Faire preuve de respect pour réduire le «malheur inutile» dans la société
Le psychiatre Alain Gérard est de plus en plus confronté à des «troubles de l’adaptation». Causes, conséquences et solutions à travers cinq cas.
Le psychiatre Alain Gérard, ancien chef de service à l’hôpital Sainte-Anne à Paris, est amené à soigner de plus en plus de patients qui, à la périphérie du champ de ses compétences, ne sont pas atteints de maladies mentales mais sont victimes de «troubles de l’adaptation». Ceux-ci sont liés, selon lui, «aux managements inadaptés, à la perte de sens de nombreuses fonctions professionnelles, à l’accélération généralisée des échanges, à l’avalanche d’informations, au creusement des inégalités, aux injustices de la justice, aux fins de vie indignes, plus récemment aux effets de la pandémie liés au Covid». La multiplication des cas a poussé le Dr. Gérard à en décrire certains, emblématiques, dans Le Malheur inutile (1), formule dont il mesure la limite sachant qu’un malheur peut difficilement être jugé utile.
Il faut faire le choix de placer l’humain, l’autre, au cœur de toute éducation et de tout management.
Le lecteur découvre ainsi Jean, ancien employé de laboratoire devenu jardinier paysagiste, un choix de vie bénéfique qui ne l’empêche pourtant pas d’être écartelé entre les problèmes de fin de mois et ceux de fin du monde dans la campagne française où il s’est retiré. Martine, mère de famille monoparentale, souffre, comme beaucoup d’autres femmes, de la charge mentale cumulée des vies privée et professionnelle. Un déménagement et un changement d’emploi l’aideront à s’en sortir. Directrice des ressources humaines d’une entreprise, Françoise ne supporte plus de devoir exécuter les décisions, aux conséquences sociales douloureuses, d’actionnaires uniquement motivés par la maximalisation de leurs profits. Valérie l’infirmière est en butte à la dégradation de ses conditions de travail et au mépris de sa cheffe de service. Et Monsieur Louis, avocat dans un cabinet spécialisé en fusions-acquisitions, estime que les préoccupations de ses collègues ne sont plus constructives mais destructives, et les objectifs purement financiers et de court terme. Françoise, Valérie et Louis ont, comme Martine, trouvé leur salut dans un nouveau travail. Alain Gérard les y a aidés, sans médicaments.
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Pour l’auteur, ces patients ont été «victimes d’un dérèglement consenti de règles essentielles» parce qu’ils étaient conditionnés à souffrir au nom de la performance et de la réussite. Comment s’y soustraire? Il faut «faire le choix de placer l’humain, l’autre, au cœur de toute éducation et de tout management, et cela passe par le respect. De soi et de ceux qui nous entourent, quels qu’ils soient.» Réduire le «malheur inutile» est donc possible.
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