Le « sharenting »: pourquoi les parents exposent autant leurs enfants sur les réseaux sociaux
D’où vient l’envie irrépressible de partager au monde entier la réussite de sa progéniture ? Selon une étude, deux parents sur trois postent régulièrement des photos de leurs enfants sur les réseaux sociaux. Zoom sur les avantages, les dangers et les enjeux du « sharenting », né de la contraction entre « share » et « parenting ».
Echographies, vidéos des premiers pas, photos de diplomation : le sharenting est le partage de la part des parents de photos et de vidéos de leurs enfants sur les réseaux sociaux. Ces publications inondent les fils d’actualité chaque jour avec une question qui demeure parfois : pourquoi étaler la vie de ses enfants sur les médias sociaux ?
Certains parents, par la publication de la réussite de leurs enfants se valorisent eux-mêmes. En le publiant sur les réseaux sociaux, c’est « comme si cela devait passer par un détour : une image, un enjeu public », explique Sandrine Thiry. Pour cette psychiatre et pédopsychiatre, cette pratique présente un aspect positif, car cela reste une valorisation de l’enfant. Mais les parents pourraient se contenter de féliciter l’enfant et de « partager oralement sa réussite avec ses proches ». Sur les réseaux sociaux, les parents partagent leurs activités familiales du dimanche et la résolution de leurs problèmes: « Les utilisateurs ont davantage tendance à partager leurs réussites que leurs échecs », remarque-t-elle.
Les parents se servent aussi des réseaux sociaux pour demander conseil. Un échange avec leur réseau de contacts peut les rassurer quand ils sont perdus.
Dangers du sharenting
Les parents n’ont pas attendu les réseaux sociaux pour rabâcher les oreilles de leurs proches avec les exploits de leur tendre progéniture. Facebook, Instagram et Tiktok ne font que remplacer les albums photos qui tournaient aux repas de famille et les anecdotes à la machine à café. Problème : les paroles s’envolent mais les écrits restent. Ce qui fleurissait dans la sphère privée devient public. « Sur internet, ce que l’internaute publie lui échappe et il en perd le contrôle », explique Sandrine Thiry.
Les parents peuvent régler les paramètres de confidentialité de leurs comptes mais une publication peut être copiée et sauvegardée sans qu’ils ne s’en rendent compte. Entre de mauvaises mains, ces photos peuvent se retrouver au mauvais endroit, comme sur des sites malveillants. Parfois, une photo ou une vidéo peut aussi fournir des informations sur l’enfant comme son établissement scolaire, son club de foot ou son domicile.
Sharenting: quel consentement?
Bien souvent quand les parents publient une photo de lui, l’enfant n’a pas eu l’opportunité de donner son consentement. Pour annoncer l’heureux évènement, certains parents rendent par exemple publique la première échographie du bébé. Ils créent alors une empreinte numérique de leur enfant à l’état d’embryon. L’enfant a une existence numérique avant d’avoir une existence biologique.
« Quand l’enfant est jeune, ses parents ne lui demandent pas son accord et il n’est pas capable de le donner, cela pose un problème. Quand les parents partagent les résultats scolaires cela reste positif mais si c’est une image qui ne le met pas à son avantage, c’est autre chose. », souligne Sandrine Thiry, psychiatre et pédopsychiatre. Dans le droit belge, le sharenting a une dimension paradoxale. Selon les droits fondamentaux, les parents ont le droit à la liberté d’expression, le droit à une vie de famille et le droit à une vie privée. Ils ont donc le droit de partager des photos de leurs enfants. Mais ceux-ci ont aussi droit à une vie privée. Pour publier une photo d’eux, une autorisation est nécessaire. Problème : les enfants en dessous de douze ans ne peuvent pas donner cette autorisation eux-mêmes, elle revient aux parents. Ces derniers peuvent donc se donner à eux-mêmes la permission de publier. Les différents droits fondamentaux finissent par se contredire.
Comment faire ?
Il est conseillé de laisser à l’enfant son droit de véto sur les informations que ses parents partagent à son sujet. Pour Niels Van Paemel, conseiller pour Child Focus, fondation belge pour enfants disparus et sexuellement exploités, il vaut mieux discuter avec l’enfant et lui demander son avis.
Emily Degrande
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