Face aux migrants, l’éloge du dérangement
Un jour de décembre 2021, un jeune homme venu assister à une messe dans une localité du Pas-de-Calais interpelle par ces mots une musicienne qui a accompagné la célébration: «Il ne faut pas prier pour les migrants ; arrêtez de prier pour eux!» Le célébrant, Mgr Olivier Leborgne, à qui on a rapporté les propos, est sous le choc. Installé il y a un peu plus d’un an évêque d’Arras, évêché qui a sous son administration la ville de Calais, il a appris à connaître la réalité de la vie des migrants qui s’y regroupent dans l’espoir de gagner le Royaume-Uni. «Qu’est-il donc arrivé à l’Eglise pour que l’un de ses membres puisse prononcer ces mots?», s’interroge-t-il dans Prière pour les temps présents (1).
«L’accueil de l’émigré est au cœur de la révélation judéo-chrétienne», rappelle Olivier Leborgne, qui s’inquiète de «l’ensommeillement de certains catholiques». Certes, l’arrivée de migrants bouscule-t-elle nos habitudes. Mais «tout dérangement est-il mauvais?», se demande l’auteur. «Une civilisation peut-elle se penser seulement en avantages acquis et en biens culturels à défendre, ou se grandit-elle de la rencontre et du dérangement?» Les membres du Secours catholique dont il a découvert le travail auprès des migrants en sont le meilleur témoignage.
Pour le prélat, «la question migratoire ne trouve pas de solutions parce que dominent très clairement dans le monde, jusque dans les plus hauts niveaux, des intérêts partisans commandés par l’argent». Pour lui, écouter enfin en tant qu’être humain la parole des pauvres et assumer en tant qu’Etat ses responsabilités par rapport au préjudice de la colonisation devrait contribuer si pas à la résoudre, au moins à l’atténuer. Parce que «partager, ce n’est pas perdre, c’est gagner en humanité».
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