Voiture : bientôt des pots catalytiques sans métaux critiques ?
Des pots catalytiques plus écologiques ? Dans l’optique de lutter contre le changement climatique, des chercheurs de l’UCLouvain ont élaboré un catalyseur bon marché, dénué de métaux nobles et de terres rares, et au processus de fabrication peu énergivore.
Afin de réduire les émissions des dangereuses particules fines (PM) des moteurs diesel ou des centrales à charbon, responsables de quelque 307 000 décès prématurés dans l’Union européenne, les effluents gazeux doivent passer dans un filtre, décrassé par chauffage: en brûlant, les PM se transforment en CO2 et en eau, alors rejetés dans l’atmosphère. Dans le secteur automobile, ce nettoyage se produit dans les pots d’échappement catalytiques, où les filtres sont recouverts d’une couche d’agents catalyseurs.
Le rôle d’un catalyseur est de faciliter la réaction de combustion des PM en abaissant la température de réaction. De quoi consommer moins d’énergie tout en diminuant le risque de voir le filtre se boucher. Alors qu’en l’absence de catalyseur, l’oxydation des PM exige une haute température, de l’ordre de 600°C, elle n’est plus que de 350 °C à 400 °C en présence d’oxydes de cérium dans un catalyseur standard. Des métaux comme le platine et le palladium sont capables de réaliser cette catalyse avec une efficacité comparable. «Le problème, c’est qu’ils sont soit rares (cérium), soit nobles (platine, palladium), et donc chers, fait remarquer Eric Gaigneaux, professeur à l’Institut de la matière condensée et des nanosciences (IMCN), à l’UCLouvain. Leur répartition minière est inhomogène: elle se concentre dans des régions géographiques limitées, voire dans un seul pays (Chine ou Russie). Pour nous affranchir de ces difficultés, nous avons élaboré un nouveau type de catalyseur, basé sur des éléments abondants, non critiques et donc moins coûteux: le calcium et l’aluminium.»
Mettre cette technologie dans le domaine public, sans velléité financière, était déontologiquement important.
Accessible à tous
Avec une température de combustion des PM amenée à 450°C, le catalyseur louvaniste est un peu moins efficace que ses cousins conventionnels à base de terres rares et de métaux nobles. Mais cet aspect négatif pourrait facilement être contrecarré. En partant du principe que, habituellement, le volume du pot catalytique d’une voiture est identique à la cylindrée de son moteur: pour un moteur de deux litres de cylindrée, le volume du catalyseur est de deux litres également. «Pour abaisser la température de combustion des PM à 400°C, il suffirait d’augmenter la masse de catalyseur à base de calcium et d’aluminium dans le pot catalytique. Selon notre expertise, nous estimons qu’avec trois litres de catalyseur pour un moteur de deux litres de cylindrée, cela devrait fonctionner et ne devrait pas être un frein à l’ adoption de cette technologie.»
Pour confirmer cette intuition, il faudrait faire des calculs poussés et des essais grandeur nature. La balle est désormais dans le camp des industriels. En effet, depuis quelques semaines, l’innovation louvaniste est dans le domaine public. «Nous n’avons pas souhaité la breveter et nous avons publié tous nos résultats scientifiques. Mettre une telle technologie à l’usage du public pour réaliser quelque chose de positif pour la planète et les générations futures, sans idée financière derrière la tête, me paraît déontologiquement important. Nous nous tenons à la disposition de quiconque voudrait exploiter notre catalyseur», conclut Eric Gaigneaux.
Une production bien moins énergivore
Le catalyseur élaboré et testé à l’UCLouvain est composé d’un oxyde de calcium et d’aluminium, appelé mayénite, dopé avec de petites quantités de cuivre (1%). « Il s’agit d’un oxyde mixte qui, pour être fabriqué en phases pures, doit habituellement séjourner dans un four à 1 200 °C pendant un à deux jours et subir de nombreuses étapes de broyage et de cuisson successives, précise Eric Graigneaux. Dans notre laboratoire, nous avons mis au point une méthode pour le concevoir dans un four chauffé à une température bien plus basse (400°C) et en à peine une heure.» De quoi faire de substantielles économies d’énergie.
L’astuce? Avoir recours à une combustion interne. Une solution de nitrates de calcium et d’aluminium est ajoutée à un fuel liquide composé d’urée et d’alanine, des composés courants et bon marché. «Le tout est placé dans un four à basse température (400°C). Quand le système démarre, il prend une couleur rouge incandescent, on parle d’un volcan: les carburants internes s’enflamment spontanément et génèrent de l’intérieur une chaleur très intense et très brève qui permet la formation d’une phase pure de mayénite. Une fois le carburant épuisé, le volcan s’arrête, le système refroidit et on récupère une espèce de meringue très aérée que l’on broie pour la réduire en poudre.» Des industriels pourraient alors, par des méthodes bien connues du monde de la catalyse hétérogène, la mettre sous forme extrudée, de monolithe ou de pastille. Et en doter les pots catalytiques du futur.
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