Le fléau de la renouée du Japon : pourquoi son éradication semble impossible
Importée en Europe au XIXè siècle, les renouées du Japon sont tellement répandues dans plusieurs pays, comme la Belgique, que son éradication est devenue impossible. Or cette plante invasive menace l’équilibre de la biodiversité.
Peut-être l’avez-vous déjà admirée au détour d’une route ou d’un cours d’eau. Car elle est belle, la renouée du Japon : ses longues feuilles légèrement en pointe, ses tiges qui virent au rouge, et ses petites fleurs blanches qui apparaissent entre août et septembre.
Originaire de Chine et très répandue au Japon, elle fait son arrivée en Europe au courant du XIXè siècle comme ornement dans des jardins. C’est aux Pays-Bas qu’elle se popularise, lorsqu’un horticulteur importe la plante, la cultive et la commercialise. Son caractère invasif n’est à ce moment-là pas pointé du doigt, bien au contraire. La renouée du Japon est louée pour ses vertus esthétiques, ce qui lui vaut une médaille d’or de la société d’agriculture et d’horticulture de la ville d’Utrecht en 1847.
Pourtant au fil des décennies, l’expansion de cette plante est tellement rapide qu’elle échappe au contrôle de l’homme. Présente dans toute la Belgique, elle est aujourd’hui un danger pour la végétation locale qui l’entoure.
Expansion par le sol
Si l’on connaît la renouée par ses feuilles et ses fleurs, une grande partie de la plante se déploie sous nos pieds. «Il y a tout un réseau de rhizomes, une partie de la plante qui est sous terre, qui forme des organes de réserve et qui est très importante pour sa propagation», indique Sonia Vanderhoeven, biologiste pour la Plateforme belge pour la biodiversité et le Service public de Wallonie, et maître de conférence à l’ULB.
Les renouées du Japon ne sont qu’un grand individu à l’échelle de l’Europe entière, comme la plante ne se reproduit que par reproduction végétative, ce n’est qu’un grand clone géant
Sonia Vanderhoeven
Les tiges souterraines de la renouée du Japon lui permettent de stocker de l’eau et d’autres denrées alimentaires nécessaires à sa pousse. C’est l’un des facteurs les plus importants de son expansion en Belgique et en Europe. Il suffit d’un fragment de tige pour que la renouée pousse et se développe. «Quand par exemple on fauche les bords de route, et qu’on emporte les tiges un peu plus loin, ces nouveaux fragments pourront générer un nouveau clone», souligne Sonia Vanderhoeven.
Pour résumer, une seule et même renouée du Japon à la capacité de faire pousser des clones à des dizaines, voir des centaines de kilomètres de son plant d’origine. La floraison n’est par contre pas une grande menace dans l’expansion de cette espèce de renouée, dont les graines ne semblent pas fertiles.
«Les renouées du Japon ne sont qu’un grand individu à l’échelle de l’Europe entière, comme la plante ne se reproduit que par reproduction végétative, ce n’est qu’un grand clone géant», précise Sonia Vanderhoeven.
Une plante dangereuse pour la biodiversité
Aujourd’hui, la renouée du Japon est présente sur l’entièreté du territoire belge, que cela soit dans des milieux naturels, le long de voies ferrées ou de route, près des cours d’eau ou même dans des jardins.
Quand elle s’installe dans un endroit, la renouée du Japon entre en compétition avec les plantes qui l’entourent. Ces dernières en sont souvent fragilisées, certaines ne seront plus capables de survivre.
Quand on gère mal, on favorise sa dispersion, il y a des qui ont essayé de la faucher à certains endroits pour s’en débarrasser, ils ont eu l’impression que ça fonctionnait, mais en fait la plante, stratégiquement, a fait pousser ses rhizomes, et s’est propagée 10 mètres plus loin
Sonia Vanderhoeven
Elle a également un impact important sur l’équilibre minéral du sol, alors que ses rhizomes peuvent atteindre les quatre mètres de long. «Elle modifie la composition des éléments minéraux du sol, et donc de l’écosystème», note Sonia Vanderhoeven.
Il peut alors arriver que des champs entiers de renouées se développent dans le paysage belge. Les températures hivernales de l’Europe centrale n’ont également aucun impact sur elle, puisqu’une partie de la plante est présente sous le sol.
Une gestion difficile
Actuellement, aucune technique de gestion n’est efficace pour éradiquer la plante, mais une surveillance est toutefois nécessaire pour éviter qu’elle ne monopolise l’écosystème, notamment dans des sites de grand intérêt biologique.
«Quand on gère mal, on favorise sa dispersion, alerte Sonia Vanderhoeven. Des gens ont essayé de la faucher à certains endroits pour s’en débarrasser, ils ont eu l’impression que ça fonctionnait, mais en fait la plante, stratégiquement, a fait pousser ses rhizomes, et s’est propagée 10 mètres plus loin.»
En la détectant assez tôt, il y a une chance d’éviter qu’elle ne se disperse dans des espaces naturels. Le seul moment où il y a une chance d’éradiquer la plante, c’est lorsqu’elle commence tout juste à pousser. Les jeunes pousses, de moins d’un an, peuvent être déterrées presque sans crainte d’une repousse. Si la plante est plus vieille et installée, il est préférable de ne pas agir ou simplement de la couper.
Des projets pilotes sont en cours dans certaines villes, pour tenter de l’éradiquer. C’est le cas d’Anvers, qui a lancé un projet d’électrocution des renouées du Japon, un moyen d’atteindre la plante jusqu’à sa racine.
En attendant que ces essais fassent leurs preuves sur le long terme, il est toujours possible de couper la partie aérienne de la renouée, qui repoussera si la coupe n’est pas entretenue.
«Comme c’est une espèce que l’on n’arrive pas à gérer, il faut changer le paradigme de la gestion, il y a certaines espèces invasives pour lesquelles il va devoir faire avec», assure Sonia Vanderhoeven.
La biologiste alerte sur les prochaines plantes invasives exotiques qui pourraient s’étendre sur le territoire européen. Pour elle, il est essentiel de garder une surveillance accrue pour éviter, dans l’avenir, d’avoir d’autres renouées du Japon.
Lila Maitre
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