Forêt amazonienne : la déforestation ne s’atténue pas, les feux non plus
Selon l’Institut national de recherche spatiale du Brésil (INPE), les incendies dévastateurs en Amazonie ont augmenté de 28 % par rapport à l’année dernière.
Un total de 6 803 incendies dans la forêt amazonienne le mois dernier, contre 5 318 au cours du même mois de 2019. Cette augmentation énorme précède la traditionnelle « saison des feux » pour la région, qui commence en août. Par ailleurs, plus de 1 000 incendies ont été enregistrés le 30 juillet, le nombre le plus élevé pour une seule journée en juillet depuis 2005, selon Greenpeace Brasil.
Les défenseurs de l’environnement reprochent à Bolsonaro d’avoir encouragé les exploitants illégaux, les mineurs et les spéculateurs fonciers à détruire la forêt avec sa vision du développement économique de la région. Peu sensible à ces reproches, le président du Brésil a déclaré que son projet d’introduire l’exploitation minière et l’agriculture dans des réserves protégées était un moyen de sortir la région de la pauvreté.
Rappelons aussi que bien que les forêts tropicales humides aient une saison sèche, ces régions ont tellement d’humidité qu’elles ne brûlent presque jamais sans intervention humaine.
Des incendies normalement interdits
La majorité des incendies pratiqués dans la forêt amazonienne sont volontairement allumés par des exploitants pour étendre leurs surfaces d’exploitation. Il s’agit le plus souvent d’éleveurs de bétail ou d’agriculteur à échelle industrielle.
Pour se donner bonne figure, Jair Bolsonaro a donné l’ordre aux militaires, en mai dernier, de coordonner les actions écologiques en Amazonie. Et ce 16 juillet, le gouvernement a également interdit les feux dans les zones humides du Pantanal et dans la forêt amazonienne pour les quatre mois à venir.
Dans le même temps, les amendes pour infraction environnementale sont en forte baisse et le gouvernement n’a cessé de réduire le budget, le personnel et les programmes de l’agence environnementale brésilienne.
Nous avons une responsabilité
Selon la princesse Esmeralda de Belgique, qui s’est exprimée dans une carte blanche dans l’Echo, notre responsabilité « est accablante et résulte du fait que l’Union européenne consomme d’énormes quantités de soja et de boeuf importés du Brésil. Or, cette déforestation illégale et la violation des droits des tribus autochtones sont des conséquences irréfutables de cette consommation. Une étude récente de 12 chercheurs internationaux publiée dans le journal Science révèle que 2 % des propriétés en Amazonie et dans le Cerrado sont responsables de 62 % de toute la déforestation potentiellement illégale. 20 % du soja et 17 % du boeuf exportés vers l’UE en seraient issus. »
De plus, selon une étude du WWF Belgique, « notre pays aurait quant à lui une empreinte terrestre de 949 000 hectares au Brésil pour répondre à nos besoins de soja, boeuf, bois et papier », ajoute-t-elle.
Pressions privées, publiques et Mercosur
Fin juin, des investisseurs d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Sud qui administrent 4 000 milliards de dollars ont menacé de retirer leurs investissements, obligeant le gouvernement brésilien à réfléchir à la lutte contre la déforestation. Il est d’ailleurs probable que ces déclarations fassent davantage pression sur le président brésilien que celle des chefs d’État étrangers, dont le discours est jugé colonialiste.
De plus, « à l’heure où doit se ratifier le Mercosur, ce gigantesque accord commercial entre l’UE et le Brésil, qui paraît de plus en plus contradictoire avec une relance verte post-Covid et plutôt dicté par les lobbies de l’agrobusiness, il est urgent que tous les acteurs économiques européens, entreprises, banques et commerçants, mais aussi nous les consommateurs, prenions nos responsabilités pour couper court à la déforestation » déclare la princesse Esmerlada.
La pandémie actuelle menace les forêts tropicales
Les incendies en Amazonie ne sont que le signal le plus visible d’un schéma de destruction plus large, stimulé par l’énorme pression économique pour exploiter la forêt tropicale. Les incendies de 2019 ont été déclenchés afin de défricher des terres pour l’exploitation minière et l’agriculture, et dans certains cas pour chasser les populations indigènes qui vivent dans la région.
Aujourd’hui, cette pression ne fait que croître au milieu de la pandémie ; les gouvernements sont tellement absorbés par la gestion de la pandémie que la déforestation illégale et le brûlage sont un peu mis de côté.
Les incendies pourraient apporter d’autres maladies
En plus de potentiellement aggraver les symptômes du coronavirus à cause des fumées émises par les incendies, la déforestation pourrait donner lieu à d’autres maladies.
La déforestation a déjà été mise en cause dans l’épidémie du virus Nipah de 1999 en Malaisie, qui a tué 105 personnes après être passé des chauves-souris aux porcs, puis aux humains.
De plus et contrairement aux idées reçues, les forêts réduisent les maladies infectieuses. D’un autre côté, selon l’Institut français de recherche pour le développement « le déboisement des forêts primaires reste l’une des causes principales de l’apparition de nouveaux agents infectieux et de leur circulation épidémique dans les populations humaines ».
Aujourd’hui, 40 % de la population mondiale vit dans des régions infestées par le paludisme. « Or, dans les zones fortement déboisées, le risque de contracter cette maladie est 300 fois plus élevé que dans les zones de forêt intacte ! » révèle le site notre-planète. Et il rajoute ensuite que « 72 % des maladies infectieuses émergentes transmises par les animaux à l’homme sont propagés par des animaux sauvages par rapport aux animaux domestiques. Les zones déboisées augmentent le contact entre la faune sauvage et l’homme et influencent la transmission d’agents pathogènes ».
Les forêts tropicales profitent au monde entier
Avec les océans, elles abritent les plus grandes concentrations de biodiversité de la planète. Leurs arbres canalisent l’eau vers le ciel et créent des précipitations vitales pour maintenir les températures fraîches dans les régions environnantes.
Les forêts tropicales jouent également un rôle essentiel dans le système climatique mondial et peuvent influencer le régime des pluies dans les pays lointains. Elles absorbent et stockent également un volume non négligeable de carbone, amortissant les coups du changement climatique.
La diminution de ces dernières met en péril tous ces mécanismes. De plus, il existe un point de basculement à partir duquel elles ne pourront plus faire circuler suffisamment d’humidité pour subvenir à leurs besoins, ce qui entraînera un cycle irréversible d’effondrement. Pour la forêt tropicale amazonienne, les chercheurs estiment que cela se produira avec une déforestation de 25 %. À ce jour, environ 17 % de la forêt tropicale ont été perdus.
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