Le prix des billets d’avion décolle: pourquoi ils seront de plus en plus chers (infographie)
Entre 2013 et 2023, le prix d’un billet d’avion en Belgique a augmenté de 27%. Poussé vers le haut par la faillite du modèle low-cost de Ryanair et les normes environnementales européennes, il ne devrait pas atterrir de sitôt.
Voyager en avion pour moins de 10€ avec Ryanair, c’est bientôt terminé. Le PDG de la compagnie aérienne irlandaise Michael O’Leary s’attend à ce que le prix des billets d’avion augmente de 10 à 15% en 2023.
Anne-Sophie Snyers, CEO de la Belgian Travel Confederation, explique la hausse des prix par trois facteurs. « Il y a d’abord la loi de l’offre et la demande. Ce début d’année est très bon pour les compagnies aériennes, mais l’offre reste réduite par rapport à l’ère pré-covid, et ne satisfait pas suffisamment la demande ».
Seconde explication : « Pour avoir des prix encore accessibles, il faut désormais réserver au moins 3 mois à l’avance. Une personne qui voulait réserver son billet pour partir en Italie en juillet m’a dit que le prix était de 560€ ! Il faut oublier le last minute ».
Troisièmement, les compagnies aériennes devront augmenter leurs prix pour s’adapter aux contraintes environnementales. « Une législation européenne par rapport au carburant d’aviation durable est en préparation. Les compagnies devront l’utiliser pour une partie de leur flotte aérienne. Ce carburant vert est rare, cher et représente un coût, qu’elles devront répercuter sur leurs clients ». L’arrivée du carburant vert doit permettre d’accomplir les objectifs climatiques de l’Union européenne (-55% d’émissions CO2 d’ici 2030 et neutralité carbone d’ici 2050). « Des constructeurs comme Airbus possèdent déjà des avions à hydrogène. Ils ne seront pas sur le marché avant 2035 mais coûtent évidemment plus cher ».
Plus 27% en 10 ans pour le prix de l’avion en Belgique
S’il est difficile d’établir le prix moyen d’un billet d’avion – les prix fluctuant en fonction du moment de l’achat et des compagnies aériennes – il est néanmoins possible de voir l’évolution de ceux-ci en pourcentages (voir graphique ci-dessous). Sur 10 ans, entre 2013 et avril 2023, le prix d’un billet d’avion en Belgique a augmenté de 27.4%.
(suite de l’article après l’infographie)
L’augmentation du prix des billets d’avion devrait se poursuivre au fil des ans, malgré une cote de popularité toujours aussi élevée auprès de la population. De quoi dissuader certains de voyager dans les airs ? « Pour un aller Bruxelles-Barcelone, poursuit la dirigeante, on parle d’un supplément de 50€ par billet ». Les chiffres seront semblables pour les vols intercontinentaux. Pour les vols long-courrier, l’ardoise sera encore plus sévère. « Il faudra compter de 100 à 200 euros en plus par trajet », prévient Anne-Sophie Snyers.
La hausse des prix dépend aussi de la destination du vol, précise la CEO de la Belgian Travel Confederation. Ainsi, en cas de concurrence entre compagnies aériennes pour un même vol, les prix augmentent dans une moindre mesure. « Il y a de la concurrence pour les vols vers les Etats-Unis. Si vous allez en Amérique du Sud, en Asie ou en Océanie, il y a moins de vols et donc les prix augmenteront davantage ».
Dépassée, la recette magique du low-cost de Ryanair ?
Des vols entre grandes villes européennes à des prix ridiculement bas. La marque de fabrique qui a construit le succès de Ryanair serait vouée à disparaitre. « Je serais très étonnée de voir Ryanair continuer à offrir des vols à 40 euros ou moins avec toutes les contraintes qui lui seront imposées. Mais le modèle Ryanair ne disparaitra pas demain, en 2024. Il faudra plusieurs années ».
« Cela dépend de ce qu’on entend par modèle low-cost », cadre Bruno Bauraind, chercheur au sein du Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative (GRESEA). « Offrir des billets d’avion à moins de 10 euros deviendra de plus en plus compliqué. Mais le low-cost n’est pas que ça, il sous-tend aussi une transformation des relations de travail au sein des compagnies aériennes. Le modèle Ryanair, avec des conditions de travail dégradantes et des bas salaires, est en train de devenir mainstream. Des compagnies copient le modèle du low-cost ». Selon Bruno Bauraind, Ryanair est mieux passé entre les gouttes de la crise sanitaire que ses concurrents, qui cherchent donc à imiter l’entreprise irlandaise. Les chiffres confirment les dires du chercheur. Après des années Covid compliquées pour le secteur aérien, Ryanair a bouclé l’exercice 2022-2023 avec un chiffre d’affaires de 10.8 milliards d’euros, soit plus du double de l’an passé.
Le modèle Ryanair, avec des conditions de travail dégradantes et des bas salaires, est en train de devenir mainstream
Bruno Bauraind, chercheur au GRESEA
Comment la compagnie aérienne parvient-elle à offrir des billets d’avion aussi bon marché ? Le succès de l’empire de Michael O’Leary repose sur deux piliers : bas salaires et choix méticuleux des aéroports. « Par rapport aux autres compagnies aériennes, les salaires des travailleurs de Ryanair sont vraiment faibles », déplore Bruno Bauraind, qui réalise un doctorat sur le syndicalisme chez Ryanair en Belgique. « En parallèle, ils choisissent comme bases (là où les travailleurs prennent leur premier vol, NDLR) des aéroports peu chers, qui reçoivent beaucoup de subventions publiques et paient peu de taxes ».
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Le train plutôt que l’avion ? Pas encore pour cet été
Une taxe de 4€ pour les vols de moins de 500km au sein de l’Union européenne est déjà en vigueur. Une taxe similaire est appliquée en Belgique mais elle est plus contraignante, puisqu’elle coûte 10€. Appliquée depuis avril 2022, elle a rapporté 21 millions d’euros à la trésorerie gouvernementale. Interrogé dans l’émission Scan-R de la RTBF, le ministre fédéral de la Mobilité Georges Gilkinet (Ecolo) explique que l’objectif est d’allouer cet argent au développement du rail. « Mais il y a toujours une grande différence entre le prix du train et de l’avion actuellement, nuance Bruno Bauraind. Les gens ont vite fait leur choix quand ils descendent un week-end dans le sud de la France ou à Milan ».
Le shift des mentalités n’est pas encore pour cet été. « Les Belges veulent partir, confirme Anne-Sophie Snyers, CEO de la Belgian Travel Confederation. Au premier trimestre 2023, le secteur du voyage organisé comptait déjà plus de 60% de réservations. Les gens s’y prennent plus tôt que l’an passé. Avant la crise Covid, on avait encore la possibilité de faire du last minute. Maintenant plus. On assiste à un changement de paradigme : miser sur le last minute aujourd’hui, c’est risquer de se retrouver face à des prix exorbitants. Pour continuer de partir à des prix raisonnables, il faut en tenir compte ».
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