Le fisc pourra-t-il bientôt « fouiner » dans votre smartphone ?
Le projet de loi visant à renforcer la lutte contre le terrorisme a un drôle d’effet secondaire. Celui-ci devrait en effet permettre à l’administration fiscale de demander vos données téléphoniques sans l’intervention d’un juge d’instruction.
Le nouveau projet de loi visant à renforcer la lutte contre le terrorisme donnerait une base légale au fisc pour obtenir des données téléphoniques sans avoir à demander l’autorisation à un juge d’instruction comme c’est encore le cas aujourd’hui. Ou pour reprendre les termes de la chercheuse et fiscaliste Sylvie De Raedt de l’Université d’Anvers interviewé par Het Nieuwsblad, « cela devrait lui permettre de fouiner dans les données de télécommunications ».
Pour sauvegarder la sécurité nationale et lutter contre la criminalité grave, le projet de loi connu aussi sous le nom « data rétention », veut permettre la collecte et la conservation systématique et a priori des métadonnées générées lors d’une communication électronique (téléphone, sms, mails). On notera qu’une loi sur la conservation des métadonnées a déjà été votée en 2016 (elle-même déjà adaptée d’une loi de 2005), mais elle est restée en eaux troubles suite à plusieurs décisions de justice, notamment par la Cour constitutionnelle et la Cour de justice européenne qui jugeaient la mesure disproportionnée. Cette nouvelle mouture vise donc avant tout à enlever tout flou juridique.
Des termes encore trop vagues
Selon la nouvelle législation sur la conservation des données proposée, les opérateurs téléphoniques devraient conserver les données pour pouvoir les mettre à disposition de la police ou du parquet si cela s’avère nécessaire. Problème : le terme utilisé par le projet de loi est trop vague puisqu’il stipule uniquement que « les autorités compétentes pour détecter et enquêter sur les infractions passibles de sanctions administratives de nature pénale peuvent demander des données ». Or il se trouve que l’administration fiscale est justement une telle autorité. Alors même si ce n’est pas l’intention du projet de loi, si un fonctionnaire décide de la jouer fine, on ne pourra juridiquement rien lui reprocher. De quoi faire rugir de nombreux fiscalistes qui y voient le début d’une brèche guère rassurante.
Mais que ceux qui auraient déjà quelques sueurs froides à l’idée se rassurent. Premièrement, il ne s’agit encore que d’un projet de loi. Le texte final peut encore faire l’objet de modifications. Ensuite, en admettant qu’aucune précision ne soit apportée, on peut ajouter des clausules contraignantes pour que, dans les faits, ce genre de chose n’arrive pratiquement jamais. Enfin, en admettant qu’il n’y ait pas de modification ni de clausule contraignante, il ne s’agira jamais de lire le contenu des messages, mais seulement des regarder les informations qui les accompagnent (adresse IP, date, heure, durée, modalité, localisation). Car pour lire le contenu, « un procureur général sera toujours nécessaire ».
Cette même loi menace aussi de rendre illégales des applis telles Signal, du fait que quasiment aucune donnée n’y est collectée et donc conservée. Elle devrait aussi rendre possible de contourner le cryptage.
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