Pourquoi la COP 15 Biodiversité suscite moins d’engouement que la COP 27 sur le climat
Depuis ce mercredi jusqu’au 19 décembre, Montréal accueille la COP 15 dédiée à la biodiversité. Les enjeux sont de taille. Malgré cela, aucun chef d’État ne se rendra à ce sommet. Comment expliquer cela ? Eléments d’explication avec Philippe Verbelen, expert biodiversité et forêt chez Greenpeace Belgique.
La COP 15 s’est ouverte ce mercredi à Montréal, au Canada. Des centaines de scientifiques, représentants d’associations et de la société civile provenant de 196 pays différents se sont rassemblés avec un objectif en tête : créer un programme d’action pour arrêter la perte de la biodiversité d’ici 2030.
Une conférence qui sonne comme celle de la « dernière chance », tant l’objectif est ambitieux et le temps presse. « L’humanité est devenue une arme d’extinction massive », lançait d’ailleurs Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, dans son discours d’introduction du sommet. Un rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) indique qu’un million d’espèces animales et végétales sont actuellement menacées d’extinction.
De nombreux points seront à aborder et des consensus devront être trouvés durant ces deux semaines de discussions. Il s’agit de s’accorder sur une vingtaine d’objectifs, dont le principal concerne la protection de 30% de la surface de la planète d’ici 2030. « C’est le minimum absolu pour protéger la biodiversité. Cela concerne la terre mais aussi les océans. Il y a une coalition de pays, dont la Belgique, qui est d’accord avec cet objectif. Maintenant, il va falloir trouver un consensus », indique Philippe Verbelen, expert biodiversité et forêts chez Greenpeace Belgique.
Cet accord devra être validé avec une attention toute particulière sur la population indigène. En effet, la question du respect des droits de ces personnes sera aussi sur la table. « La population indigène, comme les Pygmées dans le bassin du Congo ou les Indiens dans la forêt amazonienne, sont les meilleurs gardiens de la foret. Où il y a des populations indigènes, on constate qu’il y a une sauvegarde de la biodiversité. Les écosystèmes y restent relativement intacts », explique Philippe Verbelen. La tâche risque cependant d’être compliquée, selon lui. « Cela ne va pas être facile parce que ça touche la souveraineté des pays. Le Brésil, l’Indonésie, le Congo doivent implémenter cela mais ils vont répondre que cela aura un impact sur leur souveraineté. »
Parmi les autres discussions majeures, il y aura évidemment la question fâcheuse : qui va payer et combien ?
Peu d’engouement en haut rang
Si la COP 27 sur le climat en Egypte a connu un enthousiasme mondial, avec la présence de nombreux chefs d’États, on ne peut pas en dire autant pour cette COP 15 Biodiversité.
Elizabeth Maruma Mrema, la cheffe de la Convention sur la biodiversité biologique, avait d’ailleurs annoncé le 10 novembre dernier qu’aucun chef d’État ne se rendra à Montréal, mais bien les ministères de l’Environnement. Comment expliquer cette absence ? La réponse se trouve en partie dans le report de l’événement, prévu initialement en 2020. « Cela devait se dérouler à Kunming en Chine. A cause du Covid, cela n’a pas eu lieu et c’est le Canada qui a repris l’initiative. Mais le chef de la réunion, le président de cette COP, reste la Chine. Comme le président chinois ne sera pas présent, il ne peut pas inviter les autres chefs d’États. » Une situation inédite qui a aussi eu des effets collatéraux pour la préparation de cette conférence. « On a eu beaucoup de réunions préparatoires mais elles étaient en ligne. Ça ne donne pas la même dynamique au niveau diplomatique que des rencontres en tête à tête. Il y a beaucoup de sujets tendus où il n’y a pas de consensus et dans ce genre de réunions, c’est quand même mieux le contact personnel plutôt qu’un appel Zoom pour convaincre », explique Philipe Verbelen.
Mais si la question protocolaire justifie l’absence des hauts dirigeants, Greenpeace constate malgré tout une baisse d’engouement pour cette COP alors que l’enjeu est capital. Même s’il voit un mieux, l’expert biodiversité constate une différence de traitement entre le climat et la biodiversité alors que les deux devraient être connectés. « Les deux sujets sont fortement liés et doivent absolument avoir la même importance politique internationale. On est en train d’évoluer dans ce sens, mais il faut savoir qu’il y a beaucoup moins de chefs d’États si on compare avec le climat. C’est une triste réalité. »
Les chefs d’Etats seront malgré tout mis à contribution après la conférence, c’est du moins ce qu’espère Greenpeace. Selon l’ONG, c’est l’après qui sera primordial. « Après le COP, ce ne sera que le début. Il y aura aussi beaucoup à faire dans notre propre pays. Ce qui manque, ce ne sont pas les objectifs ambitieux mais bien l’implantation au niveau international mais aussi national », conclut Philippe Verbelen.
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