Le plastique à usage unique signe son grand retour avec la crise sanitaire
Alors que le plastique à usage unique devenait persona non grata dans nos sociétés, il signe son grand retour avec la crise du coronavirus au grand dam des défenseurs de l’environnement.
Masques, visières, gants, écrans… sont les nouveaux accessoires du printemps. Les coiffeurs s’équipent de blouses jetables. L’ONU recommande aux compagnies aériennes de servir des repas sous blister. Des personnes âgées vivant en résidence spécialisée étreignent leurs proches à travers un film transparent.
Usage unique, essentiel à la crise
La Californie a levé pour deux mois l’interdiction des sacs à usage unique, tandis qu’en Arabie saoudite, des grandes surfaces imposent à leurs clients des gants jetables.
Les industriels ont, quant à eux, saisi la balle au bond. Mi-mars, le syndicat français de la plasturgie s’est fendu d’un communiqué clamant que « sans plastique à usage unique, vous n’aurez plus d’emballages pour protéger vos aliments contre les germes ».
Aux États-Unis, la Plastics Industry Association a réclamé, dès le 20 mars, que son activité soit considérée comme « essentielle » en temps de confinement. « Le plastique à usage unique est une question de vie ou de mort » dans les hôpitaux, écrivait alors Tony Radoszewski, président de ce lobby, vantant aussi le rôle des sacs à usage unique « pour protéger les employés de supermarchés et les consommateurs de tout ce qui traîne sur les sacs réutilisables. »
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"The nearly one million employees of the plastics industry are working tirelessly to provide the material that is needed at the frontlines. From medical supplies to food packaging, plastics are essential in the effort to stop the spread of this virus."https://t.co/9lFOJAgRYG pic.twitter.com/cHwUFIcyFd
— PLASTICS_US (@PLASTICS_US) March 23, 2020
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Selon un sondage OpinionWay-Sodastream, 66% des Français disent privilégier les aliments emballés pendant la crise sanitaire. La chaîne de magasins bio Naturalia a vu le vrac, pourtant en croissance de 20% chaque année, délaissé. « Nos clients ont eu tendance à se tourner vers les produits emballés », décrit le DG, Allon Zeitoun. « On n’a pas encore retrouvé le niveau d’avant-crise ».
Pas une protection absolue contre les virus
Le plastique n’est pourtant pas une protection absolue. Pour l’OMS, se laver les mains est plus efficace que porter des gants.
Selon une étude publiée dans la revue américaine NEJM, le coronavirus est détectable jusqu’à deux à trois jours sur du plastique contre 24 heures sur du carton. Un fact-check publié par le média français The Conversation indique que le coronavirus peut rester « de plusieurs heures voir plusieurs jours sur les surfaces, y compris celles des microfibres en plastique. Le coronavirus persisterait bien plus longtemps sur une blouse jetable en microfibres de polypropylène que sur une blouse en coton ou une surface en papier. »
Selon certains, l’usage unique du plastique dans le domaine médical est du « lobbying ». C’est par exemple le cas de Raphaël Guaastavi de l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie (Ademe) qui affirme : « le réutilisable ne pose pas de problème sanitaire » et se dit « rassuré de voir que les élus européens ont le souhait de ne pas céder ».
Déchets sauvages
De Hong Kong à Gaza, les masques et autres gants viennent désormais joncher plages et trottoirs, dans l’espace public.
Le WWF appelle à la vigilance: en 2019, il avait déjà évalué à 600.000 tonnes la quantité de plastiques rejetés en Méditerranée, dont 40% en été. « La bataille culturelle contre le plastique à usage unique semblait gagnée. Aujourd’hui une brèche est ouverte, il va falloir y répondre« , dit Pierre Cannet, du WWF France.
« Un masque n’est pas facile à recycler. L’approche générale des pouvoirs publics est de le mettre dans les ordures ménagères pour incinération, ce qui est de notre point de vue la meilleure situation », dit Arnaud Brunet, du Bureau international du recyclage (BIR), qui réunit les professionnels de 70 pays.
« On va voir quelle est la pratique dans le temps, peut-être pourra-t-on imaginer une collecte particulière, ou en pharmacies, mais on n’en est pas là », explique-t-il.
Plastique recyclé à la peine
La période est également moins favorable au plastique recyclé. L’Union européenne vise 25% de matériaux recyclés dans les bouteilles plastiques d’ici 2025, au moins 30% en 2030.
« Le Covid ne remet pas en cause la stratégie d’aller vers une économie circulaire et plus de recyclabilité », affirme Eric Quenet, de la fédération PlasticsEurope. Mais la baisse du prix du pétrole conjuguée à une demande moindre pourrait peser sur le recyclage, tandis que le prix de la matière plastique vierge a beaucoup baissé.
Une goutte d’eau pour l’industrie
Quelque 350 millions de tonnes de plastiques sont produites annuellement dans le monde, d’abord par l’Asie (50%), l’Amérique du Nord (19%) et l’Europe (16%). Une production en croissance modérée, mais régulière.
La demande bondit pour le marché de la protection (masques, surblouses, écrans), mais ce volume reste faible en comparaison des débouchés massifs que sont l’automobile ou le bâtiment.
« Pour faire plusieurs centaines de milliers de visières, il faut quelques tonnes » de plastique seulement, souligne Eric Quenet. Le Plexiglas, très demandé pour les parois: « c’est moins de 1% du marché français des matériaux plastiques ».
Globalement, pour la première fois depuis 2008, le secteur s’attend d’ailleurs à une année 2020 moins bonne que 2019, du fait du confinement.
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