Ski et écologie: non, les canons à neige ne sont pas les plus polluants

© ISTOCK
Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Alors que certaines stations ferment par manque de neige, la pratique du ski est de plus en plus pointée du doigt pour son impact négatif sur le climat. Au point de rendre ski et écologie incompatibles ? Cela dépend surtout de vous…

En Belgique, les vacances de carnaval – dites maintenant congé de détente – riment souvent avec sortie en famille au ski. C’est encore plus vrai pour les francophones que pour les néerlandophones, selon une étude de LHM Conseil.

En 2021, 730.000 Belges se sont rendus aux sports d’hiver. Près de la moitié d’entre eux (47%) ont opté cette année-là pour la France comme destination. Un chiffre qui monte à 81% si on ne prend en compte que la population wallonne.

Quel est l’impact de ces touristes qui débarquent sur les pistes pour le réchauffement climatique ? Le Vif a décidé de faire le point de la situation chez nos voisins français, qui accueillent 10 millions de skieurs chaque année. Cela permet l’emploi de 18.000 salariés et de 120.000 emplois secondaires (Horeca, commerces, écoles de ski…) mais produit aussi 800.000 tonnes de CO2 par an.

Des stations de ski obligées de fermer

La saison 2022 de certaines stations de ski françaises est aussi noire que les pistes les plus pentues de leur domaine. Et pour cause : les flocons ne tombent plus comme avant sur les sommets montagneux.

Depuis 1951, 169 stations de ski ont dû mettre la clé sous le paillasson en France. Pour la moitié d’entre elles, c’est à cause du manque de neige, selon une étude de l’Université de Grenoble citée par Forbes. D’après les statistiques, de nombreuses stations alpines pourraient perdre jusqu’à 70% de leur neige d’ici 2100.    

Lire aussi | Comment les skieurs s’adaptent au manque de neige (Trends, Carte blanche)

Pour pallier cela, les canons à neige sont de plus en plus utilisés afin de recouvrir les pistes de blanc. En 2022, 39% des pistes françaises y avaient recours selon Le Monde

Les canons à neige : un impact carbone limité

Pour faire fonctionner les canons à neige, il faut utiliser de l’eau. Mais contrairement à ce qu’on pourrait penser, les canons à neige ont un impact limité sur la pollution engendrée par la pratique du ski.

Les activités liées directement à la pratique de ce sport (remontées mécaniques, production de neige, entretien des pistes…) ne représentent que 2 à 3% des émissions de gaz à effet de serre (GES) émis par les stations.

Sur base des chiffres de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie) publiés pour l’année 2022, on peut maintenant établir le bilan carbone d’une journée passée sur les pistes de ski françaises.

En se basant sur trois grandes stations françaises (Tignes, La Clusaz et Le Grand Bornand), l’ADEME a établi qu’une journée de glisse correspond à l’émission d’à peu près 50 kilos de CO2 par personne.

Le transport, ce qui pollue le plus

Avec une part de 52% dans ce total, le transport, est le poste le plus polluant. D’après une étude de 2009 – certes un peu datée – à laquelle l’ADEME a participé, plus d’1 personne sur 2 se rend au ski en voiture, 1 sur 3 en avion et seulement 1 sur 10 en train ou en bus.

Le poste suivant concerne le logement et les collectivités, qui représentent 21% des GES. Comprenez la facture énergétique des logements pour le chauffage. L’utilisation de l’équipement (skis, vêtements, bottines) pèse 16% dans le total, suivi par l’alimentation (8%) et le domaine skiable (3%).

La pollution du ski, au-delà du CO2

L’empreinte écologique du ski ne se limite pas à l’émission de gaz à effet de serre. La pratique de ce sport alpin a aussi un impact sur les sols et la biodiversité.

Sur les domaines skiables, d’éventuels déchets, parfois recouverts par la neige, peuvent mettre des centaines d’années avant de se décomposer. Et ce, en polluant les sols et l’eau car l’humidité favorise le dégagement de matières toxiques.

Et puis, si l’utilisation des canons à neige produit peu de dioxyde de carbone, l’enneigement artificiel des pistes se fait parfois en prélevant l’eau directement sur les massifs concernés par le ski. 

Pour faire de la place aux skieurs, il faut également couper des arbres. Il ne faut pas oublier non plus que construire des pistes de ski, c’est aussi détruire l’habitat naturel de nombreux animaux et espèces végétales.

La faune et la flore locales font de plus face à la pollution sonore provoquée par les skieurs et les remontées mécaniques, ainsi que la dameuse, qui arpente les pistes une fois la nuit tombée.

Comment réduire son empreinte carbone au ski ?

Pour autant, il est possible de continuer à se rendre au ski tout en limitant son empreinte carbone. Dans son rapport sur le tourisme en montagne de 2022, l’ADEME préconise quatre mesures pour moins polluer sur les pistes.

  • Opter pour les transports en commun plutôt que la voiture (ou l’avion)

Imaginons que vous allez skier dans le domaine des Arcs, situé dans le sud-est de la France, à un peu moins de 1000km de Bruxelles. Rejoindre la station en train depuis la capitale produit 6kg de CO2, pour une durée de trajet de 8h.

Le même trajet avec une voiture qui roule à l’essence produit 260kg de CO2, pour 10h de trajet sans les arrêts. Pour une famille de 4 personnes, cela fait donc 65kg de CO2 par individu. Pour un couple, cela entraine une émission de 130kg de CO2 par personne.

En résumé, prendre la voiture plutôt que le train pollue 11 fois plus si vous voyagez en famille. Si vous allez skier en couple, c’est 22 fois plus. Dans les deux cas, le temps de trajet est plus long en voiture…

  • Faire preuve de sobriété énergétique : maintenir le chauffage à 19° en journée, et le baisser à 17° la nuit
  • Choisir la seconde main : louer du matériel de ski plutôt que d’en acheter
  • Manger local (et végétarien)

Des stations « durables »

Enfin, pour aller encore plus loin, vous pouvez opter pour une station de ski labellisée « flocon vert ». Actuellement au nombre de 20, ces domaines se sont engagés pour un tourisme durable, défini par plusieurs critères dans le label (réduction des GES, économie locale et solidaire, protection des espaces naturels, sensibilisation du public…).

Continuer à skier sera donc possible dans les années à venir, mais pas à n’importe quel prix. La neige continuera à se raréfier avec la hausse des températures, rendant l’utilisation de la neige artificielle incontournable à certains endroits.

Engagée sur la question climatique, la station de Métabief (dans le Jura) a d’ores et déjà décidé la fin du ski alpin d’ici 2030-2035. Pour remplacer le ski, la station envisage de diversifier ses activités, en misant sur le VTT et le trail par exemple.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire