L’idée d’une consigne sur les canettes et bouteille plastique se recycle
Le débat sur l’instauration d’une consigne sur les bouteilles et canettes est relancé. L’objectif: réduire ces résidus qui représentent environ 40% du volume de déchets sauvages en Belgique.
C’est un hasard, mais il a plutôt bien fait les choses. Le 20 septembre dernier, les parlements wallon et flamand ont tous deux abordé la question de la consigne. Au sud, à la suite du rapport de la délégation passée par les Pays-Bas pour analyser la consignation sur les emballages de boissons. Au nord, dans la foulée des déclarations publiques de la ministre flamande de l’Environnement, Zuhal Demir (N-VA), sur la nécessité d’introduire une consigne sur les canettes et les bouteilles en plastique.
Ce n’est pas la première fois que la discussion revient sur la table. Il y a quelques années déjà, il s’en était fallu de peu pour que le concept voie le jour en Flandre avant, plus tard, que le parlement wallon n’adopte une résolution sur l’exécution de projets pilotes. En 2015, les autorités avaient pourtant donné à l’industrie la mission de réduire de 20% les déchets sauvages d’ici à 2023 par des actions classiques telles que le «Grand nettoyage de printemps», la plus grande action de sensibilisation à la propreté publique organisée en Wallonie. «Un calcul intermédiaire réalisé par l’organisme public flamand qui gère les déchets a dévoilé une hausse de 14% des détritus sauvages entre 2015 et 2019, lance Tom Zoete, porte-parole de l’Alliance pour la consigne, qui rassemble des organisations agricoles et environnementales des villes et communes. Les chiffres sont mauvais, l’industrie n’atteindra pas l’objectif. La consigne est désormais inévitable.»
Si l’on tient à ce que le plastique ne soit pas considéré comme un déchet, il faut lui donner de la valeur.
Ils sont passés à l’ action
Pour fêter ses deux ans d’existence au printemps dernier, la boutique bruxelloise de soupes et sauces bio Chouke Soup a voulu marquer le coup en collaborant avec la brasserie de la Mule pour créer une bière: This is not a soup. «Nos bouteilles et bocaux sont consignés, on voulait donc proposer quelque chose qui le soit également et on a instauré la première caution sur canette du pays», rembobine le cogérant, Angelo Russo. Pendant plusieurs semaines, la bière bio de Chouke Soup s’est vendue avec une consigne de 40 centimes. A chaque boîte rendue, 20 centimes étaient reversés à Canal It Up, une asbl de nettoyage du canal de Bruxelles, et 20 autres se transformaient en ristourne à valoir sur un produit de la boutique. «Le brassin de trois mille canettes est parti en un clin d’œil, se félicite Angelo Russo. On en a récupéré la moitié. Pourtant, il n’y avait qu’un seul point de collecte. Nous avons été fortement étonnés du retour de la clientèle, qui rinçait les vidanges et venait parfois même de l’extérieur de Bruxelles pour les rapporter. On compte maintenant valoriser ces canettes usagées dans des œuvres d’art.»
Le géant belge du produit de nettoyage écologique Ecover est lui aussi sensible à cette question. En 2018, il a établi un magasin éphémère où tout citoyen pouvait échanger ses bouteilles PET vides contre un euro et un échantillon de détergent pour lave-vaisselle. «Si l’on tient à ce que le plastique ne soit pas considéré comme un déchet, il faut lui donner de la valeur, comme lorsqu’il est consigné», précisait alors Tom Domen, directeur commercial international de l’entreprise. Trois ans plus tard, les actions à «petite» échelle continuent de fleurir. A Paris, Starbucks teste des gobelets consignés dans quelques points de vente. La société française Le Jouet Simple propose un jeu d’éveil sous caution alors que sa compatriote NoWW commercialise des contenants en verre réutilisables pour les rayons découpe des supermarchés.
Mais tout le monde n’est pas convaincu qu’il faille adopter le système à grande échelle. «Un système de consigne classique ne nous aidera pas, estime ainsi, dans L’Echo, Wim Geens, le directeur général de Fost Plus, responsable du recyclage des emballages ménagers en Belgique. On a déjà un taux de collecte élevé et introduire une consigne coûterait énormément d’argent, alors que le nouveau sac bleu fonctionne déjà très bien.» Pour Tom Zoete, de l’Alliance pour la consigne, cet argument économique ne tient pas: «Le coût répercuté d’une caution chez le producteur est évalué à 1,6 centime par petite bouteille et 1,8 par grande. Ça ne me semble pas excessif pour le secteur.» Pour démontrer le bien-fondé de cette pratique, Zoete s’appuie sur l’étude du consultant néerlandais en environnement CE Delft – contestée par Fost plus, qui estime ces données éloignées de la situation belge – qui conclut que la caution réduirait de 70% à 90% la présence de canettes et bouteilles dans la nature. Autre argument soutenu par les frileux de cette avance sur plastique et métal: le risque que les poubelles publiques soient éventrées par des traqueurs de canettes et autres bouteilles. «Il existe des solutions élégantes, rétorque Tom Zoete. Par exemple, ces anneaux fixés autour des poubelles sur lesquels on peut accrocher sa canette pour qu’elle soit récupérée par un autre.»
Au tour du verre
Les politiciens conquis, reste donc à convaincre les acteurs des filières de tri et de recyclage ainsi que les grandes surfaces, plutôt dépendantes de ces flux de déchets…
En guise d’alternative à la consigne, Fost Plus a lancé en 2020 le système Click dans plusieurs communes. Le but: scanner son smartphone à chaque déchet sauvage jeté en poubelle pour accumuler des points qui donnent droit à des bons d’achat dans les commerces associés au projet. Sans caution, donc. «En soi, l’idée n’est pas mauvaise. Elle permet de faire du recyclage ciblé et donc plus pur, alors qu’avec des composants multiples et mélangés issus d’un sac bleu, on ne peut recréer que du plastique bas de gamme», note Laurent Halmes. Ce jeune entrepreneur liégeois a créé il y a deux ans Bring Back, un centre de lavage pour emballages alimentaires réutilisables. Selon lui, l’initiative de Fost Plus doit s’inscrire en parallèle à d’autres solutions de réemploi et de consigne, qu’il propose d’élargir aux emballages en verre. «Le gain écologique serait plus fort, assure-t-il. Cela permettrait d’avoir moins de contenants à usage unique – un emballage en verre est réutilisable en moyenne 25 fois – mais aussi d’éviter jusqu’à 80% d’émissions de CO2 en limitant le recyclage de ces contenants.»
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