Les plantes invasives, nouveau casse-tête envionnemental
On trouve ses graines en jardinerie ou sur internet et ses hautes tiges surmontées d’épis soyeux blancs, jaunes, bleus ou rose ornent de nombreux jardins. Mais Cortaderia selloana, ou herbe de la pampa, a fini par être classée parmi les pires espèces invasives dans le sud de l’Europe.
La dispersion de cette haute graminée illustre parfaitement comment ces transferts volontaires ou non de plantes ou animaux peuvent nuire à la biodiversité dans une autre partie du monde. Egalement connue sous le nom de « roseau à plumeau », elle a d’ailleurs fait l’objet d’une motion au récent congrès mondial de la nature, qui s’est achevé en fin de semaine dernière à Marseille.
Objectif: « prendre des mesures pour éviter l’introduction de l’espèce dans d’autres pays » que ceux où la plante originaire d’Amérique du Sud s’est déjà implantée, mais aussi plus largement « réglementer le commerce en ligne des espèces exotiques envahissantes afin de limiter leur vente en dehors de leur aire de répartition d’origine ».
Car « l’herbe de la pampa » a valeur d’exemple. « On voit plus facilement l’impact d’animaux (invasifs), ce sont des prédateurs qui détruisent une proie. Mais les plantes aussi peuvent avoir de graves conséquences, » souligne Piero Genovesi, qui préside le groupe de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN) sur les espèces invasives.
« C’est moins visible au début, et puis ça devient un gigantesque problème. L’herbe de la pampa, c’est très joli, mais ça s’étend très vite. Et une fois que c’est parti, c’est très difficile à contenir », poursuit le spécialiste.
Cortaderia selloana, placée sur une liste d’espèces invasives du projet européen LIFE de préservation de l’environnement, a déjà largement colonisé les régions côtières de l’Atlantique en France, en Espagne ou au Portugal.
– Bateaux bloqués –
Face à ce phénomène croissant, l’UICN, qui fédère plus de 1.400 organisations et pays à travers le monde, a entrepris l’élaboration d’une « Classification des impacts environnementaux des taxons étrangers ». Basée sur différents critères scientifiques destinés à mesurer les risques posés par les différentes espèces invasives, elle vise à aider les pouvoirs publics à calibrer leurs actions.
Car ces espèces invasives contribuent largement à l’effondrement actuel de la biodiversité, tout comme la destruction d’habitats, la sur-exploitation des espèces ou le changement climatique. Et les empêcher de s’implanter sur de nouveau territoires coûte bien moins cher que d’essayer de les éliminer une fois qu’elles y ont pris pied.
Ainsi de la jacinthe d’eau. Ramenée d’Amazonie par des explorateurs européens, ses belles fleurs pourpres ont enchanté les cours européennes, notamment celle de l’empereur Napoléon. A l’occasion de la campagne d’Egypte, elle s’est répandue dans la nature, colonisant tout le continent avec des conséquences multiples.
« En Afrique, ses immenses tapis verts bloquent la navigation, la pêche, l’accès à l’eau. Elle détruit l’habitat de nombreux poissons et augmente l’évaporation, réduisant la quantité d’eau disponible. Elle créé aussi un environnement favorable aux moustiques, augmentant le risque de paludisme », souligne de Pr Genovesi.
La diffusion d’espèces potentiellement dangereuses est grandement facilitée par internet. Par le commerce en ligne, mais aussi potentiellement par des tentatives d’arnaques.
L’an dernier, des milliers d’Américains se sont ainsi plaints d’avoir reçu des paquets de graines non-commandés, principalement en provenance de Chine. Il s’agissait sans doute d’une arnaque aux fausses commandes, pour faire monter le classement d’un vendeur (« brushing »). Le géant du commerce en ligne Amazon a en tout cas suspendu les importations de graines aux Etats-Unis.
Il faut aussi compter avec les accidents. A Marseille, le Pr Genovesi a ainsi repéré dans un insectarium une plante invasive et divers papillons exotiques. « On voit ça et on se dit, +pourvu qu’ils ne s’échappent pas+ ».
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