Zakia Khattabi et Patrick Dupriez
« Planète: 15.000 cris de scientifiques, 15.000 raisons d’espérer »
Quinze mille scientifiques de par le monde font ce constat que notre planète ne s’est jamais portée aussi mal. 25 ans après la première conférence mondiale sur l’environnement de Rio, peu de choses ont changé… Dans le même temps, en Belgique, cent médecins lancent un cri d’alarme à propos de la mauvaise qualité de l’air à Bruxelles, ville qui n’aura jamais été aussi embouteillée que durant ce mois d’octobre.
Entre notre biotope qui va à la catastrophe, notre vie quotidienne qui se perd dans des embouteillages, notre santé qui s’étouffe dans la pollution et notre humanité de plus en plus inégale, nous devons faire l’amer constat de l’échec d’un système dont nous ne semblons pas parvenir à sortir.
Comment, quand on porte depuis des années un discours écologiste, ne pas être découragé ? Et comment, en tant que citoyen, ne pas être inquiet ou résigné ? Pourtant, c’est notre responsabilité de politique de tracer le chemin d’un lendemain meilleur, de déceler des signes d’espoir, de coaliser les énergies qui aspirent au changement pour dépasser la résignation et l’angoisse qui paralysent.
Capitalisons sur les changements et les tendances nouvelles qui se dessinent, sur des initiatives encore isolées mais inimaginables il y a quelques années, sur des solutions connues qu’il s’agit d’enfin appliquer ou amplifier. Sans naïveté, mais de manière constructive. N’attendons pas le grand soir on sait ce que ça a donné et, même si le changement est lent, paralysé par nos inerties, nos dissonances cognitives et la résistance des intérêts établis, poursuivons, plus que jamais !
Plusieurs tendances de fond se marquent depuis peu. Pour infléchir la courbe d’augmentation des gaz à effet de serre, il s’agit d’engager la transition énergétique, et dans ce domaine, la croissance des énergies renouvelables a dépassé les prévisions de l’Agence Internationale de l’Energie, tandis que les prix de l’éolien, et surtout du solaire, ont subi une décroissance spectaculaire (de 90 % pour le solaire). A ces prix, ils rivalisent avec la plupart des autres sources d’énergie traditionnelles et rendent la construction de nouvelles centrales au charbon non compétitives. Aux USA, l’arrivée de Trump n’a pas freiné les investissements dans le renouvelable qui ont atteint plus de 30 milliards de dollars cette année. Mais la meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas. En la matière, les progrès en Europe sont significatifs, avec une augmentation de l’efficacité énergétique annuelle de 2% depuis 2000.
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La question de la mobilité reste interpellante. Pour sortir du pétrole, l’enjeu est double : diminuer globalement le recours à la voiture individuelle et favoriser l’usage de l’électrique. Le chemin est certes encore long, et les vieux réflexes ont la vie dure. Mais de nouveaux comportements progressent, en particulier dans les villes, où l’avènement de zones basse émission constitue un marqueur fort de cette évolution. Quant au stockage de l’électricité, il devient de plus en plus compétitif, tant financièrement qu’opérationnellement.
A côté de ces tendances encourageantes, l’alimentation en général reste une préoccupation extrêmement importante, tant l’industrie agro-alimentaire est productrice de CO2. Pourtant, de nombreux rapports démontrent que l’agro-écologie peut nourrir l’humanité sainement et efficacement en respectant la nature, les sols et en diminuant la production de CO2. D’ailleurs, la mobilisation commence à porter ses fruits. Pensons à la croissance du végétarisme ou au combat mené au niveau européen pour éliminer le glyphosate, malgré les millions dépensés par Monsanto pour défendre son round up.
Quant à la déforestation, de nouvelles manières de gérer les sols pourraient diminuer les émissions d’un tiers, car la forêt est un formidable piège à CO2. En y ajoutant les reboisements qui ont trouvé place en Asie, le puits forestier pourrait capter 100 Mia de tonnes de CO2 en 2100.
Sans parler de ces multiples initiatives citoyennes ou municipales qui n’ont pas attendu que les gouvernements se mettent d’accord aux multiples sommets sur le climat pour aller de l’avant. Les unes pour créer des coopératives d’énergie renouvelable ou des manières alternatives de se nourrir. Les autres pour transformer la mobilité dans leurs rues et avenues, mettre en place des initiatives d’économie circulaire ou pour permettre une moindre consommation des ressources.
Le monde de l’entreprise n’est pas en reste : à Bonn, 320 entreprises se sont engagées à limiter leurs émissions selon les normes de l’Accord de Paris. Le géant Walmart de la distribution US s’est engagé à éliminer tous les produits issus de la déforestation tandis que Mars s’est engagé à réduire son empreinte carbone de 27 % pour en 2025 en luttant contre la déforestation induite par la culture d’huile de palme.
Enfin, des campagnes citoyennes ont connu un certain succès : pensons à la campagne « divest » visant à inciter les Universités et les collectivités à désinvestir leur patrimoine financier des entreprises d’énergie fossile pour atteindre un montant de 50 milliards désinvestis. Ce faisant, ils ont ouvert les yeux au monde financier sur le risque d’instabilité engendré par le changement climatique, au point qu’un groupe d’experts mandatés par la Commission européenne a conclu qu’après la crise de 2008, la finance durable constituait la meilleure opportunité pour stabiliser le système financier européen.
Aux Pays-Bas, citoyens et associations ont trouvé comment faire usage de la Justice pour contraindre le Gouvernement à enfin prendre des mesures pour sauver le climat, engendrant des groupes de plaignants dans d’autres pays.
Qu’il s’agisse de tendances technologiques ou de prises de conscience des citoyens, il y a donc de multiples raisons d’espérer. Sachons donc prendre ces exemples pour ce qu’ils montrent, à savoir qu’il existe des solutions et que des citoyens et des acteurs économiques sont prêts à changer. Les ressources de la transition sont là!
Car il y a urgence absolue. Et cette urgence appelle un nouveau paradigme économique : la transition écologique nous invite à réinventer notre prospérité. Celle-ci ne peut plus être basée sur l’hyper consommation que le modèle capitaliste encourage, perdu dans sa quête de croissance insensée. Il s’agit de consommer mieux et autrement, de se déplacer de manière plus douce, de diminuer notre volume de déchets, de préserver nos ressources par le recyclage, certes, mais aussi par une forme de sobriété dans nos consommations, de « décarboner » radicalement nos modes de vie.
Il nous revient à nous, les politiques, d’accompagner et soutenir les initiatives citoyennes et des entreprises. Mais il convient aussi de réglementer ce qui doit l’être, d’interdire les technologies les plus nocives, de mettre en place des politiques fiscales qui révèlent le coût environnemental réel de la production et de la consommation et des politiques de subsidiation qui encouragent les comportements durables. Il nous incombe tout autant de veiller à ce que cette transition soit solidaire, accompagnant, voire favorisant, l’amélioration de la qualité de vie des plus fragiles.
Les solutions sont là, plus que ce qu’on aurait imaginé jusqu’il y a peu, sans doute moins que ce qui est nécessaire, mais le défi à relever est de notre responsabilité historique. Il exige créativité et solidarité pour faire advenir une vraie justice climatique. Mais il nous permettra aussi de vivre mieux, à nous les humains et à notre planète, si belle, si improbable, dans toute sa biodiversité. Au boulot !
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