Un sans-abri parisien écrit un best-seller
Il y a deux mois, Jean-Marie Roughol, un Français de 47 ans, racontait dans son livre Je tape la manche sa vie de sans-abri. Ce succès d’édition déjà vendu à 40.000 exemplaires ne lui a pas encore permis de quitter la rue, mais a déjà bouleversé son quotidien.
L’ouvrage de 176 pages est un « best-seller », souligne sa maison d’édition, Calmann-Levy, et Jean-Marie a écumé les plateaux de télé et les émissions de radio en compagnie du président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, homme politique de droite et ancien ministre de l’Intérieur, qui l’a aidé à écrire ce livre.
Leur rencontre, expliquait-il à l’AFP fin septembre, est le fruit du hasard. Alors qu’il « tapait le pèlerin », selon sa formule, devant un magasin des Champs-Elysées, il croise Jean-Louis Debré et lui propose de surveiller sa bicyclette. Les deux hommes sympathisent, et Jean-Louis propose à Jean-Marie de l’aider à raconter ses 27 ans à la rue.
Le projet durera plus de deux ans. Le temps pour Jean-Marie Roughol, qui « n’a pas trop été à l’école », de remplir trois cahiers, patiemment retranscrits et retravaillés par l’ancien ministre. Au bout du compte, un livre classé 12e des meilleurs ventes dans le palmarès de l’hebdomadaire L’Express.
Attablé à la terrasse d’un petit café proche de ses lieux de « manche » à Paris, Jean-Marie dit n’avoir « jamais pensé qu’écrire le livre aurait autant de conséquences ».
Il fait toujours la manche
Il continue pourtant de faire la manche tous les jours, devant les grilles du magasin de luxe Chanel, avenue Montaigne, dans les beaux quartiers de Paris. Avec un bonnet de père Noël, il harangue les passants, afin de récolter les 80 euros journaliers nécessaires pour payer sa chambre d’hôtel et sa nourriture.
« Dans dix mois, j’aurai les droits d’auteur. Je ne veux pas d’acompte, je préfère avoir tout d’un coup », explique-t-il.
Avec une petite avance, il s’est cependant acheté un smartphone, sur lequel il répond avec enthousiasme à ses nouveaux amis sur Facebook. « Des gens m’écrivent de partout, et je suis interpellé tous les jours dans la rue par des personnes qui ont lu mon livre ».
« La semaine dernière, j’ai été invité au restaurant » par « un homme du Tennessee (Etats-Unis) qui a acheté 15 exemplaires de mon bouquin ». « Et un autre monsieur vient de Suisse pour m’apporter du chocolat ».
« On me demande de dédicacer mon livre, des gens me donnent de l’argent, d’autres m’offrent des vêtements », se réjouit-il en exhibant des baskets « toutes neuves », offertes par un riverain.
« Des neveux et nièces veulent me connaître »
Jean-Louis Debré, qui continue de le voir régulièrement, lui a également offert un manteau.
Jean-Marie apprécie encore plus quand certains lecteurs lui disent que son livre a changé leur perception des sans-abri: « Maintenant, ils regardent autrement les gens de la rue ».
Dans le quartier, ses collègues d’infortune semblent profiter du changement. « Ils me disent ‘beaucoup de gens viennent nous voir grâce à toi' ».
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Jean-Marie a aussi retrouvé un de ses frères. « Il m’a vu à la télé, il ne savait pas que j’étais dans la rue. Quand on est dehors, on reste renfermé sur soi-même, on a honte. J’ai des neveux et nièces qui veulent me connaître… ça fait bizarre, alors que j’ai toujours été seul ».
Avec l’aide de plusieurs personnes émues par sa situation, Jean-Marie a entrepris des démarches pour faire valoir ses droits à un revenu minimum, s’affilier à la sécurité sociale et faire une demande de logement social. « A la rue, tout ça c’est pas la priorité, on peut pas se permettre de perdre une journée de manche ».
« Quand j’aurai mon appartement, je m’achèterai un ordinateur, pour continuer à écrire des livres », dit-il. Avec l’argent du livre, il espère également ouvrir une crêperie, un vieux rêve. Et pourquoi pas faire du cinéma, surtout dans un film policier, avec « Jean-Louis Debré dans le rôle du commissaire ».