Remettre les terres en bon état est une question de « survie », prévient l’ONU
Les techniques d’agriculture non durable vont dégrader une surface équivalente à celle de l’Amérique du Sud d’ici le milieu du siècle, selon un rapport de l’ONU publié mercredi, avertissant que remettre les terres en bon état est une question de « survie ».
Les filières alimentaires sont responsables de 80% de la déforestation et de 70% de l’utilisation d’eau douce dans le monde, souligne la 2e édition des « Perspectives foncières mondiales« . Elles sont également le principal moteur de l’extinction des espèces.
Au vu de la situation, « le risque de changements environnementaux généralisés, brusques ou irréversibles va augmenter« , alerte le rapport. Et jusqu’à la moitié du PIB mondial pourrait être en danger, soit quelque 40.000 milliards de dollars. « La façon dont nous gérons et utilisons les ressources terrestres menace la santé et la survie de nombreuses espèces sur Terre, y compris l’espèce humaine« , résume pour l’AFP Ibrahim Thiaw, secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD), commanditaire du rapport. « Le statu quo n’est pas une option viable pour notre survie et notre prospérité.«
Une réunion des 197 parties à la Convention se tiendra à Abidjan à partir du 9 mai, avec notamment à l’ordre du jour l’adaptation aux sécheresses qui se multiplient sous les effets du changement climatique et la transition vers une agriculture durable. Et, plus globalement, la restauration du bon état de cette ressource vitale que sont les terres.
Contenir le réchauffement à 2°C
Car au moins 70% des terres libres de glace de la planète ont été converties pour l’usage humain (infrastructures, habitat, agriculture). Dont la plupart ont été dégradées, faisant notamment baisser les rendements. « Il ne reste plus beaucoup de terres« , explique à l’AFP Barron Orr, responsable scientifique de l’UNCCD. « Et pourtant, nous constatons toujours un rythme accéléré de changement d’affectation.«
Changement qui va de pair avec concentration: 1% des entreprises agroalimentaires contrôlent ainsi 70% des terres agricoles mondiales, calcule le rapport. A l’autre extrême, 80% des exploitations ne représentent que 12% des terres agricoles. Pour la convention sur la désertification, l’objectif central est d’atteindre « zéro perte nette » dans chaque pays en matière de dégradation des sols d’ici 2030, par rapport à l’année de référence 2015.
Ce qui contribuerait également à la lutte pour tenir l’engagement principal de l’Accord de Paris sur le climat, contenir le réchauffement de la température du globe sous les 2°C, rappelle M. Thiaw: « Les sols émettent du CO2 (un des principaux moteurs du changement climatique) quand ils sont dégradés. Les restaurer à l’état naturel peut remettre ce carbone à sa place« . Le rapport évalue différents scénarios d’ici 2050. Si rien n’est fait, 250 milliards de tonnes supplémentaires d’équivalent CO2 pourraient être rejetées dans l’atmosphère, environ quatre fois les émissions annuelles actuelles de gaz à effet de serre.
En revanche, une stratégie de restauration et de protection des terres pourrait voir quelque 300 milliards de tonnes stockées dans les sols et la végétation par rapport à 2015, soit l’équivalent de cinq années d’émissions actuelles.
Renforcer les droits des autochtones
Autre avantage d’une meilleure gestion des terres, préserver la biodiversité, alors que le monde est menacé par une « sixième extinction de masse » et que la disparition des espaces naturels contribue à la possible transmission de virus des animaux sauvages à l’Homme, origine suspectée de la pandémie de Covid-19.
Une autre convention de l’ONU, sur la biodiversité, doit d’ailleurs de son côté se réunir prochainement avec pour objectif l’engagement de placer en aires protégées 30% de la surface de la Terre. Les choix à venir seront donc aussi cruciaux que difficiles: réserver des terres pour les cultures de rente ou alimentaires, planter pour absorber du C02 ou préserver des lieux de biodiversité.
« Notre pensée doit devenir beaucoup plus stratégique« , souligne M. Orr. Le rapport recommande ainsi pour la première fois de renforcer les droits fonciers des peuples autochtones, comme levier pour le climat et la biodiversité.
Des peuples souvent privés de leurs terres traditionnelles et dont les représentants restent méfiants. « Nous accueillons avec plaisir de nouveaux alliés dans cette bataille, y compris les acteurs économiques. Mais nous ne nous laisserons pas utiliser pour du greenwashing« , avertit Jose Gregorio Diaz Mirabal, représentant de 511 groupes autochtones du bassin amazonien
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