Pourquoi les agriculteurs continuent-ils d’utiliser le glyphosate ?
Des grandes plaines céréalières aux vignobles, beaucoup d’agriculteurs en France, le premier pays agricole de l’Union européenne, continuent d’utiliser des désherbants à base de glyphosate, même si certains essaient de s’en passer ou passent au bio. Analyse en quatre questions du phénomène.
Pourquoi des agriculteurs continuent-ils d’utiliser le glyphosate ?
– C’est un herbicide total, redoutablement efficace pour tuer mauvaises herbes, chardons et plantes vivaces qui empêchent le développement des plantes cultivées, et surtout, peu onéreux, ce qui abaisse les coûts de revient.
– Si les cultures comportent trop de mauvaises herbes, les récoltes (blé, orge, etc.) risquent de ne pas être acceptées aux moulins, donc d’être invendables.
– Le glyphosate, utilisé en faible quantité et une seule fois par an pour nettoyer un champ avant semis, permet une agriculture dite de « conservation des sols », c’est-à-dire sans labour : une sorte de « troisième voie agricole » permettant de régénérer les sols en matière organique. Cela a aussi l’avantage de retenir l’humidité et le carbone dans le sol et d’ainsi lutter contre le réchauffement climatique. Seuls 2% des agriculteurs français pratiquent ce système d’agriculture, promue dans le cadre des conférences internationales sur le climat (initiative Quatre pour 1000) et par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra).
Quelles solutions de remplacement ?
– Sur le plan chimique, pour obtenir le même effet qu’un litre de glyphosate, il faut quatre litres par hectare d’un antigraminée et 3,5 litres d’un antidichotylédone. Ce qui veut dire passer deux fois le tracteur dans le champ au lieu d’une, tasser les sols et brûler plus de carburant, sans compter l’impact sur l’environnement.
– Sur le plan mécanique, on peut couvrir les sols autour de la plante pour étouffer les mauvaises herbes (paille, cartons, bois broyé). Certaines collectivités sont passées au désherbage thermal le long des chemins, à base d’eau chaude ou de vapeur d’eau, mais c’est impossible sur de grandes surfaces agricoles.
– On peut aussi recourir à des outils mécaniques de désherbage, mais leur utilisation demande plus de temps, de carburant, et de personnel, ce qui augmente les coûts de revient des céréales et des légumes produits et abaisse la compétitivité face aux produits importés qui, eux, utilisent le glyphosate.
– Des robots de désherbage sont en cours de mise au point, mais ils coûtent encore relativement cher.
Certaines filières de production envisagent aussi des solutions agronomiques complémentaires. Ainsi pour la vigne, des techniques d’agroécologie prônent le maintien de graminées porteuses d’azote entre les rangées, utilisées ensuite comme engrais vert.
Quels types d’agriculture obtiendront des dérogations pour continuer d’utiliser du glyphosate dans trois ans, lorsqu’il doit être supprimé partout ailleurs en France ?
Le 20 juin, le ministre de l’Agriculture a mentionné :
– L’agriculture de conservation des sols (pour respecter la signature de la France à la COP21).
– L’agriculture en terrasse. Dans certains vignobles d’Alsace, il est très difficile de passer des bineuses à flanc de coteau.
– La production de fruits et légumes destinés à l’industrie agroalimentaire, qui interdit contractuellement toute mauvaise herbe à tout moment.
Quel est l’impact avéré et quantifiable de l’utilisation des pesticides en général et du glyphosate en particulier sur la santé des agriculteurs français ?
– La MSA, la sécurité sociale des agriculteurs français, est le seul régime d’assurance-maladie à reconnaître deux maladies professionnelles directement liées à l’exposition prolongée et répétée aux pesticides : la maladie de Parkinson et le lymphome non hodgkidien (le cancer dont souffre l’Américain Dewayne Johnson, qui vient d’obtenir une condamnation de Monsanto).
Environ 2.500 nouveaux cas de maladies de Parkinson se déclarent par an chez les exploitants français âgés de 55 ans et plus, selon une thèse de Sofiane Kab, soutenue en 2017, ce qui correspond à une incidence de 13%.
Néanmoins, le glyphosate seul n’est mentionné ni pour Parkinson ni pour le lymphome.
– Selon une autre étude, portant sur les symptômes (Phyt’attitude) liés à l’utilisation de pesticides, dont le glyphosate, réalisée par les caisses de la MSA entre début 2011 et fin 2014, l’herbicide Roundup, le plus vendu, « totalise 38,4% de l’ensemble des troubles signalés » après utilisation « tous signalements confondus et quels que soient les troubles ».
Les symptômes imputables au glyphosate seul sont des troubles cutanés (36%), hépato-digestifs (19,8%), neurologiques et neuro-musculaires (16,3%), neuro-sensoriels oeil (14%), neuro-sensoriels nez (9,3%) ou respiratoires (4,7%).
L’étude souligne que le glyphosate seul est « faiblement toxique », mais que les « surfactants » (ajoutés pour favoriser son adhésion au feuillage et son absorption dans la plante) font que « la formulation est irritante pour la peau, voire caustique pour les muqueuses ».
L’étude n’analyse pas le lien entre le glyphosate et des maladies chroniques comme le cancer.
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