Le boom des applications anti-gaspillage

Acheter les invendus des supermarchés est devenu facile en Belgique : via des applications anti-gaspillage, les utilisateurs peuvent réserver des paniers, ou sélectionner des produits pour venir les récupérer ensuite. Un mode de consommation qui fait faire des économies et qui évite le gaspillage alimentaire.

Chaque année, le Belge gaspille environ 345kg de nourriture. Ce qui fait de la Belgique l’un des pires élèves de l’Union européenne en matière de gaspillage alimentaire, responsable à lui seul de 8% des émissions annuelles de gaz à effet de serre. À côté de ce problème, des milliers de Belges ont du mal à assumer leur budget alimentaire. Il existe de nombreuses associations caritatives, qui récupèrent une partie des invendus des supermarchés, mais pas à la hauteur des tonnes de produits jetés chaque jour. Face à ce constat, des sociétés trouvent des moyens pour limiter les déchets alimentaires via des applications anti-gaspillage, et bonus : ça fait faire de sacrées économies.

La 1ère application anti-gaspillage à avoir développé ce concept en Belgique est Too Good To Go, lancée initialement au Danemark en 2016. Le principe est simple : via son smartphone, l’utilisateur sélectionne le commerce de son choix, réserve un panier surprise, et va le récupérer avant la fermeture.

« Un fruit ou un légume qu’on achète finit à la poubelle, donc un tiers de notre budget fruits et légumes est directement jeté par la fenêtre« 

Too good to go

Désormais présente dans 17 pays, l’application a permis de mettre en lumière la lutte contre le gaspillage alimentaire. Une expansion qui a eu lieu grâce à un changement de mentalités, selon Laurine Poortmans, porte-parole de Too Good To Go. L’aspect écologique a de plus en plus d’importance, mais les consommateurs se rendent compte aussi du budget que cela représente.

« Un fruit ou un légume qu’on achète finit à la poubelle, donc un tiers de notre budget fruits et légumes est directement jeté par la fenêtre« , pointe Too Good To Go qui a récemment fait une campagne à ce sujet. Il s’agit de la catégorie d’aliments que le Belge gaspille le plus, souvent parce qu’ils ne sont pas consommés à temps.

D’autres initiatives ont vu le jour en Belgique depuis : l’application Phenix, apparue d’abord en France, et Happy Hours Market, « made in Belgium ». Ces trois entreprises, si elles ont des mécanismes différents, ont un même but : faire en sorte d’éviter que les invendus des petits commerces et grandes distributions se retrouvent à la poubelle.

On a utilisé les nouvelles technologies pour créer une communauté de personnes qui pourraient allier l’envie de sauver les produits et faire des économies

Amaury Le Mintier, responsable Phenix Belgique

Comment ça fonctionne ?

L’application Phenix, créée en France en 2014 et implantée en Belgique en 2021, repose sur le même principe que Too Good To Go. Si à la base, l’objectif était plutôt d’organiser le don des supermarchés vers des associations, l’équipe s’est rendu compte que ça ne pouvait pas couvrir tous les invendus, surtout au niveau des petits commerces de proximité. « Pour répondre à ce besoin, on a utilisé les nouvelles technologies pour créer une communauté de personnes qui pourraient allier l’envie de sauver les produits et faire des économies », explique Amaury le Mintier, responsable Phenix Belgique.

Happy Hours Market, développé par deux Belges, a voulu offrir une expérience différente, en ciblant plutôt les grandes distributions. Dès le matin, l’équipe récupère les invendus de magasins dans leur camion réfrigéré, les produits sont ensuite mis en ligne à 13 heures à moitié prix. Le client remplit son panier via l’application et vient chercher sa commande au point de retrait à 17h.

Pour Aurélien Marino, co-fondateur de Happy Hours Market, la vision des invendus a fortement évolué ces dernières années. « Too Good To Go a fait énormément de campagne, je les remercie pour ça ! ». Un avis partagé par Amaury Le Mintier, responsable de Phenix Belgique, qui reconnait que l’application a rendu positif et accessible le fait de consommer des produits en fin de vie.

Quel public cible ?

Si Happy Hours Market pensait au départ cibler les jeunes avec ce concept, l’équipe s’est rapidement rendu compte que les ménages étaient tout aussi intéressés. Ce mode de consommation est de plus en plus apprécié et utilisé parce qu’il allie un aspect environnemental et un aspect financier, non négligeable (surtout en ce moment).

Mais si le côté économique attire beaucoup, les trois applications anti-gaspillage s’accordent sur le fait qu’il y a aussi une conscience écologique derrière. « C’est du 50-50. Si les paniers à sauver étaient au prix plein, ça ne fonctionnerait pas. Et s’il n’y avait pas l’aspect anti-gaspillage, ça fonctionnerait moins bien aussi », explique Amaury Le Mintier de Phenix.

Que ce soit l’étudiant en recherche de bons plans ou la personne du foyer qui s’occupe des courses, les trois enseignes observent que les clients intègrent ce mode de consommation dans leur quotidien, parce que ce sont majoritairement des clients réguliers. « Avec l’inflation, de plus en plus de personnes sont dans le besoin, et font leurs courses chez nous parce qu’elles n’ont pas le choix », ajoute Aurélien Marino.

Un système « win-win-win »

En plus d’éviter de jeter leurs produits à la poubelle, ce système permet aux commerces de générer un revenu supplémentaire. Les applications anti-gaspillage touchent une commission sur ce qui est revendu, mais le reste revient aux commerçants. Du côté de Happy Hours Market, les produits qui n’ont pas été vendus sont ensuite déposés aux associations caritatives du quartier. « On a créé un système win-win-win », explique Aurélien Marino. « Le magasin ne gaspille plus tout en ayant des rétributions financières, les clients font leurs courses à moitié prix, et les associations sont approvisionnées ».

Même son de cloche pour l’application Phenix, qui, en plus de mettre en vente certains invendus, organise le don dans certains supermarchés. « Notre mentalité est de combiner des solutions pour réduire efficacement le gaspillage alimentaire », précise Amaury Le Mintier qui met l’accent sur l’accompagnement des enseignes. Des conseillers aident les magasins partenaires à améliorer leur gestion de stock grâce à des rapports et à un logiciel qui optimise les ventes en dates courtes. « L’idée est que les déchets deviennent l’exception et non la norme. » Une initiative également mise en place par Happy Hours Market.

Certaines associations caritatives ont tout de même vu d’un mauvais œil l’arrivée de ces sociétés, craignant qu’elles ne puissent plus récupérer les invendus pour les distribuer aux personnes dans le besoin. « On ne se voit pas comme concurrents des banques alimentaires et associations » assure toutefois Laurine Poortmans, de Too Good To Go qui explique que l’un ne doit pas empêcher l’autre, étant donné que la quantité de gaspillage alimentaire est encore énorme, malgré la récupération de produits.

Sarah Duchêne

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