
Quelle est la résilience de nos sources d’eau potable? «Nous devons préserver l’eau douce»
Cela peut sembler contradictoire après une année qui a été la plus humide jamais enregistrée, mais la Flandre est confrontée à un problème de sécheresse. Les sources d’eau potable risquent-elles un jour de s’épuiser?
Le Day Zero, le jour où la dernière goutte d’eau coulerait du robinet, a failli devenir une réalité en 2018 à Cape Town, en Afrique du Sud. La ville a pu éviter cet honneur douteux de devenir la «première métropole sans eau» et a tiré de cette leçon d’humilité une stratégie durable de gestion de l’eau, en mettant en place la collecte des eaux de pluie, le dessalement de l’eau de mer, la purification des eaux usées industrielles et – surtout – une réduction du gaspillage d’eau potable.
Mais qu’en est-il chez nous? Les périodes de sécheresse prolongées en été sont de plus en plus fréquentes au nord du pays. Songeons aux années sèches de 2018, 2019, 2020 et 2022. Dans le même temps, la demande en eau a augmenté en raison de la densité croissante de la population, ainsi que des besoins de l’agriculture et de l’industrie.
Sécheresse vs assèchement
Aux Pays-Bas, on craint déjà une pénurie structurelle d’eau potable d’ici 2030 si aucune mesure n’est prise. Pour notre pays, il n’existe pas de prévisions précises concernant d’éventuelles pénuries nationales, mais ce que nous savons, c’est que la Flandre est l’une des régions du monde où le stress hydrique est le plus élevé.
«En Flandre, certaines régions sont plus sensibles que d’autres», explique Tom De Dobbelaer, chercheur à l’Institut de Recherche sur la Nature et la Forêt (INBO). «En plus du stress croissant dû à la sécheresse liée au changement climatique, la Flandre est depuis longtemps confrontée à un grave problème d’assèchement causé par l’évacuation systématique de l’eau du sol pour l’agriculture intensive. En Hesbaye, des zones de sources s’assèchent complètement en raison du drainage intensif de la région. Pourtant, les zones humides sont essentielles, car elles résistent plus longtemps aux périodes de sécheresse et servent de zones tampons lors de fortes précipitations.»
En Hesbaye, des zones de sources s’assèchent complètement en raison du drainage intensif de la région.
Tom De Dobbelaer
chercheur
Donner de l’espace aux sources d’eau
Evi Van De Velde et Niko Claeys, propriétaires de la marque d’eau minérale naturelle Ginstberg, ne connaissent aucun problème de stress hydrique. «En 2018, nous avons fait l’actualité régionale parce que nos sources ont traversé sans encombre l’un des étés les plus chauds jamais enregistrés», se réjouit Evi Van De Velde.
En tant que quatrième génération, le couple dirige l’entreprise familiale d’embouteillage de boissons à Oosterzele, en Flandre-Orientale. Leur source Ginstberg est la seule source jaillissante de Flandre où l’eau est encore embouteillée directement à la source. L’eau y jaillit depuis plus de 125 ans, et les deux dirigeants ne voient aucune raison pour que cela change au cours des 125 prochaines années.
«Selon une étude, notre eau aurait 33 ans», explique Niko Claeys. «Mais cela ne signifie pas que dans 33 ans, la source fournira plus d’eau simplement parce que cette année a été la plus humide jamais enregistrée. De même, les années de sécheresse passées auront peu d’effet dans quelques années. Nous savons par transmission orale que l’été exceptionnellement sec de 1976, par exemple, n’a eu aucun impact. Sur une période de 33 ans, l’apport moyen en précipitations reste stable.»
Pour éviter d’exploiter leur source à l’excès, Evi Van De Velde et Niko Claeys ont développé une vision durable à long terme. Jusqu’il y a environ cinq ans, Ginstberg pompait 26 millions de litres d’eau par an. Officiellement, ce volume pourrait atteindre 30 millions, mais par respect pour l’environnement, le débit a été réduit à 16 millions.
«Nous n’utilisons plus l’eau de source pour nos processus de production. Chaque litre extrait de la source est désormais destiné exclusivement à la mise en bouteille pour le consommateur. L’eau de rinçage provient du réseau de distribution ou du recyclage. Et grâce à notre système unique de mise en bouteille en continu, la source peut, le week-end, se déverser librement via une zone d’inondation dans la Molenbeek voisin.»
Protéger notre eau potable
Lorsqu’une goutte de pluie tombe sur le sol, elle s’infiltre dans la terre et s’écoule sous terre vers une zone plus basse, où elle remonte sous l’effet de la pression et forme de l’eau d’exfiltration – autrement dit, une source d’eau.
«Pour garantir que les volumes d’eau d’exfiltration restent aussi importants que possible, les zones d’infiltration doivent disposer de suffisamment d’espace pour permettre à la pluie de pénétrer», explique Tom De Dobbelaer. «Or la compaction et l’imperméabilisation des sols rendent cela de plus en plus difficile. C’est pourquoi des mesures de désimperméabilisation sont nécessaires, afin que les précipitations puissent s’infiltrer et reconstituer les nappes phréatiques, y compris en milieu urbain. Malheureusement, les longues périodes de sécheresse compliquent encore les choses: lorsqu’un sol s’assèche, il absorbe moins bien l’eau.»
Et comme nous sommes confrontés à des épisodes de pluie de plus en plus intenses, une grande partie de l’eau ruisselle, augmentant le risque de coulées de boue, comme celles observées récemment en Espagne.
«Lorsque ces flots d’eau emportent des terres agricoles, des engrais comme les phosphates et les nitrates ainsi que des polluants issus de l’agriculture industrielle, notamment les pesticides, se retrouvent dans les espaces naturels et les cours d’eau, où ils provoquent une accumulation indésirable de nutriments », avertit Tom De Dobbelaer. «La région limoneuse est particulièrement concernée par un problème d’érosion qui est catastrophique à la fois pour l’agriculture – car les sols fertiles sont emportés – et pour la nature».
Des mesures de désimperméabilisation sont nécessaires, afin que les précipitations puissent s’infiltrer et reconstituer les nappes phréatiques, y compris en milieu urbain.
Tom De Dobbelaer
chercheur
La pollution des sources d’eau s’intensifie
«En plus de cela, les zones d’infiltration sont surfertilisées», explique Tom De Dobbelaer. «Les gouttes de pluie qui y tombent entraînent l’excès de nutriments vers les zones d’exfiltration. Les sociétés de distribution d’eau potable retiennent leur souffle lorsque la limite de nitrates est dépassée, car la purification d’une eau riche en nitrates coûte extrêmement cher.»
L’eau minérale peut également contenir des concentrations plus élevées de nitrates en raison de la fertilisation des champs environnants, mais, encore une fois, Ginstberg fait exception. «Grâce à l’absence d’agriculture, l’eau de Ginstberg est l’une des seules eaux en Belgique à être exempte de nitrates», affirme fièrement Niko Claeys. «De plus, aucun PFAS n’a jamais été détecté dans notre eau. Contrairement aux zones de captage d’eau souterraine et malgré plusieurs demandes, notre site de source n’est pas protégé. C’est pourquoi nous essayons d’agrandir notre domaine autant que possible afin de le préserver de toute fertilisation voisine. Nous rachetons nous-mêmes les terres agricoles adjacentes mises en vente afin de les maintenir hors du secteur agricole.»
«D’un autre côté, la suranalyse de l’eau par les autorités ne nous facilite pas toujours la tâche», soupire Niko Claeys. «Parfois, je me demande si elles nous considèrent encore comme des partenaires. On recherche toutes sortes de polluants potentiels dans les produits naturels, mais la vraie question est de savoir si des substances qui ont toujours été présentes représentent réellement une menace, et à quelle dose».
En France, la pollution a conduit à la fermeture forcée de puits d’eau, tandis que de grandes multinationales comme Nestlé assèchent des régions entières dans leur quête de nouvelles sources pures. Des marques comme Perrier, Vittel, Contrex, Hépar et Cristaline appliquaient même jusqu’à récemment un filtre à leur eau afin d’éliminer tout risque potentiel pour la santé. Or les eaux minérales naturelles ne peuvent pas être traitées. Si elles le sont, elles sont alors considérées comme de l’eau du réseau.
«Une conséquence d’une demande excessive?», s’interroge Niko Claeys. «Chez Ginstberg, nous maintenons volontairement une production réduite. Nous refusons les demandes des supermarchés pour produire des marques distributeur, et nous vendons principalement en Flandre.»
Transformer l’eau de mer en eau potable?
Enfin, la région côtière est confrontée à une autre problématique: l’intrusion d’eau salée dans les nappes phréatiques et les rivières en raison de l’élévation du niveau de la mer. L’eau salée est nuisible aux cultures agricoles et au bétail, et bien sûr aussi à l’eau potable. C’est pourquoi plusieurs initiatives sont mises en place dans la région afin de préserver les précieuses réserves d’eau douce en l’utilisant de manière plus rationnelle, en la retenant et en récupérant les eaux usées épurées.
Chaque jour, je me lève en ayant conscience du fait que j’ai la chance de travailler avec l’un des produits les plus uniques de la nature.
Evi Van De Velde
Propriétaire de la marque d’eau minérale naturelle Ginstberg
De nombreux pays pauvres en eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord misent désormais largement sur des installations de dessalement à usage domestique. Grâce à la technologie de l’osmose inverse, l’eau de mer – qui, heureusement, ne souffre pas de la sécheresse – est transformée en eau potable. L’inconvénient est que le dessalement est un processus très énergivore et qu’il génère une grande quantité de déchets sous forme de saumure, qui est le plus souvent rejetée en mer.
En tant qu’écologue, Tom De Dobbelaer estime qu’il est plus important de préserver les ressources en eau douce existantes et d’en faire un usage aussi parcimonieux que possible. «Nous devons favoriser autant que possible la recharge des nappes d’eau douce en donnant de l’espace à la nature, afin qu’elle puisse se régénérer d’elle-même. Cela profitera aussi, à terme, à l’agriculture.»
Un point de vue qu’Evi Van De Velde soutient entièrement: «Chaque jour, je me lève en ayant conscience du fait que j’ai la chance de travailler avec l’un des produits les plus uniques de la nature. Nous ne devons jamais perdre ce respect.»
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici