Le foie gras, produit adoré et conspué

Marie Gathon Journaliste Levif.be

Le foie gras, symbole de la gastronomie française et mets emblématique des fêtes de fin d’année, se porte plutôt bien. Pourtant, de plus en plus de gouvernements interdisent le gavage des canards et des oies, poussés par les défenseurs du bien-être animal.

Pour produire du foie gras, il faut rendre le canard malade. Cela, nous sommes nombreux à la savoir. Dans une vidéo, l’association L214 révèle aujourd’hui des pratiques cruelles qui ont lieu tout au long de la vie de l’animal, et ce, dans une exploitation primée, censée avoir les meilleures pratiques de France.

Les Belges sont les deuxièmes plus gros consommateurs de foie gras du monde après les Français. Si notre production reste anecdotique, il y a fort à parier que le foie gras consommé chez nous a été produit en France qui est le premier producteur mondial (75% de la production totale) avec ses 16.400 tonnes produites en 2018. Cela représente 30 millions de canards tués. L’Union européenne représente 95 % de la production mondiale.

Un secteur qui se porte bien

« Cette année encore, tous les indicateurs sont au vert », indique la directrice du Comité interprofessionnel du foie gras, Marie-Pierre Pé, avant le boom de consommation des fêtes de fin d’année. Si le secteur se porte plutôt bien après deux années difficiles en 2016 et 2017 suite à l’abattage massif de canards en France à cause d’une épidémie de grippe aviaire, les producteurs subissent de plus en plus de pressions de la part des défenseurs du bien-être animal et des végétariens.

Ces derniers ont déjà gagné de nombreuses batailles à travers le monde et de plus en plus de gouvernements interdissent la pratique du gavage. Depuis 1998, une directive européenne s’oppose à cette pratique, mais cinq pays, qui ont leur propre législation sur la question, continuent malgré tout la production. Il s’agit de la France, de la Belgique, de l’Espagne, de la Hongrie et de la Bulgarie.

Une pratique controversée

Le foie gras, produit adoré et conspué
© L214

Le gavage est une pratique controversée. Le foie gras est en effet le résultat d’une pathologie appelée stéatose hépatique. Tout le monde sait que pour obtenir un foie gras, il faut gaver l’animal durant une dizaine de jours. Cela se fait à l’aide d’une pompe enfoncée dans le gosier de l’animal. Le bien-être animal est donc mis de côté pour produire le foie gras. Une nouvelle enquête de l’association L214, qui dénonce ces pratiques, révèle aujourd’hui que la cruauté fait partie de toute la chaine de production du foie gras et pas seulement durant la dizaine de jours de gavage.

Entre octobre et novembre 2019, un lanceur d’alerte a fourni à l’association des images d’une production renommée en Dordogne, le Domaine de La Peyrouse. Ce domaine a été médaillé d’or du Concours général Agricole en France en 2019 qui récompense les meilleures productions agricoles. Cette exploitation comprend un couvoir, des salles de gavage et un abattoir. Elle sert également de lieu de formation. « Notre enquête montre donc les meilleures pratiques en France pour la production de foie gras. C’est édifiant ! », commente Sébastien Arsac, porte-parole de L214. Les images rapportées par L214 parlent d’elles-mêmes.

https://www.youtube.com/user/AssociationL214480

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480Foie gras médaille d’or 2019 : des milliers de canetons jetés vivants à la poubellehttps://i.ytimg.com/vi/BtwyXqSPHa0/hqdefault.jpgvideo1.0https://www.youtube.com/L214 éthique et animaux270360YouTube

Des canetons agonisants

Peu après leur naissance, les canetons sont triés. Les femelles sont jetées dans un grand bac où elles attendront de mourir de faim, asphyxiées ou écrasées par le poids de leurs congénères. Les femelles ne sont pas utilisées dans la production de foie gras, car leur foie est trop nerveux. Les canetons jugés inaptes seront également mis à part pour agoniser. Les oeufs non éclos à temps sont jetés dans une autre benne où naissent et meurent les canetons sortis tardivement de l’oeuf.

Le foie gras, produit adoré et conspué
© L214

« L214 a signalé la situation aux services vétérinaires de la Dordogne, qui ont mené une inspection et ont pu constater par eux-mêmes que les canetons n’étaient pas tués avant d’être jetés à la poubelle », informe l’association dans un communiqué. « À ce jour, les services vétérinaires n’ont pas indiqué si une procédure pénale avait été engagée ni si la situation avait évolué ».

De leur côté, les canetons mâles sont insérés dans une machine qui va leur brûler le bec pour éviter le picage.

Après 13 à 14 semaines d’élevage avec un accès à l’extérieur, les canards sont ramenés dans des cages intérieures où ils seront gavés deux fois par jour pendant une dizaine de jours à l’aide d’une pompe pneumatique. Alimentés de force, les animaux tombent malades, halètent, ont de la diarrhée, et leur taux de mortalité augmente. Un rapport de 1998, du comité scientifique vétérinaire mandaté par la Commission européenne, mentionne des taux de mortalité 10 à 20 fois plus élevés en phase de gavage qu’en élevage.

Les animaux sont ensuite pendus par les pattes avant d’être plongés dans une eau électrifiée pour être étourdis, puis saignés.

« Depuis le couvoir et l’agonie des canetons femelles, jusqu’à l’abattoir en passant par le gavage à pompe pneumatique, ce n’est que cruauté de la naissance à la mort des canards », commente Sébastien Arsac. « Pas étonnant que le gavage soit interdit dans la plupart des pays européens ».

Le foie gras en Belgique

Selon les chiffres du Conseil wallon du Bien-être animal, la Belgique est le 4e pays consommateur de foie gras (ce qui correspond à 3,7% de la consommation mondiale). Cette consommation exprimée par habitant place la Belgique en deuxième position après la France.

En Wallonie, il existe neuf exploitations qui produisent environ 12,5 tonnes de foie gras cru par an en élevant plus ou moins 25.000 canards. Interrogée par nos soins, Céline Tellier (Ecolo), la nouvelle ministre wallonne du Bien-être animal, nous a fait savoir qu’aucun projet d’interdiction de gavage n’était prévu en Wallonie. Cependant, la ministre désire entamer une réflexion plus globale sur le bien-être animal tout au long de la filière de la production du foie gras, de la naissance à l’abattoir.

La Flandre compte un seul producteur de foie gras. Dès le 1er décembre 2023, le gavage sera interdit au nord du pays.

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