« En mai, tonte à l’arrêt » : pourquoi il est utile de prolonger l’action en juin, voire au-delà
Certains participants à « En mai, tonte à l’arrêt » ont remarqué que peu d’insectes volants sillonnaient leur zone de non tonte cette année. La faute à des conditions jusqu’ici moins bénéfiques pour leur croissance. D’où l’intérêt de prolonger l’action si votre jardin le permet.
Son vert éclatant contraste avec la pâleur de l’herbe coupée. Placée à l’arrière de ma pelouse, à équidistance des limites de mon terrain, la petite oasis de biodiversité que j’ai créée fin avril dans le cadre de l’opération « En mai, tonte à l’arrêt », simplement en l’épargnant du passage de la tondeuse, y restera aussi longtemps que possible. Pourquoi en serait-il autrement? Elle apporte un cachet indéniable à mon jardin, m’épargne le transport d’un sac de déchets verts au parc à conteneurs, réduit le temps passé derrière la tondeuse. Et offre, surtout, un point relais à la biodiversité environnante, dans un décor anthropique qui lui laisse si peu de place.
Certains participants à l’opération EMTA nous ont fait remarquer que très peu d’insectes sillonnaient leur zone de non-tonte cette année. Comme le confirment de nombreuses études, l’effondrement du nombre d’insectes volants est indéniable, y compris dans les réserves naturelles. En outre, les conditions plus froides de ce printemps sont moins favorables à la croissance des larves d’insectes, m’a précisé Sylvain Boisson, expert en gestion de la biodiversité à Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège). Ceux-ci préfèrent les conditions ensoleillées et les températures plus élevées pour butiner. Une saison décalée qui, pour les participants souhaitant repasser la tondeuse sur la totalité de leur gazon, justifierait de le faire un peu plus tard, par exemple après la mi-juin.
«En mai, tonte à l’arrêt» n’est qu’une des nombreuses initiatives printanières visant à aider, d’une manière ou d’une autre, la biodiversité à se refaire une place au plus près de nous. Indépendamment de la quantité de participants, il semble assez évident qu’un nombre croissant de ménages, d’entreprises, de communes ont adopté un mode de gestion des espaces verts plus compatible avec l’indispensable expression de la nature. «Tu fais de la tonte expérimentale», m’a-t-on toutefois glissé en riant, preuve que cette pratique est encore loin d’être la norme. «Si tu continues, tu auras plein de pissenlits partout, de vraies cochonneries», m’a-t-on aussi prévenu. A un moment dans l’histoire récente, il semble que quelqu’un ait décrété que ces fleurs un peu trop expansives pour l’homme moderne n’étaient ni jolies ni souhaitables. Et qu’une majorité se soit rangée derrière cet avis, sans trop savoir pourquoi.
Dans son Petit traité du jardin punk (éd. Terre vivante, 2018), le paysagiste français Eric Lenoir invite à «apprendre à désapprendre». «Pendant des siècles, on a appris à maîtriser la nature pour en faire cet espace idéalisé qu’on appelle le jardin. Jusqu’à se détacher du fonctionnement de celle-ci», avait-il expliqué à l’occasion de la première édition d’En mai, tonte à l’arrêt. Même dans nos jardins, il nous faut donc questionner nos habitudes et nos automatismes, pour mieux les revoir si besoin. «Oser douter», comme le résume le slogan du Vif. Une remise en question cathartique non seulement pour l’esprit mais aussi pour la planète. Alors, comme une nouvelle évidence, et qu’importe l’ampleur de cet apport: en juin, tonte à l’arrêt! Et bien au-delà.
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