Philippe Maystadt
Trois mesures réalistes pour lutter contre le changement climatique
Au cours d’un séminaire sur la transition énergétique qui réunissait des industriels, des scientifiques et des fonctionnaires, l’animateur nous posa la question suivante : « Si vous étiez le Commissaire européen en charge de la lutte contre le changement climatique, quelles seraient les trois mesures que vous proposeriez en priorité pour réduire significativement le volume des émissions de CO2 ? »
Les suggestions fusèrent dans tous les sens, depuis le « car sharing » jusqu’à la limitation de la production de viande. Ayant écouté les arguments des uns et des autres, j’ai formulé ma propre réponse en privilégiant les mesures qui ont un effet important de réduction des émissions sans entraîner de dépenses budgétaires additionnelles. Car, à la différence d’autres participants, je n’ai aucune illusion sur la possibilité d’augmenter le budget européen. Seuls des glissements limités entre des postes de la même partie du budget sont possibles et la mise au point du financement du Plan Juncker montre combien cet exercice est difficile.
1. Une réduction graduelle de la part d’électricité produite par des centrales fonctionnant aux énergies fossiles. La part des autres centrales pourrait augmenter de 45 % aujourd’hui à 66 % en 2030 et à 100 % en 2050, ce qui signifierait une réduction de 27 % du total des émissions actuelles. La méthode la plus efficace serait sans doute de diminuer progressivement les quotas d’émissions accordés au secteur de production d’électricité sous le système ETS.
2. La généralisation de voitures peu consommatrices de fuel. L’usage des voitures individuelles provoque aujourd’hui 12 % des émissions de CO2. Imposer de remplacer dans un délai de dix ou quinze ans les voitures actuelles (en moyenne 6 l/100km) par des voitures ne consommant que 2 l/100km diminuerait la facture de carburant pour les conducteurs, créerait des emplois en Europe, réduirait les besoins d’importation de pétrole et diminuerait les émissions produites par les voitures de deux tiers, soit 8 % du total des émissions de CO2. Les principaux constructeurs européens reconnaissent que c’est techniquement possible.
La part des bâtiments publics est estimée à environ 10 % de la superficie bâtie ; ils sont chauffés à plus de 70 % par des énergies fossiles. Il y a là un énorme potentiel d’économies d’énergie.
3. Le lancement d’un vaste programme de rénovation thermique des bâtiments publics. Les bâtiments sont responsables de 36 % des émissions de CO2 en Europe. La part des bâtiments publics est estimée à environ 10 % de la superficie bâtie ; ils sont chauffés à plus de 70 % par des énergies fossiles. Il y a là un énorme potentiel d’économies d’énergie. Un programme de rénovation thermique de ces bâtiments diminuerait les importations d’énergie, réduirait les émissions de gaz à effet de serre et créerait des emplois locaux. Mais l’investissement initial plus élevé et les contraintes budgétaires rendent difficile la décision des pouvoirs publics de procéder à leur rénovation.
D’où ma proposition de faire appel au Plan Juncker. Concrètement, des sociétés de projets seraient constituées par des entreprises expérimentées, elles joueraient le rôle de tiers investisseurs et s’engageraient sur un contrat de performance énergétique suffisamment précis pour rassurer toutes les parties. Dans ces conditions, ces sociétés pourraient être financées, comme le prévoit le Plan Juncker, à la fois par la BEI et des investisseurs institutionnels.
Ces trois mesures ne coûteraient rien de plus que ce qui est déjà prévu dans le budget européen mais permettraient d’accomplir une bonne partie du chemin vers une économie sans carbone.
par Philippe Maystadt Ministre d’Etat et membre de l’Académie royale de Belgique
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