Jean-Pascal van Ypersele. © Belga

Jean-Pascal van Ypersele : « On peut encore empêcher la Terre de devenir inhabitable »

Marie Gathon Journaliste Levif.be

Il est trop tard pour empêcher les changements climatiques qui sont déjà à l’oeuvre, déplore le climatologue Jean-Pascal van Ypersele. Ce n’est pas pour autant que l’ancien vice-président du GIEC a perdu son optimisme. En témoigne une longue interview accordée à LN24.

On ne présente plus Jean-Pascal van Ypersele, professeur de climatologie à l’UCLouvain, ancien vice-président du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et membre de l’Académie royale de Belgique.

Lors d’un entretien accordé à LN24, il est revenu sur la mise entre parenthèses de la question climatique durant ces six derniers mois à cause de la pandémie de Covid-19. « Il y a avait une priorité sanitaire immédiate dans la plupart des pays du monde, reconnait-il. C’est logique qu’on se soit focalisé sur ce problème, mais le problème des changements climatiques n’a pas disparu pour autant. La vague climatique risque d’être beaucoup plus forte et beaucoup plus grave en termes d’effets sur la santé humaine, sur l’économie et sur l’habitabilité de la Terre », alerte le climatologue.

Selon lui, la crise que nous traversons actuellement est aussi la preuve qu’il est nécessaire d’écouter les experts et les scientifiques, car cela fait une vingtaine d’années que ceux-ci communiquaient sur les dangers d’une pandémie. On ne peut que constater qu’ils ont eu raison. Peut-être serait-il sage de ne pas attendre la catastrophe avant de prendre en compte l’avis des climatologues du monde entier, suggère le scientifique.

Même si le confinement de la moitié de la planète a permis de polluer moins cette année, cela reste anecdotique, rappelle le climatologue. « Le CO2 est un polluant qui s’accumule dans l’atmosphère. C’est comme une baignoire qui risque déborder. Il y a une évacuation d’eau qui est ouverte, mais il y a un robinet qui apporte deux fois plus d’eau que ce que l’évacuation peut enlever. Pendant le confinement on a fermé un petit peu le robinet, mais l’évacuation se fait toujours à la même vitesse. À un moment donné, la baignoire va déborder », prévient-il.

Une relance verte

Après la crise du coronavirus, il va falloir relancer l’économie et Jean-Pascal van Ypersele plaide pour une relance verte qui remanie en profondeur la machine économique. Il prend l’exemple du secteur du bâtiment, très porteur économiquement, et de l’isolation de ceux-ci qui pourrait permettre à grande échelle d’économiser beaucoup de CO2, d’argent et d’améliorer la vie des habitants. Selon le scientifique, il existe beaucoup d’autres domaines où cette logique de « win-win » peut-être appliquée. Il faut seulement qu’il y ait une volonté politique derrière.

Malgré tout, Jean-Pascal van Ypersele reste optimiste. Surtout grâce aux jeunes qui se mobilisent pour le climat depuis deux ans. Selon lui, c’est en partie grâce à la pression qu’ils ont mise sur les décideurs politiques que le Green Deal européen a pu être voté. Reste à voir s’il tiendra ses promesses.

« L’avenir est encore très largement entre nos mains, affirme-t-il, non pas pour empêcher tous les changements climatiques d’opérer, mais nous avons encore la possibilité d’infléchir fortement la courbe des températures. Cela aura des conséquences énormes d’ici quelques décennies », explique le climatologue.

Si le réchauffement climatique est inéluctable, nous avons donc encore de la marge de manoeuvre afin de donner la possibilité aux générations futures de s’adapter à ces changements. Car il ne faut pas oublier également que les changements climatiques touchent d’abord les plus pauvres plus durement, alors qu’ils sont moins responsables des émissions de gaz à effet de serre que les plus riches. « C’est la double injustice », déplore Jean-Pascal van Ypersele. « Prévenir les changements climatiques, c’est également prévenir les déséquilibres futurs qu’il risque d’y avoir dans le monde », conclut-il.

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null© Getty

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