Face à l’afflux de données, notre libre choix est-il en péril ?
L’intelligence artificielle l’accroîtra encore.Bruno Patino s’interroge sur la capacité de l’utilisateur à poser des choix raisonnés.
La production de données par les nouvelles technologies devrait augmenter de 40% par an entre 2023 et 2028, selon les prévisions rappelées par Bruno Patino dans Submersion (1). «Un déplacement […] a eu lieu. Que nous ne mesurons pas encore. La machine s’est emballée, elle a produit, produit encore, produit toujours pour satisfaire cette attention synonyme de revenus publicitaires et de capitalisation boursière. Messages, textes, images, vidéos, séries, morceaux de musique, la vague est à chaque fois plus haute, il n’y a jamais de ressac», constate le lanceur d’alerte sur les dangers de l’économie des réseaux et des plateformes, auteur des remarqués La Civilisation du poisson rouge (Grasset, 2019) et Tempête dans le bocal (Grasset, 2022).
Faut-il s’habituer à laisser de côté la notion de libre arbitre?
La «menace» est d’autant plus forte que l’intelligence artificielle générale démultipliera ce flot accessible d’informations, de vidéos et de sons. Ainsi, il n’a fallu que deux mois pour que cent millions d’individus utilisent couramment ChatGPT. La submersion, déjà perceptible, connaîtra des niveaux inégalés. Face à ce tsunami, Bruno Patino se demande comment le citoyen arrivera à poser ses choix. Déjà, il met de plus en plus de temps à les faire. Selon une étude britannique, «nous passons en moyenne cent jours d’une vie à décider ce que l’on va regarder». L’embarras du choix, qui faisait figure d’aubaine, relève désormais du défi. «Nous vivons dans le culte du choix. Il est devenu une nouvelle religion, une nouvelle manière d’exister», décrypte l’auteur. Mais le danger est que, lassé par la multiplication des choix à faire, nous ne décidions in fine de nous en remettre aux algorithmes pour nous en délivrer. «Ça tombe bien: l’économie numérique n’attend que cela», constate Bruno Patino. Et de s’interroger: «Doit-on continuer à croire en la possibilité d’un choix raisonné ou bien faut-il s’habituer à laisser de côté la notion de libre arbitre?»
Pour éviter d’en arriver là, l’auteur de Submersion appelle les utilisateurs de réseaux sociaux et de plateformes à agir en amont en faisant preuve de discernement et les opérateurs à rétablir la confiance avec ces derniers. «Etre en mesure de faire des choix, chercher quelque chose que l’on ne trouve pas, trouver quelque chose que l’on ne cherche pas. Permettre ces trois manifestations de la liberté humaine écrit la feuille de route des médias, plateformes, institutions, de tous ceux qui font profession de médiateur dans un très grand nombre de domaines, et notamment dans ceux de la culture, de l’information et du divertissement.»
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici