs. Les hommes sont plus enclins à payer. Les utilisatrices se sentent donc encore plus submergées par les messages.

L’avenir des applications de rencontres est peut-être le plus menacé par la proportion croissante de célibataires qui cherchent l’amour hors ligne. La start-up Pear a lancé l’année dernière un anneau azur qui permet aux célibataires d’indiquer qu’ils sont prêts à se faire draguer. Thursday, une société qui organise des événements pour les célibataires, a étendu son service à une trentaine de villes, de Stockholm à Sydney. L’application ne fonctionne que le jeudi, jour de l’événement.

La romance ne se limite pas aux bars. Les célibataires sportifs se rencontrent dans les clubs de course à pied. Les cours de cuisine sont également de plus en plus populaires, selon Julia Hartz, patronne de la plateforme de billetterie Eventbrite. La fréquentation de leurs événements pour célibataires a augmenté de 42 % entre 2022 et 2023. «Vous créez un lien avec quelqu’un, vous partagez quelque chose ensemble, même si cette personne n’est pas l’amour de votre vie», explique Casey Lewis, blogueuse sur la culture des jeunes, à propos de ce type d’événements.

Les applis de rencontre sauvées par l’IA?

Les applications de rencontres cherchent des moyens d’attirer à nouveau les utilisateurs. Certaines espèrent utiliser l’intelligence artificielle (IA) pour rendre les rencontres à nouveau excitantes. Whitney Wolfe Herd, fondatrice de Bumble, a récemment déclaré que l’avenir des rencontres en ligne pourrait bien consister à laisser les robots d’intelligence artificielle des utilisateurs «sortir» avec eux. C’est précisément ce que propose une nouvelle application, Volar. Avant de matcher, les utilisateurs doivent discuter avec un chatbot. Celui-ci se rend à une «rencontre» avec une autre IA pour voir s’il pourrait y avoir un match. Une sorte d’assistant virtuel du dating.

À long terme, la société pourrait laisser les machines s’occuper des matchs. Une stratégie porteuse? Les créateurs d’applications feraient peut-être mieux de se concentrer sur des marchés de niche. Grindr, une application destinée aux homosexuels, continue de se développer rapidement. Il en va de même pour Feeld, qui s’adresse aux polyamoureux. Ces dernières années, Match Group a lancé des applications destinées aux homosexuels (Archer), aux parents célibataires (Stir), aux minorités ethniques (BLK, Chispa) et aux snobs (The League). Le chiffre d’affaires de ce portefeuille de marques a augmenté de 17 % au deuxième trimestre 2024.

Sur ces applications, le nombre de partenaires potentiels est non seulement plus restreint, mais elles servent également de communauté en ligne pour les personnes partageant les mêmes idées. Par exemple, Grindr sert à la fois de guide touristique pour les touristes à la recherche de bars gays et de centre d’information sur le VIH. L’entreprise affirme que l’utilisateur moyen envoie 50 messages par jour, soit autant qu’un utilisateur de WhatsApp. De telles réussites expliquent peut-être pourquoi Lidiane Jones, PDG de Bumble, déclare qu’elle souhaite que son entreprise soit connue comme une «société de connexion plutôt qu’une société de rencontre». Un tel repositionnement pourrait s’avérer délicat. Mais l’amour n’a jamais été une activité facile.

The Economist

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