Les surfeurs australiens et l’angoisse du requin
Depuis que Garry Meredith, surfeur et vétéran du secourisme en mer, s’est précipité au chevet d’un bodyboardeur mutilé par un grand requin blanc en Australie, il n’a pas pu remonter sur sa planche.
La plage et le surf sont un art de vivre à Ballina mais de nombreux habitants s’inquiètent de l’augmentation du nombre d’attaques de requins, qu’on voit de plus en plus fréquemment au large des côtes. « Après cette expérience, j’ai complètement arrêté le surf », raconte à l’AFP le sauveteur qui a aidé l’équipe médicale à contenir l’hémorragie. « J’y retournerai, un jour, mais je ne suis pas encore prêt ».
D’après le zoo de Taronga de Sydney, qui recense les attaques de squales au large des côtes de l’île-continent, il y en a eu 22 en 2015, dont une mortelle, contre 11 en 2014 et 10 en 2013. Bon nombre d’entre elles se sont produites sur 60 kilomètres de côtes entre Evans Head et Byron Bay, en Nouvelle-Galles du Sud. Ballina, un pointbreak convoité, est situé au milieu.
La région, réputée pour ses plages de sable blanc et la rugosité de ses côtes, est un aimant à surfeurs mais la peur règne.
Certains « bodyboardeurs ne veulent plus y retourner ou ne sont pas encore prêts à y retourner. Je crois qu’ils ont peur », souligne Gary Meredith. « Mais à côté de ça, il y a les irréductibles qui ont besoin de surfer tous les jours et qui vont prendre le risque ».
L’abattage, c’est ‘préhistorique’
Tadashi Nakahara, un surfeur japonais, est mort à Ballina en février 2015 après avoir eu les jambes arrachées par un grand blanc – une espèce protégée – et des voix se sont élevées pour demander l’abattage des squales.
Mais le maire de Ballina, David Wright, ne veut pas en entendre parler. « Je pense que l’abattage d’animaux quels qu’ils soient est une façon préhistorique de gérer les choses », dit-il à l’AFP. « On ne tue pas » un être vivant uniquement « parce qu’on ne s’entend pas avec ».
Mais il n’y a aucun consensus sur la façon de prévenir les attaques. Les gouvernements des différents Etats situés sur le long des quelque 30.000 kilomètres de côtes agissent en ordre dispersé.
Les hameçons équipés d’appâts accrochés à des balises flottantes au large des plages sont critiqués par les défenseurs de l’environnement car ils tuent d’autres animaux marins.
En Australie occidentale, où plus d’une dizaine d’attaques mortelles se sont produites depuis 2000, les autorités ont dû abandonner leur politique controversée d’élimination des squales, au profit entre autres de patrouilles aériennes.
La Nouvelle-Galles du Sud utilise des méthodes douces pour réduire les possibilités de rencontres entre l’homme et l’animal, surveillance aérienne, barrières de protection en plastique…
Mais ce n’est pas facile. A Ballina par exemple, deux de ces barrières ont été détruites par les courants.
Changement climatique ?
D’après l’Université de Floride, 98 attaques de requins se sont produites en 2015, un record. L’île française de la Réunion a subi proportionnellement le plus d’attaques mortelles, avec deux sur six recensées dans le monde.
Pour George Burgess, directeur de cette université qui recueille les statistiques sur le sujet depuis 1958, l’augmentation pourrait s’expliquer par la hausse des températures des océans due au changement climatique. Celle-ci a contribué à ce que les squales s’aventurent dans des régions plus au sud et plus au nord, élargissant les zones où ils vivent et se nourrissent. La croissance démographique est également en cause, juge-t-il, car davantage de gens se baignent.
Pour sa part, Rob Harcourt, spécialiste d’écologie marine à l’Université de Macquarie souligne que faute de données à long terme, il est difficile d’expliquer les attaques en série survenues en Australie.
A Ballina, secouristes, pêcheurs et serveurs disent en tout cas qu’ils voient plus de requins qu’auparavant, et de plus en plus près du rivage. « On en a repéré très près dans l’écume, à 10 mètres – et encore – de la plage », dit Gary Meredith. « On nous a dit qu’ils cherchaient à manger ».
Dave Pearson, fondateur de « Bite Club », un groupe de survivants à quelques centaines de kilomètres de là au sud de Ballina, a été attaqué en 2011 par un requin-bouledogue de trois mètres, qui l’a mordu au bras jusqu’à l’os. « Pour mes potes et moi, cela ne finit jamais », dit-il, expliquant qu’il faut se concentrer sur l’aide post-attaques. Celles-ci ont un coût « en termes de santé mentale, en kinésithérapie » et la communauté « doit fournir ces services ».
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