Isolation du bâti, aéroports, pesticides: Les Engagés et le MR sauront-ils faire rimer Wallonie et écologie?
Au sud du pays, le MR et Les Engagés auront peut-être du mal à parler climat dans la même langue. Derrière la bonne volonté des premiers discours, le duo doit choisir: faire rimer technologie et croissance verte, ou faire résonner sobriété et décroissance.
D’après un test électoral réalisé par l’UCLouvain et l’Université d’Anvers, le MR et Les Engagés sont d’accord à 70% en terme d’environnement et d’énergie. Les deux futurs partenaires au sein du gouvernement wallon envisagent tous deux un avenir pour le nucléaire. Ils aimeraient aussi que les autorités régionales continuent de subsidier le Grand Prix de Formule 1 de Spa-Francorchamps. Et que le sud du pays maintienne ses subsides aux aéroports de Liège et de Charleroi. Qu’aucune taxe kilométrique n’entre en vigueur en Wallonie, aussi.
À la lecture de leurs programmes, sur quoi ne s’entendent-ils pas? Les Engagés se disent favorables à un système de consigne sur les canettes, afin de lutter contre les déchets sauvages en appliquant le principe du pollueur-payeur. Une mesure que les libéraux, pour qui «déstructurer la filière du sac bleu n’apporte pas de plus-value économique ou environnementale», estiment inefficace. Autre point de désaccord: l’octroi d’aides publiques uniquement aux entreprises qui réduisent leur empreinte carbone. C’est oui pour les centristes, c’est non pour le MR.
« Georges-Louis Bouchez a été jusqu’à dire que dans un monde idéal, l’environnement devrait se retrouver dans toutes les législations »
Nicolas von Nuffel, président de la Coalition Climat
Deux visions s’opposent: tout mettre en œuvre pour tendre à -50% d’émissions de CO2 en 2035 versus un accompagnement à la transition énergétique des entreprises via les aides publiques. Pomme de discorde supplémentaire: les vols aériens courte distance, que Les Engagés souhaitent taxer davantage, «lorsqu’une alternative par le rail existe». Dans les rangs libéraux, c’est niet: chacun doit avoir la liberté de se déplacer comme il le souhaite. L’interdiction des pesticides contenant du glyphosate constitue une autre pierre d’achoppement. La formation turquoise accepterait de s’en passer si des alternatives existent, là où l’équipée bleu foncé ne veut pas entendre parler de principe de précaution. Le MR l’assure: «l’évaluation scientifique démontre qu’un usage sûr de la substance est possible».
La politique environnementale de la Wallonie détricotée par le futur gouvernement?
Les écologistes n’ont cessé de le répéter durant une campagne qui leur aura couté cher: sans eux, pas de politique climatique ambitieuse au sein des majorités. Alors que Georges-Louis Bouchez et Maxime Prévot ont rencontré des acteurs de l’environnement, les discours se veulent pour l’instant rassurants. «Les discussions ont été constructives, rapporte Nicolas von Nuffel, président de la Coalition Climat. Aucun des deux partenaires n’a remis en question l’objectif de réduction de nos émissions imposé par la Commission européenne. Ils se sont montrés insatisfaits de la politique climatique des dernières années, et veulent aller de l’avant. Georges-Louis Bouchez a été jusqu’à dire que dans un monde idéal, l’environnement devrait se retrouver dans toutes les législations.»
«Le MR optera probablement pour la voie fiscale, en favorisant la croissance économique d’entreprises qui devront réaliser des économies d’énergie»
Fabienne Collard (Crisp)
Au-delà de ce tour de table teinté de bonne volonté, aucun engagement concret n’a été encore pris. Des discussions parallèles sont en cours au sein de groupes techniques, qui réunissent des experts sur ces matières, chargés de décliner les propositions en mesures concrètes à reprendre dans la future Déclaration de politique générale. Sur la priorité absolue, les témoignages concordent: le chantier de la rénovation des bâtiments doit absolument faire l’objet d’une accélération.
À quels changements s’attendre? «Le MR optera probablement pour la voie fiscale, en favorisant la croissance économique d’entreprises qui devront réaliser des économies d’énergie», avance Fabienne Collard. Politologue en charge de l’énergie au sein du Crisp, elle salue la volonté commune des deux futurs partenaires de mieux rénover le bâti.
Les priorités pour la législature à venir
Globalement, les associations actives sur le plan environnemental sont satisfaites des chantiers qui ont été lancés ou concrétisés par la ministre wallonne sortante de l’Environnement Céline Tellier (Ecolo). L’écologiste, débauchée de la société civile par le parti il y a cinq ans, a notamment tenu sa promesse de planter 4.000 kilomètres de haies et plus d’un million d’arbres. Elle a aussi introduit le Plan Air- Climat-Energie (PACE), censé amener la Région wallonne vers une réduction de moitié de ses émissions de CO2 d’ici 2030.
Certains s’inquiètent de la suite, alors que le relais est passé dans des mains habituellement moins vertes. «Le programme du MR en matière d’écologie est très contradictoire, estime Arnaud Collignon, spécialiste énergie chez Canopea. Le parti veut améliorer la santé des Wallons en s’attaquant aux PFAS et perturbateurs endocriniens… mais n’est pas favorable à une régulation des pesticides, alors qu’on sait que les PFAS y sont massivement présents en Wallonie.»
Le programme du MR en matière d’écologie est très contradictoire
Arnaud Collignon, spécialiste énergie chez Canopea
Les Engagés, dont plusieurs acteurs de terrain saluent le travail de fond qui a été mené sur le plan environnemental, parviendront-ils à faire entendre la voix de l’écologie, à côté d’un parti libéral qui mise beaucoup sur l’innovation et la technologie pour soutenir la croissance économique? «Il faudra voir quels engagements sont repris dans leur feuille de route, modère Arnaud Collignon. Mais le parti centriste fait à première vue preuve de maturité, en proposant notamment de réduire de moitié notre consommation énergétique, à l’heure où la sobriété est l’une des clés.»
De l’écologie sans Ecolo?
Battus partout lors de ces élections, les écologistes scruteront avec attention la politique du gouvernement de centre-droit depuis les bancs de l’opposition. Stéphane Hazée, l’un des cinq rescapés du parti déchu (et déçu) élus au Parlement wallon, avertit: «Les Engagés ont réussi un bon plan de com’ sur le climat, mais j’attends de les voir à l’heure de l’exercice du pouvoir. Sur plusieurs points, ils ne sont pas à la hauteur du défi qui nous attend. L’inaction est punitive, on l’a vécu dramatiquement en Wallonie.»
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