La politique de conservation de la nature est-elle néocolonialiste?
L’anthropologue Fiore Longo dénonce la mise à l’écart des peuples autochtones dans la stratégie des parcs nationaux et aires protégées, au bénéfice des élites du Nord.
C’est à partir du concept de «nature sauvage», puis celui du parc naturel, que s’est développé le mouvement de conservation de la nature tel que nous le connaissons, avec ces réseaux d’aires protégées qui couvrent aujourd’hui presque 17% de la surface de la Terre. Le problème est que ses concepteurs n’y ont pas vu des paysages et des écosystèmes où vivent et que gèrent des humains qui en représentent une partie fondamentale, explique en substance Fiore Longo, anthropologue et responsable de recherches et de plaidoyer à l’ONG Survival International, dans Décolonisons la protection de la nature! (1).
Après le colonialisme vert, sévit un capitalisme vert, avec la complicité des ONG de conservation de la nature.
Le livre est celui d’une militante. Survival International est un mouvement mondial pour les droits des peuples autochtones. Il reste que Fiore Longo fonde son étude sur sept années de missions sur le terrain et que les exemples sur lesquels elle appuie ses critiques sont documentés. Sa conviction est que la protection de la nature a été conçue par des personnalités occidentales lors de la période de la décolonisation et que celles-ci ont sciemment véhiculé l’image d’une «nature sauvage» dépourvue de présence humaine pour faire accepter, avec force financements, aux dirigeants des pays concernés le concept de zones protégées, dont bon nombre deviendraient les lieux de destination privilégiés de touristes majoritairement blancs.
Ainsi, en 1959, sont expulsées de ce qui deviendra le parc national du Serengeti, en Tanzanie, les populations autochtones massaï qui y vivent. Elles sont alors déplacées dans la région adjacente, l’aire de conservation de Ngorongoro. Or, leur présence sur une partie de celle-ci est aujourd’hui menacée parce que le gouvernement tanzanien souhaite transformer 1 500 km2 de ces terres ancestrales des Massaï en zone dévolue au tourisme d’élite, à la conservation et à «la chasse aux trophées» qui, en l’occurrence, seraient réservés à la famille et aux invités des émirs qui dirigent les Emirats arabes unis.
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Après le colonialisme vert, sévit donc un capitalisme vert, avec la complicité des principales ONG de conservation de la nature, dénonce Fiore Longo. Ses promoteurs sont tout aussi peu soucieux des habitants originels de ces terres, alors qu’ils sont les garants, depuis des temps immémoriaux, du respect de la nature et d’un rapport équilibré de celle-ci avec l’homme. D’où l’urgence, selon l’autrice, de revoir notre conception de la conservation de la nature.
(1) Décolonisons la protection de la nature! Plaidoyer pour les peuples autochtones et l’environnement, par Fiore Longo, Double ponctuation, 186 p.
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