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Eau en bouteille, gourde, carafe filtrante ou robinet : voici le moyen le plus sûr de boire de l’eau

L’eau en bouteille plastique contiendrait dix à cent fois plus de microplastiques qu’on ne le pensait. En cause : le processus de purification. Explications.

Dans l’air, les aliments, les vêtements, les tapis et les meubles… le plastique est omniprésent et ne se décompose pratique­ment pas. Il s’avère aujourd’hui que l’eau en bouteille de trois marques américaines contient beaucoup plus de microplastiques qu’on ne le pensait, selon une nouvelle étude publiée sur pnas, le média en ligne de l’ONG National Academy of Sciences. Il s’agit principalement de nanoplastiques, dont la taille n’excède pas celle d’un globule rouge. Grâce à une tech­nique innovante, les scientifiques ont découvert en moyenne 240 000 particules de plastique dans une bouteille d’eau d’un litre. Quelque 90 % d’entre elles étaient des nanoplastiques, les 10 % restants des microplastiques.

Jana Asselman, professeure de biotechnologie à la tête du Blue Growth Research Lab (UGent), n’est pas étonnée. « Plus on réduit la taille des particules, plus on en trouve. Ce que cette étude a de nova­teur, c’est que, pour la première fois, des particules allant jusqu’à cent nanomètres ont été mesurées. Jusqu’aujourd’hui, nous ne pouvions détecter que celles de plus de vingt microns. Si le plastique est largement utilisé, c’est parce qu’il est chimiquement inerte, c’est-à-dire qu’il ne réagit à rien. Par conséquent, il ne réagit pas non plus à nos appareils de mesure. »

Il est donc tout à fait plausible qu’un litre d’eau en bouteille contienne non pas des centaines de milliers, mais des millions de nanoparticules.

Des traces de nylon

La plupart des bouteilles d’eau minérale sont fabriquées en polyéthylène téréphta­late (PET), qui se décompose sous l’in­fluence des UV et de la température. Or, les particules de PET ne sont pas celles que l’on retrouve en plus grand nombre dans l’eau en bouteille analysée. En réalité, les microfragments de polyamide sont davantage présents. « Selon les chercheurs, ils proviennent probablement des membranes filtrantes en nylon utilisées pour purifier l’eau en bouteille de conta­minants tels que les bactéries, les médica­ments, les pesticides et les métaux lourds, explicite la professeure Asselman. Paradoxalement, la purification de l’eau ajoute beaucoup de microplastiques, car l’eau est injectée à travers ces membranes sous haute pression, ce qui libère des fibres de nylon. L’étude montre qu’il est préfé­rable de suivre de près certains processus de production. De nombreux autres filtres sont disponibles sur le marché. »

C’est précisément parce que les microplastiques sont si difficiles à tracer qu’il existe peu de données concernant leurs effets sur la santé. Pour l’instant, les experts ne voient pas de raison de s’alar­mer, mais ils insistent sur la nécessité de poursuivre les recherches. Ce que nous savons déjà, par contre, c’est que le corps élimine une grande partie de ces subs­tances par les selles. Les nanoparticules, elles, sont bien absorbées par l’organisme. Il semble que cela puisse entraîner un stress oxydatif, des réactions inflammatoires et des dommages à l’ADN au niveau cellulaire, mais on ne sait pas si ces effets peuvent également accroître le risque de maladies telles que le cancer ou l’obésité.

« Les nanoparticules restent-elles aussi petites une fois qu’elles sont dans notre corps ? »

Substances nocives

En outre, de nombreuses autres subs­tances nocives se retrouvent dans les plas­tiques, comme des métaux lourds, des dioxines et des perturbateurs endocriniens. Ces derniers sont connus pour leurs effets néfastes sur le foie, les reins et la fertilité en cas de surexposition. Et divers travaux scientifiques ont démontré que le nombre de maladies endocri­niennes et auto-immunes a bel et bien augmenté depuis les années 1970.

« Nous devons également nous deman­der si ces nanoparticules restent toutes aussi petites une fois qu’elles sont dans notre organisme, note la professeure Asselman. Nous constatons dans notre laboratoire que plus la particule est petite, plus elle s’agglutine facilement à d’autres, plus grosses, telles que des matières orga­niques. Et plus la particule est grosse, moins elle a de chances de pénétrer dans nos cellules. »

Inutile, donc, de s’inquiéter à chaque fois qu’on pourrait être en contact avec un morceau de plastique, mais mieux vaut limiter autant que possible ceux qui ne sont pas essentiels. Boire de l’eau en bou­teille de temps en temps n’est en soi pas problématique. Mais le faire à longueur d’année pourrait aboutir à ce que le corps ne parvienne plus à se débarrasser des microparticules – il en va de même pour l’environnement.

Boire de l’eau en gourdes, une bonne idée ?

Si les gourdes réutilisables en plastique sont meilleures pour l’environnement, dans la mesure où elles évitent que des bouteilles jetables se retrouvent dans la nature, elles ne sont pas moins nocives que ces dernières en ce qui concerne les microplastiques, car elles sont également sou­mises aux variations de température, à la lumière et, de plus, sujettes à l’usure. « La plupart des particules de micro-plastique sont générées par le dévissage et le serrage constants du bouchon, note Jana Asselman. Chaque fois que vous vissez du plastique ou le frottez contre une autre sur­face, vous produisez des microplastiques. Ce sera pareil pour une bouteille en verre munie d’un bouchon en plastique. »

Boire de l’eau dans une gourde en plastique, une bonne idée ? Pas forcément…

A bien des égards, l’eau du robinet reste le meilleur choix, tant pour la santé que  pour l’environnement et le portefeuille. « Elle n’est pas non plus exempte de plas­tique, mais qu’est-ce qui l’est de nos jours ? note la chercheuse de l’UGent. Au final, elle contient beaucoup moins de microplas­tiques que l’eau en bouteille. Une étude réalisée en 2022 a montré que l’eau du robinet contient en moyenne 0,01 parti­cule de microplastique par litre, étant entendu qu’elle n’a alors été mesurée que jusqu’à vingt micromètres.»

Boire de l’eau en carafe filtrante ?

La célèbre carafe Brita élimine le calcaire, le chlore, le zinc, le cuivre et tous les microplastiques de plus de cinq micro­mètres contenus dans l’eau du robinet… mais ses cartouches filtrantes sont en plas­tique. Il est donc possible que le processus ajoute des microplastiques à l’eau du robi­net. « Je ne connais pas la composition exacte des filtres de Brita, déclare la pro­fesseure Asselman. La question est de savoir si le fabricant utilise ou non une membrane en nylon et si des fibres de nylon peuvent se retrouver dans l’eau. Je n’ai aucune information à ce sujet. Quoi qu’il en soit, il est inutile de filtrer l’eau du robinet pour des raisons de santé. Chez nous, elle est de très bonne qualité. Ceux qui filtrent leur eau le font avant tout pour une question de goût. A certains endroits, elle peut contenir un peu plus de calcaire ou sentir davantage le chlore. » Un conseil : remplacer le filtre à temps, car il peut deve­nir un foyer de bactéries. Une autre façon d’éliminer le chlore de l’eau du robinet consiste tout simplement à la laisser dans une carafe ouverte pendant un petit temps pour permettre aux résidus de s’évaporer.

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