« J’ai ramené du vin de mes vacances, il est devenu mauvais ! »
Les cavistes, ça en entend des belles, tous les jours. Sandrine Goeyvaerts les recense dans un livre. Et nous sert des inédites.
Il n’a même rien à voir avec l’original : à croire que le vigneron peu scrupuleux vous a refilé une piquette à la place du merveilleux cru qu’il vous a fait goûter. Allons bon. C’est le petit cousin du beau-frère de votre arrière-grand-tante qui vous a donné l’adresse de ce vigneron, pourtant, c’est dire si l’info est fiable ! Ou bien c’est par hasard (et pas rasé) à la terrasse d’un troquet que vous pensiez avoir fait la découverte du siècle : le petit vin pas cher et inconnu qui vous aurait ouvert le cénacle des connaisseurs à qui on ne la fait pas. Les cigales chantaient, la lavande était en fleurs, les gens de bonne humeur : alors oui, il était bien un peu acide, ce blanc mais au soleil, même la misère est plus belle, comme dirait l’autre. Illico chez le vigneron, à deux pas, vous en aviez embarqué trois caisses…
Aujourd’hui, sous le ciel gris et bas, vous l’avez mauvaise ? Normal : nous sommes des êtres d’influence. Et s’il est difficile de faire passer de la piquette pour un grand cru, on peut beaucoup accepter, si on est bien conditionné. Une température un peu plus – un peu trop – basse de service, de la mauvaise humeur, un environnement hostile, et hop, c’est l’inverse : le vin ne plaît plus. Les critères qui déterminent ce qu’est un vin techniquement réussi sont objectifs : équilibre entre acidité, tanins et sucre, absence de défauts… Mais le goût, c’est une autre histoire, subjective. Vécu : lors d’une dégustation, un des participants clame haut et fort : » Ce vin sent la crème dépilatoire. » Eh bien, je vous garantis qu’il a été impossible après de penser à autre chose, tout professionnels que nous fussions.
Donc, si le vin que vous avez ramené vous déçoit aujourd’hui, ne le blâmez pas trop, et ressortez-le plus tard, les beaux jours revenus. Nappe colorée, pieds en éventail, quelques grillades et hop, le tour est joué. Notez, s’il sent la loque, le moisi, la poussière, il est sans aucun doute bouchonné ! Le vigneron n’en est pas responsable directement – ce sont des molécules nommées TCA qui contaminent le liège – mais il vous remplacera toutefois en général les bouteilles défectueuses. Une excuse pour reprendre des vacances ?
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