Si sa graphie a bel et bien évolué, le symbole «x» a traversé les époques sans perdre de sa pertinence. © Getty Images

Série (7/7) | Comment expliquer le triomphe de la lettre «x»

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

La 24e lettre de l’alphabet est, partout, celle de l’inconnu. A quoi tient son succès?

Très vite, il a fallu trouver une manière de désigner ce qu’on ne connaît pas encore. Née dans les sociétés babyloniennes et égyptiennes, vers 2000 avant J.-C., l’algèbre se développe ensuite en Grèce, en Chine, en Inde, au Moyen-Orient… Diophante d’Alexandrie, au IIIe siècle, est le premier à introduire un nombre indéterminé qu’il nomme arithmos, «nombre».

L’Europe –c’est-à-dire l’Espagne– découvre les avancées mathématiques grecques par les ouvrages savants arabes. Jusqu’au milieu du XVe siècle, l’essor des travaux des mathématiciens du monde arabe est en effet considérable. Ceux-ci ont un autre mot pour désigner l’inconnu: «shay», traduit par «chose». Dans les calculs, la «chose» est souvent symbolisée par les deux premières lettres: «sh». Mais l’Espagne andalouse, qui abrite les califats, où l’algèbre se développe de manière importante, peine à trouver une correspondance en caractères latins. Les Andalous commencent alors à l’écrire «xay».

Au XVIIe siècle, le mathématicien et philosophe René Descartes simplifie cette notation en ne gardant que son initiale «x». Elle est d’ailleurs la première des «coordonnées cartésiennes». Descartes introduit ce système dans son essai La Géométrie. Il y montre comment résoudre le problème géométrique de Pappus par une équation algébrique: «Que le segment de la ligne AB, qui est entre les points A et B, soit nommé x; et que BC soit nommé y.» Il y utilise ici x, y et z pour les variables inconnues.

De l’algèbre, le symbole en est venu à représenter l’inconnu dans les sciences. Lorsque le physicien allemand Wilhelm Röntgen découvre, par hasard, une nouvelle forme de rayonnement en 1895, il la nomme «rayons X». Le chromosome «x» est également appelé ainsi en raison de ses propriétés uniques. Dans l’aérospatiale, le signe renvoie à la recherche expérimentale ou spéciale, et en astronomie à une planète hypothétique, une comète encore inconnue.

Tout le secteur de la technologie l’utilise abondamment. D’Elon Musk (X.com, SpaceX) à Apple (Mac OS X, iPhone X), en passant par Microsoft (Xbox) et Alphabet, auparavant rattachée à Google (X, son laboratoire de recherche planche sur tous les projets futuristes), la lettre est une véritable obsession.

Apparaissent aussi des expressions comme «porter plainte contre X» ou «accouchement sous X». Cette lettre a un tel pouvoir d’évocation qu’elle finit par désigner toute une classe d’âge, celle née entre les années 1965 et 1976. A la fin des années 1980, elle remplace également le diminutif «porno», jugé péjoratif et vulgaire, pour résumer l’industrie du sexe. Pour, finalement, être reprise partout. Même la pop culture s’en est saisie, jouant à la fois de l’énigme, de la science-fiction et du paranormal (les affaires non résolues dans X-Files, la bande dessinée X-Men, la trilogie xXx, le film X-Tro…). De l’inconnue des équations à toute chose que l’on ne connaît pas.

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