En Belgique, c’est déjà « Demain »
Mélanie Laurent et Cyril Dion ont sélectionné des initiatives du monde entier en faveur de la protection de l’environnement dans leur documentaire à succès » Demain « . Mais inutile d’aller au bout du monde. Des solutions, il y en a déjà pas mal chez nous.
« Dans quel monde vivront nos enfants dans quarante ans ? Léo est né il y a six mois, comme des centaines de milliers d’enfants dans le monde », confie Mélanie Laurent. « Et jamais la situation écologique n’a été aussi grave. Alors qu’est-ce que l’on va leur dire à nos enfants ? Qu’ils n’y aucune solution ? » L’actrice française et le militant écologiste Cyril Dion ont parcouru le monde entier pour trouver ces solutions au problème du réchauffement climatique. Ils ont repris ces initiatives dans leur documentaire « Demain ». Mais pour Luna, Clémentin, Mohammed ou Zoé, des réponses, il y en a déjà, ici, en Belgique.
Se préparer à l’après-pétrole. C’est la philosophie des « Villes en Transition », un mouvement lancé en 2005 par Rob Hopkins, à Totnes, une ville britannique de 7.500 habitants. Un mouvement reprit dans le monde entier et notamment en Belgique. Des habitants de la Ville de Bruxelles ont créé « 1000Bxl en Transition » en octobre 2013. Ils réparent leurs anciens appareils dans un « Repair Café », apportent leur aide gratuitement dans une « Banque de temps », organisent un « marché gratuit » ou plantent leur propre potager partagé en plein centre ville. Des initiatives similaires, ils en existent d’autres en Belgique. « À Ixelles, à Etterbeek, à Saint-Gilles ou à Ath, Liège, Namur,… », énumère Julien Bernard, un des membres fondateurs. À travers ces projets, les citoyens essayent de trouver un début de réponses aux problèmes économiques, de pollution ou d’alimentation.
Manger local
Et cette solution pourrait bien se trouver dans notre assiette. Le petit potager de l’association n’est qu’un des nombreux projets d’agriculture urbaine qui éclosent un peu partout. Notamment cette ferme en projet au-dessus des abattoirs d’Anderlecht. Mené par le bruxellois Lateral Thinking Factory, elle produira des fruits, des légumes et même des poissons dès l’automne 2016 (Voir Le Vif/L’Express du 18 février 2016). Et en ville comme à la campagne, ils sont de plus en plus nombreux à opter pour une agriculture raisonnée voire biologique. En Wallonie, un agriculteur sur dix était estampillé bio en décembre 2014 selon les derniers chiffres de Biowallonie. Beaucoup de ces produits sont écoulés via des plates-formes comme La ruche qui dit Oui !, L’Heureux Nouveau ou Efarmz. Sur les étals de ces épiceries numériques, point de pommes bio cultivées en Nouvelle-Zélande. À La Ruche qui dit Oui ! par exemple, les produits sont récoltés dans un rayon de 250 km maximum autours de la ruche. Une soixantaine de ces ruches sont pour l’instant en activité en Belgique.
Vous acceptez l’Épi lorrain ?
Certaines communes n’hésitent pas à battre leur propre monnaie. « L’idée, c’est que vous échangez vos euros contre une monnaie locale », explique Laurence Roland, de Financité. Cet argent influence tout l’écosystème local. « Vous irez plutôt chez votre boucher qu’au supermarché », ajoute-elle. À Virton par exemple, vous pouvez acheter votre pain en « Épis lorrains« . Votre boulanger échangera peut-être sa farine contre ces épis ou paiera l’addition chez l’épicier avec cet argent local. Trois autres monnaies similaires existent en Wallonie. Quatre autres devraient voir le jour en 2016 selon Laurence Roland. L’objectif de ces monnaies n’est pas de supprimer l’euro mais plutôt d’être complémentaires en favorisant une consommation locale.
Quand le déchet devient une ressource
Selon Eurostat, plus de 80% des emballages ont été recyclés en Belgique en 2012. Loin devant la moyenne européenne (64,6%). C’est le résultat de la politique de ramassage et de tri des déchets organisée ces dernières années. Mais l’enjeu restera de mieux valoriser encore nos déchets dans le futur. Notamment les déchets agricoles, les ordures ménagères et les boues d’épuration. Une des filières d’avenir reste la biométhanisation. Ces installations parviennent à produire du biogaz à partir de la fermentation de ces déchets. Selon Edora, la Fédération des Énergies Renouvelables, on compterait déjà une quinzaine d’installations en Wallonie. Ce biogaz est ensuite réinjecté dans le réseau de distribution ou produit de l’électricité et de la chaleur. Bien que marginal aujourd’hui, la biométhanisation pourrait être une des clés de l’énergie de demain.
Watt « made in Belgium »
L’Europe s’est fixé une part de 20% d’énergie renouvelable dans la consommation finale d’énergie d’ici 2020. Avec des objectifs chiffrés pour chaque pays. Malgré les recours contre les nouvelles éoliennes, malgré la crise du photovoltaïque, la Belgique doit atteindre 13% de production d’énergie renouvelable en 2020. En 2014, notre pays produisait déjà 8% de son énergie grâce aux renouvelables. Il surf sur les politiques de soutien appliquées massivement ces dernières années. Aujourd’hui réduites, ces subsides vont néanmoins permettre d’atteindre cet objectif de 13% selon Benjamin Wilkin, le secrétaire général de l’Association pour la Promotion des Énergies Renouvelables. Mais cette dynamique pourrait se tarir après 2020. Notre pays pourrait atteindre 20% d’énergies renouvelables en 2030 selon l’APERe. C’est en tout cas le dernier chiffre qui circule. Tout dépendra des politiques de soutien mises en place et de la confiance des investisseurs. Techniquement, c’est possible pour Benjamin Wilkin.
À bicyclette
L’énergie 100% verte, c’est celle que nous ne consommons pas. Une des pistes du documentaire de Mélanie Laurent et de Cyril Dion, c’est de délaisser la voiture et de se remettre en selle. Beaucoup utilisent déjà le vélo quotidiennement pour aller travailler. Cependant, le peloton reste difficile à évaluer. Selon une étude du SPF Mobilité et Transports, 9,5% des navetteurs utiliseraient le vélo comme moyen de transport. Mais avec de grandes disparités entre la Flandre (14,9%), la Wallonie (1,5%) et Bruxelles (3%). « Cette étude représente uniquement les déplacements domicile-travail pour les entreprises de plus de 100 personnes », nuance Aurélie Willems, la porte-parole du Groupe de Recherches et d’Actions des Cyclistes Quotidiens (GRACQ). Autre défaut : elle ne compte que le moyen de transport principal. Or, beaucoup de navetteurs combinent vélos et transports en commun pour se rendre sur leur lieu de travail. Pour estimer l’évolution du nombre de cyclistes, Pro Velo organise des comptages aux heures de pointe dans les grandes villes du pays. Notamment à Bruxelles, où une véritable politique est mise en place contrairement à la Wallonie selon Luc Goffinet, du GRACQ. On constate que le nombre de cyclistes bruxellois a augmenté de 11,5% en moyenne par an entre 1999 et 2015, selon les derniers chiffres de Pro Velo.
Ces quelques exemples témoignent d’une révolution en marche dans notre façon de produire, de consommer ou d’échanger. Mais ces initiatives seront-elles suffisantes ? Luna, Clémentin, Mohammed et Zoé auront certainement la réponse demain. L’enjeu reste qu’ils n’aient pas que des reproches.
Par Bastien Pechon
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