L’accès à l’avortement, un droit fragile et inégal dans le monde
Totalement interdit dans une minorité de pays, autorisé dans les autres avec plus ou moins de restrictions, l’accès à l’avortement demeure un droit très inégal et fragile dans le monde.
Selon le site d’informations Politico, les juges de la Cour suprême des États-Unis s’apprêteraient à annuler un arrêt historique reconnaissant depuis près d’un demi-siècle le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Dans ce cas, les États-Unis reviendraient à la situation d’avant 1973 quand chaque État était libre d’interdire ou d’autoriser l’avortement. Compte tenu des fractures sur le sujet, une moitié des États, surtout dans le Sud et le centre conservateurs et religieux, devraient rapidement le bannir.
Un accès très inégal
Ces 25 dernières années, plus de 50 pays ont modifié leur législation pour faciliter l’accès à l’avortement, en reconnaissant parfois son rôle essentiel pour la protection de la vie, de la santé et des droits fondamentaux des femmes, selon Amnesty International. Néanmoins, l’IVG reste interdite dans près d’une vingtaine de pays, notamment en Afrique et en Amérique latine.
Le Salvador a adopté en 1998 une législation draconienne qui interdit l’interruption de grossesse en toutes circonstances, même en cas de danger pour la santé de la mère ou de l’enfant, et prévoit des peines pouvant aller jusqu’à huit ans de prison. Cependant, les poursuites sont généralement engagées pour « homicides aggravés », passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à cinquante ans de prison.
En Europe, l’interdiction totale est une exception : à Malte où en cas d’infraction la peine encourue va de 18 mois à trois ans de prison, ainsi que dans les deux micro-États d’Andorre et du Vatican.
Dans d’autres pays, l’avortement est soumis à des conditions extrêmement restrictives. Ainsi, l’IVG est accessible uniquement en cas de danger pour la vie de la mère en Côte d’Ivoire, Libye, Ouganda, Soudan du Sud, Irak, Liban, Syrie, Afghanistan, Yémen, Bangladesh, Birmanie, Sri Lanka, Guatemala, Paraguay ou encore Venezuela. Au Brésil, l’accès à l’IVG est également très limité, en cas de viol, risque pour la mère ou grave malformation du fœtus.
Un droit parfois très récent
Ce sont globalement les femmes d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Océanie qui bénéficient des législations les plus libérales, acquises parfois très récemment. En Irlande, l’avortement n’est légal que depuis 2018, à la suite d’un référendum historique abrogeant l’interdiction constitutionnelle de l’IVG. Il a également été libéralisé en 2019 en Irlande du Nord, seule partie du Royaume-Uni où il était encore interdit, mais reste toujours difficile d’accès.La Nouvelle-Zélande n’a dépénalisé l’avortement qu’en 2020. En Australie, l’Etat du Queensland a légalisé l’IVG en 2018 et seule la Nouvelle-Galles du Sud, État le plus peuplé du pays, continue à la proscrire.
En Thaïlande, l’avortement a été décriminalisé en février 2021 et peut désormais être pratiqué jusqu’à douze semaines d’aménorrhée. Toujours en Asie, la plus haute juridiction en Corée du Sud a ordonné en 2019 la levée de l’interdiction de l’avortement, jugée anticonstitutionnelle. Le Bénin est devenu, en octobre 2021, l’une des très rares nations en Afrique à autoriser l’IVG.
Sur le continent sud-américain, le droit à l’avortement poursuit son avancée. La Colombie a légalisé en février 2022 l’IVG, quel qu’en soit le motif, avant 24 semaines de grossesse. Dans la foulée, le Chili a décidé le 16 mars d’intégrer la dépénalisation de l’avortement dans le projet de nouvelle constitution. Au Mexique, en septembre 2021, un arrêt historique de la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelle l’interdiction de l’avortement.
Durcissement des restrictions
Le Honduras, qui interdit l’avortement y compris en cas de viol ou d’inceste, de malformation grave du foetus ou quand la vie ou la santé de la mère sont menacées, a approuvé en janvier 2021 une réforme constitutionnelle qui durcit encore la législation. L’article 67 de la Constitution révisé stipule désormais que toute interruption de grossesse « par la mère ou par un tiers » est « interdite et illégale », mais surtout que cette clause « ne pourra être réformée que par une majorité des trois quarts des membres du parlement ».
En Pologne, le Tribunal constitutionnel, soutenu par le gouvernement populiste de droite, a proscrit en octobre 2020 l’interruption volontaire de grossesse en cas de malformation grave du foetus. Celui-ci est seulement autorisé en cas de viol ou d’inceste, ou lorsque la vie de la mère est en danger.
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