© Pablo Crutzen

Trop de renards à Bruxelles ?

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Les renards font désormais partie du paysage à Bruxelles. Sont-ils trop nombreux ? Dangereux ? Porteurs de maladies ? Peut-on les nourrir ? Réponses des spécialistes.

Espèce désormais très commune en Région bruxelloise, le renard fait partie du paysage non seulement dans la périphérie verte, mais aussi au coeur même de la capitale. « Nous recevons régulièrement des appels de particuliers tombés nez-à-nez avec une petite bande, ou qui signalent la présence d’une famille dans un terrier du jardin », raconte Guy Rotsaert, du département biodiversité de Bruxelles-Environnement. « Vers la fin mai-début juin, époque où les jeunes sont sortis du terrier parental, ces appels se multiplient. Subjugués ou inquiets, les particuliers nous demandent ce qu’il faut faire. Questions récurrentes : l’animal est-il dangereux ? Est-il porteur de maladies ? N’y-a-il pas trop de renards en ville ? Est-il normal qu’ils soient si peu farouches ? »

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.© Bernard Crutzen

Ni agressif avec l’homme, ni avec chiens et chats

Réponses des spécialistes : s’il se sent en sécurité, le renard roux bruxellois peut s’approcher très près des humains. Mais il n’a pas de comportement agressif vis-à-vis de l’homme ou des animaux domestiques. « Les renards n’ont aucun intérêt à se battre avec un chien ou un chat, estime Guy Rotsaert : ils savent qu’ils risquent de sortir blessés d’une confrontation. » De même, il n’y a aucun cas connu de goupil ayant attaqué des adultes ou des enfants. Mais les peurs irrationnelles persistent. « Nos services ont été contactés par un promeneur qui s’est plaint d’avoir été  »agressé » en pleine nuit par un renard, rapporte l’expert de Bruxelles-Environnement. En fait, l’animal s’est figé et a fixé du regard cet homme, qui s’est senti menacé. Le renard trouble notre subconscient, alors qu’on fait peu de cas des nombreux chiens qui mordent des gens. »

Ne pas nourrir maître goupil

De l’avis des experts, le comportement inadéquat vient souvent de l’homme, pas de l’animal. Ainsi, des particuliers ont pris l’habitude de nourrir un ou plusieurs renards, voire de les apprivoiser. Le cinéaste Bernard Crutzen, auteur du documentaire Bruxelles sauvage, actuellement projeté dans des communes de la capitale et dans certaines villes de Flandre (1), a filmé plusieurs scènes de nourrissage dans des jardins ou même à l’intérieur d’habitations. Ce comportement n’est pas interdit – il est seulement défendu de nourrir les animaux dans les espaces verts publics -, mais Bruxelles-Environnement le déconseille. Il provoque une augmentation artificielle de la population de renards et rend le goupil fainéant : plus question pour lui de chasser rats et souris ! « De plus, s’efforcer de caresser ou d’apprivoiser un renard est précisément l’attitude qui risque de conduire un jour à un incident, morsure ou autre, relève Alain Paquet, chargé de mission à Natagora pour le suivi de la biodiversité. Le renard pourrait alors en faire les frais, car des voix s’élèveraient pour que les politiques autorisent le traque aux renards. »

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.© Bernard Crutzen

Nuisances et maladies

En Région bruxelloise, les plaintes relatives à des renards qui s’attaquent aux poules sont rares. Les principales nuisances signalées sont les sacs-poubelles éventrés et les terriers mal situés (sous des terrasses, des cabanes de jardin). Par ailleurs, le goupil urbain est en bonne santé, confirme une étude de l’Institut scientifique de santé publique (ex-Institut Pasteur). La rage, que l’animal peut véhiculer, a été éradiquée en Belgique. « Néanmoins, des cadavres de renards parmi ceux que nous ramassons sont envoyés pour analyse à l’Institut, indique Guy Rotsaert, de Bruxelles-Environnement. Rien à signaler jusqu’ici, mais il faut bien sûr rester vigilant. »

L’échinococcose alvéolaire

Par ailleurs, le parasite qui provoque l’échinococcose alvéolaire, maladie transmise à l’homme par l’animal, est présent chez les renards de Belgique, mais surtout dans les Ardennes. La maladie se développe chez l’homme après ingestion des oeufs qui se trouvent dans les excréments du renard. Jusqu’ici, aucune étude ne montre que ce parasite sévit à Bruxelles. « On peut certes imaginer que des excréments se retrouvent, suite à des pluies abondantes, sur les feuilles de salade d’un potager, mais il est très peu probable que ce scénario catastrophe survienne, estime Guy Rotsaert. En fait, le risque de contamination est nettement plus élevé pour ceux qui, en Ardennes, mangent des myrtilles cueillies dans la nature. »

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.© Bernard Crutzen

Victime de la circulation

Selon certaines sources dans le milieu des naturalistes, 2 500 à 3 000 renards se seraient installés à Bruxelles, dont quelques dizaines dans le Pentagone. Bruxelles-Environnement refuse de confirmer ces chiffres, mais estime que la Région est « pleine ». En clair : les territoires des renards sont contigus partout. Un territoire peut être comparé à une pièce de puzzle : chacune est de forme et de taille différente. Plus il y a de nourriture disponible, plus la « pièce » est petite. « Chaque territoire compte au moins un terrier de mise bas, où sont élevés les petits au printemps, et souvent un ou plusieurs gîtes de repos, explique Guy Rotsaert, l’expert de Bruxelles-Environnement. A la fin de l’été, les jeunes devenus adultes deviennent concurrents de leurs parents pour la nourriture. Les jeunes mâles partent alors à la recherche de leur propre habitat, période dangereuse pour eux : ils déambulent aux abords de territoires occupés et parcourent de longues distances. A ce moment-là, il y a un risque élevé pour eux d’être victimes de la circulation. »

Le renard, animal opportuniste

Inconnu en Région bruxelloise jusqu’il y a trente ans, le renard roux y a fait son apparition de manière spontanée et naturelle, en provenance de la campagne flamande. Le premier cas avéré de reproduction date du milieu des années 1980. On aperçoit ensuite de plus en plus de renards dans les quartiers résidentiels limitrophes de la forêt de Soignes. « Manifestement, ils y ont trouvé assez de nourriture, de quiétude et de congénères pour s’y établir et s’y reproduire, relève Guy Rotsaert. Comme la mouette ou la corneille, le renard est un animal opportuniste, capable de s’adapter à un milieu nouveau ». Au départ de ses premières tanières urbaines au sud et au sud-est de la capitale, il a entamé une lente progression vers le nord de la ville.

Amis et ennemis du goupil

Les talus de chemin de fer sont les voies d’accès privilégiées des renards vers les zones les plus urbaines, riches en nourriture disponible. Si la densité de renards est maximale à Woluwe-St-Pierre, Auderghem, Watermael-Boitsfort et Uccle, des goupils ont aussi élu domicile derrière le Palais royal, dans des cimetières ou encore dans le parc Léopold, où on a trouvé, il y a deux ans, un renardeau de six semaines. Tous les Bruxellois ne tombent pas pour autant sous le charme de l’animal. « Pourquoi vous ne venez pas attraper cette saloperie de bestiole pour l’expédier au fin fond des Ardennes ? », demandait récemment à Bruxelles-Environnement un particulier énervé par la présence d’une tanière dans son jardin. « Capturer ou éliminer un renard n’est pas une mesure efficace, répond Rotsaert. La place laissée vacante est aussitôt occupée par un jeune de la famille ou par un nouveau renard à la recherche d’un habitat. »

A Bruxelles, interdit d’en tuer

D’autres villes européennes sont confrontée au même phénomène. A Londres séjournent plus de 10 000 renards. Des habitants les nourrissent, les soignent et une page Facebook de défense des « urban fox » réunit plus de 14 000 personnes. Mais certains Londonniens se plaignent de ces animaux qui détruisent les fleurs, fouillent les poubelles ou sont trop bruyants durant leurs ébats. Familles, écoles et clubs chargent des personnes de les tuer, moyennant rémunération. A Bruxelles, la chasse et le piégeage sont interdits. A l’instar de tous les mammifères indigènes de la Région, le renard est une espèce strictement protégée par l’ordonnance du 1er mars 2012. On ne peut ni le tuer, ni le capturer, le déplacer ou même le déranger. Ce n’est pas le cas en Flandre et en Wallonie.

(1) Bruxelles sauvage, faune capitale, sera diffusé le 5 avril à 13h30 sur la Une. Rediffusion le 10 avril à 22h30 sur la Trois. Des extraits du film seront commentés dans le Jardin Extraordinaire du 29 mars, à 20h15.

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