Or, cobalt, nickel..: les gisements de minerais des tréfonds océaniques suscitent la convoitise
A mesure que les mines terrestres s’épuisent, les regards et les appétits se tournent vers les grands fonds marins, très riches en métaux.
Le cobalt est un métal critique. « Alors qu’il compte pour 50% des métaux présents dans les batteries lithium-ion conventionnelles, le boom de l’électrification du parc automobile risque de rapidement en vider le stock terrestre estimé à sept millions de tonnes », explique le Pr Alexandru Vlad (UCLouvain). Si certains envisagent d’aller s’approvisionner en métaux sur la Lune ou sur les astéroïdes, d’autres rêvent d’exploiter les tréfonds océaniques. Nodules et sulfures polymétalliques, encroûtements cobaltifères : les gisements de minerais des grands fonds suscitent la convoitise des Etats et des firmes privées. Mais, la plupart étant situés en dehors des eaux territoriales, c’est l’Autorité internationale des fonds marins (ISA), composée de 168 pays sous l’égide de l’ONU, qui en réglemente l’exploration et l’exploitation. Vingt-neuf contrats de prospection ont déjà été accordés sur 1,3 million de kilomètres carrés de fonds marins. Aucune autorisation d’exploiter n’a encore été accordée.
Des nodules à gogo
Les images ramenées par des robots sous-marins révèlent la présence de milliers de cailloux noirs reposant sur les plaines abyssales. Ces nodules sont composés de fines couches concentriques d’une grande variété de métaux de base (fer, cuivre, plomb, zinc) et d’autres plus rares. D’une taille allant de 2 à 15 centimètres de diamètre, ces concrétions se retrouveraient dans tous les océans, sous toutes les latitudes.
Néanmoins, la caverne d’Ali Baba serait située dans le Pacifique Est. Plus exactement, dans la Zone de Clarion-Clipperton, à l’ouest du Mexique, entre 3 500 et 5 000 mètres de profondeur. « Ce seul gisement renferme plus de nickel, de manganèse et de cobalt que la totalité des ressources terrestres », explique Michael Lodge, secrétaire Général de l’ISA. C’est là que l’entreprise belge Global Sea Mineral Resources va tester ses nouvelles extractrices de grands fonds dès 2021. Le bassin central de l’océan Indien ainsi que les zones économiques exclusives des îles Cook, des Kiribati et de la Polynésie française seraient aussi très riches en nodules.
Ce seul gisement renferme plus de nickel, de manganèse et de cobalt que la totalité des ressources terrestres
Sous la surface de l’océan soufflent des fumeurs noirs. Dès 800 mètres de profondeur – et jusqu’à environ 3 700 mètres – sur les 60 000 kilomètres de dorsales océaniques d’origine volcanique, se dressent ces étranges cheminées rejetant du sulfure d’hydrogène gazeux. Ces tréfonds sans lumière, où la température de l’eau avoisine les 400°C, sont des oasis de vie. « Les bactéries chimiosynthétiques, qui utilisent le sulfure d’hydrogène comme source d’énergie, y forment le premier maillon du réseau trophique. Ce dernier comprend des vers géants et de nombreuses espèces endémiques de crustacés, mollusques… Leurs habitats ont une valeur intrinsèque sur le plan scientifique », précise Michael Lodge.
Alors qu’une grosse partie de la vie qui grouille autour de ces évents est encore inconnue, des projets d’exploitation minière qui l’anéantiraient sont sur la table. C’est que, jusqu’à environ 50 mètres de rayon autour des fumeurs noirs, se concentrent des gisements de métaux de plusieurs milliers voire centaines de millions de tonnes. Ils résultent de l’infiltration de l’eau de mer dans les chambres souterraines volcaniques. Là, chauffée par la roche en fusion, l’eau se charge de métaux et de soufre. Lorsque ce fluide chaud ressort sous forme d’activité hydrothermale, il se mélange à l’eau froide et les métaux qu’il contient précipitent sous forme de sulfures. De la galène (plomb), de la sphalérite (zinc) et de la chalcopyrite (cuivre), parfois accompagnées d’or et d’argent, s’accumulent ainsi aux alentours des cheminées.
Les monts sous-marins, hot spots de chalutage profond
Tout comme sur terre, il y a des montagnes sur le fond des mers. Des volcans sous-marins, coniques, éteints ou toujours actifs, et des guyots, anciens volcans coniques au sommet aplati, se trouvent dans tous les océans. Les scientifiques les considèrent comme l’un des écosystèmes marins les plus répandus au monde. Et parmi les plus riches en ressources halieutiques. La majeure partie de la pêche profonde actuelle se fait d’ailleurs autour des montagnes marines. « Sur leurs versants se développent des récifs coralliens d’eau froide, où se concentrent l’essentiel des poissons recherchés par chalutage profond. Les chaluts démolissent ainsi les récifs profonds pour pêcher le sabre, le grenadier et d’autres poissons qui vivent entre 800 et 1 000 mètres de profondeur. Or, ces récifs se reconstruisent excessivement lentement (quelques millimètres par an), plus encore que les récifs d’eaux chaudes », explique Mathieu Poulicek, chargé de cours en écologie abyssale à l’ULiège.
Alors qu’en matière halieutique, un carnage est en cours sur les montagnes marines, certaines suscitent la convoitise de par leurs ressources minières. « Parmi les 100 000 monts sous-marins à travers le monde culminant à plus de 1 000 mètres, quelques-uns se prêtent à l’exploitation des encroûtements cobaltifères. Ces derniers sont formés ( NDLR : vraisemblablement sous l’influence de bactéries) par la précipitation des minéraux provenant de l’eau de mer. Ils contiennent du fer, du manganèse, du nickel, du cobalt, du cuivre ainsi que des éléments de terre rare », explique Michael Lodge. Ces concrétions se retrouvent sur les flancs de monts sous-marins mais aussi parmi les formations coralliennes d’anciens atolls immergés. « La zone de prospection la plus prometteuse est située dans les monts sous-marins de Magellan, dans l’océan Pacifique, à l’est du Japon ainsi que dans ceux des îles Marianne. «
A l’instar du pétrole, toutes ces réserves minières que l’on s’apprête à piller (et dont la biodiversité nous est largement inconnue) sont bien plus âgées que l’humanité. Avec un taux de croissance de quelques millimètres par… million d’années, les nodules polymétalliques seraient âgés de de dix à quinze millions d’années. Et les encroûtements carbonifères de soixante millions d’années.
Énergie verte marine
Marées, courants, vagues. La mer offre un potentiel énergétique incroyable. Les technologies pour transformer ces mouvements en électricité sont en cours de développement. D’ici à 2050, l’énergie des océans pourrait répondre à environ 10 % de la demande en électricité des pays de l’Union européenne. A l’échelle planétaire, le potentiel de l’énergie marémotrice est estimé à 380 TWh par an. C’est grosso-modo 2 % de l’électricité produite dans le monde. Condition sine qua non : un marnage élevé, c’est-à-dire une forte différence entre marées haute et basse. Actuellement, de par le monde, seules deux centrales marémotrices sont en fonctionnement. L’une en Corée du Sud (d’une capacité installée de 254 MW) ; l’autre en France, en Ille-et-Vilaine (d’une capacité installée de 240 MW). Pour exploiter la force de marée de l’estuaire de la Rance, un barrage long de 750 mètres a été construit. Il sert également de pont routier entre Dinard et Saint-Malo.
L’énergie des courants, marins mais aussi fluviaux, est également au centre des attentions. Des prototypes d’hydroliennes sont testés dans les eaux françaises, anglaises, québécoises, norvégiennes. Ces turbines transforment l’énergie cinétique de l’eau en mouvement en énergie mécanique, laquelle est convertie en énergie électrique par un alternateur. Si le potentiel hydrolien mondial semble gigantesque, évaluer son impact sur l’environnement et la faune marine (notamment à cause du bruit et des vibrations générés, mais aussi suite aux collisions avec les pales), sera nécessaire avant une implantation à large échelle. L’énergie des vagues semble la plus complexe à exploiter. Des engins futuristes, comme le serpent de mer ou le pingouin, sont testés dans des flots impétueux. Quant à l’éolien flottant en mer, d’une capacité installée de 40 MW, il est également en développement.
Enfin, l’éolien offshore fixe, avec 12 GW d’ores et déjà installés dans les eaux de l’Union européenne, est une technologie mûre. L’UE veut porter cette capacité de production à au moins 60 GW d’ici à 2030 et à 300 GW d’ici à 2050.
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