Pourquoi personne ne sourit sur les vieilles photos ?
Les photos de jadis semblent n’être qu’un concours de mines patibulaires. Le sourire y est rare, pour ne pas dire inexistant. Que cache ce manque évident de joie de vivre ? Voici la réponse à ce mystère.
L’une des premières explications est que la technologie ne permettait pas de fixer un sourire sur pellicule. Les temps de pose étaient longs et l’on devait rester immobile si on voulait que l’image soit nette. Et tout le monde qui sourit trop longtemps le sait, une expression neutre est plus facile à tenir sur la durée. La théorie est plaisante, sauf que, et dès les années 1900, le temps de pause s’est sensiblement raccourci et qu’il était, dès lors, possible d’arborer son plus beau sourire. Ils n’en n’ont pas, pour autant, inondé les clichés. La raison de ce sérieux en toute circonstance aurait donc un autre motif, plus culturel celui-là.
L’influence de la peinture
Une autre théorie pour expliquer ces airs si tristes serait l’influence de la peinture. Aujourd’hui la photo est un instantané, la saisie d’un moment de vie. Auparavant elle était considérée comme un portrait d’une personne, une personne figée dans un moment précis. On ne riait pas dans les portraits alors pourquoi, le ferait-on dans une photographie ? Le modèle Elmer Ellsworth Masterman, qui a posé pour des tableaux et des photos en tant que Jésus, raconte en 1894 dans le Photographic Journal of America qu’il ne voyait aucune différence à poser pour un photographe ou pour un peintre. Même après l’apparition de la caméra, on a continué de voir la photo comme une manière de montrer une vie idéalisée et non comme un moyen de capturer l’instant présent.
Une expression ridicule
Les photos étaient aussi une façon de s’assurer une certaine immortalité. Une place dans l’éternité en quelque sorte. Dans cette optique, la photo qui vous représente auprès des générations futures ne peut afficher une drôle d’expression et encore moins une grimace. Il existait aussi une tradition de photo post-mortem. On photographiait des adultes, des enfants et même des animaux morts comme s’ils étaient vivants. Au tournant de l’année 1900, cette tradition fut délaissée. L’idée sous-jacente a, elle, perduré : la photographie restait un moyen de continuer à être vivant pour sa descendance.
Le rire était mal vu
Une quatrième et dernière théorie explique que les cultures victorienne et edwardienne désapprouvaient grandement le rire. C’est la théorie qui remporte le plus de suffrages, mais qui est aussi la plus difficile à prouver. Car comme toute affirmation culturelle, il s’agit souvent de non-dit. Dans les années 1900, le rire semblait réservé aux idiots. Des recherches ont mis en avant le fait que, durant des siècles, le rire était réservé aux clowns. Il existe de nombreuses exceptions à ce postulat d’un rire interdit. Le groupe Flickr ‘Smiling Victorians’ contient pas moins de 2100 photos qui représentent des gens souriants. De quoi ébranler sérieusement cette théorie.
Pourquoi cet homme rit-il ?
Il y a cette photo qui date de 1904 et où l’on voit incontestablement un homme sourire. La photo vient de la collection de Berthold Laufers prise lors d’une expédition en Chine. Ce photographe était aussi un anthropologue. Ce qui signifie que ses photos avaient un autre but, celui de montrer les choses telles qu’elles étaient et non des mises en scène. Laufer voulait avant tout transcrire les émotions. On ne sait pas pourquoi cet homme avait l’air si heureux. Par contre une chose est certaine, c’est qu’elle nous fait encore sourire aujourd’hui.
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