Les filets vides des pêcheurs du plus grand lac des Balkans
Épuisé, le pêcheur albanais Ilir Neziri regarde les quelques petites carpes qu’il a remontées depuis l’aube du lac de Shkodra, le plus grand lac des Balkans. Une nouvelle prise misérable dont il rend responsable la surpêche et le braconnage.
Côté monténégrin, le lac est alimenté par exemple par la rivière Moraca et ses affluents, qui charient les eaux usées de 300.000 habitants, soit la moitié de la population du petit pays balkanique.\n\n »Actuellement, le lac Skadar est un énorme bioréacteur qui réussit à combattre la pollution grâce à sa végétation luxuriante », souligne Darko Saveljic, expert monténégrin de l’environnement. Aujourd’hui, les « eaux du lac sont d’excellente qualité » car le site « est encore capable de s’auto-nettoyer et de faire face aux polluants ». Mais la question est: « Jusqu’à quand?, demande-t-il, en réclamant des autorités des mesures urgentes contre les eaux usées.
« La raison de ce déclin, c’est la surpêche par les moyens permis comme les moyens illicites », confirme Danilo Mrdak, professeur de biologie à la Faculté des sciences de Podgorica. Les experts tirent également la sonnette d’alarme sur la pollution qui pourrait à terme menacer l’écosystème du lac, en raison de l’urbanisation chaotique et du déversement des eaux usées.
« Aujourd’hui, nous sommes confrontés au fait que les quantités de poissons dans le lac de Shkodra sont considérablement réduites », dit Djana Bejko, professeure de biologie. Voici 30 ans que l’esturgeon a disparu. Selon les autorités albanaises, les réserves d’anguilles d’Europe sont passées de 30 tonnes au début des années 1990 à neuf tonnes. Le sort de l’ablette n’est pas plus enviable. Seule la carpe tire son épingle du jeu.
Si Ilir Neziri a pu capturer dix kilos de carpes qui seront revendues au marché 28 euros environ, Rasim Taraboshi est à nouveau rentré bredouille après une nuit entière de travail, les filets désespérément vides. Il n’existe pas de statistiques fiables sur les stocks de poissons mais certains scientifiques albanais dressent un sombre tableau.
Si Ilir Neziri a pu capturer dix kilos de carpes qui seront revendues au marché 28 euros environ, Rasim Taraboshi est à nouveau rentré bredouille après une nuit entière de travail, les filets désespérément vides.
En Albanie, ceux qui se font prendre risquent jusqu’à 500.000 leke d’amende (4.000 euros) et deux ans de prison. Au Monténégro, la pêche à l’explosif et à l’électricité est passible d’une amende de 20.000 euros et d’une peine allant jusqu’à trois ans de prison. Des mesures qui ne dissuadent pas tout le monde.
Mais selon les experts albanais, les stocks de poissons s’appauvrissent, au grand dam des 400 pêcheurs qui travaillent des deux côtés de la frontière. Pour Ilir, qui pratique une pêche traditionnelle à la traîne, le principal coupable est tout trouvé: « la pêche illicite », en particulier à l’électricité, à laquelle se livrent des braconniers « aussi bien en Albanie qu’au Monténégro, au détriment des pêcheurs honnêtes ».
Le joyau d’une surface allant jusqu’à 530 kilomètres carrés, dont les deux tiers en territoire monténégrin où il est appelé lac de Skadar, est réputé pour sa riche biodiversité animale comme végétale.
« Les grandes sont de plus en plus rares », soupire Ilir, 47 ans. Il s’affaire sur le moteur de son vieux bateau devant la vaste étendue bleue qui scintille sous le soleil à la frontière entre l’Albanie et le Monténégro.
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