Des outils pour mieux gérer les déchets des hôpitaux
La prévention et la gestion des déchets représentent un défi de taille pour les centres hospitaliers. Surtout depuis le Covid. L’usage de protections uniques a explosé : masques, blouses, visières… En Wallonie et à Bruxelles, certaines structures mettent en place des solutions.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, 85% des déchets liés aux soins de santé sont comparables aux ordures ménagères et sont sans danger. Les 15% restants peuvent, par contre, être infectieux, chimiques ou radioactifs. Idea, l’agence de développement territorial hainuyère, a donc lancé Dechospi, un projet pilote pour encourager et accompagner les structures hospitalières soucieuses d’améliorer leurs performances de prévention et gestion des déchets. L’ ambition: inscrire cinq d’entre elles, soit quatorze hôpitaux et un bassin de soins de près de 550 000 habitants, dans une dynamique d’économie circulaire.
D’autres hôpitaux peuvent s’emparer de cet outil de diagnostic et de méthodologie pour mettre à jour leurs indicateurs quantitatifs et qualitatifs de performance en matière de gestion des déchets. Et ce, afin d’avoir une vue globale des flux, de la quantité et du type de déchets produits, puis de leur tri et de leur sort. Trois catégories ont été identifiées: classe A (déchets hôteliers, de cuisine, de restauration et administratifs), classe B1 (déchets d’activités hospitalières, de soins, des unités de soins, des consultations et services médicotechniques, des laboratoires, à l’exception des déchets radioactifs) et classe B2 (déchets infectieux provenant de patients en isolement, de laboratoires présentant une contamination microbienne, de traitements cytostatiques, pathologiques, d’animaux d’expérience et les objets contondants).
La gestion des déchets hospitaliers est tentaculaire, on n’en a jamais fini.
Covid et B2
Menée par le consortium composé de Comase et Espace Environnement, la phase pilote devait s’étaler sur dix mois ; elle a finalement duré deux ans pour cause de pandémie et a été suspendue pendant deux périodes de six mois. «Le Covid a aussi généré plus de déchets dans les hôpitaux, souligne Frédéric Lion, administrateur de Comase, société de consultance de Mont-sur-Marchienne, qui accompagne les entreprises dans les projets d’économie circulaire. Je pense aux masques, aux blouses, aux survêtements…» Dechospi prône dès lors le recours au tissu et au métal plutôt qu’au plastique, et la création de filières «de tri, d’identification des dispositifs utilisés, de comptabilisation de leurs utilisations successives, de stérilisation et de nettoyage plutôt que l’enfouissement ou l’incinération», outre la conscientisation et la formation de tous les acteurs (fournisseurs, directions, personnel hospitalier).
Le défi est de savoir ce qu’on peut, doit ou ne doit pas mettre dans les déchets de type B2, qui font partie d’une filière de traitement séparée pour être incinérés, et d’obtenir de la Région wallonne une clarification du cadre réglementaire. «C’est un secteur qui, par défaut, travaille énormément sur le principe de précaution, souligne Delphine Fontenoy, chargée de mission au service environnement de l’asbl Espace Environnement. Dès le moment où le cadre réglementaire laisse une place à une part de subjectivité, on placera plus facilement un déchet dans la catégorie B2.». Dans les engagements des hôpitaux, «on retrouve des dispositions techniques et logistiques, mais aussi des actions qui jouent sur les comportements des professionnels et sur la communication à l’égard des collaborateurs, des patients et des visiteurs.»
Trier, décontaminer puis valoriser
A Bruxelles et Ottignies, les Cliniques de l’Europe (Saint-Luc) ont lancé le projet Green Europe. Pour Marie Loriaux, transversal project manager au sein de la direction opérationnelle, «la gestion des déchets hospitaliers dans ce projet occupe un sixième du temps qui y est consacré, mais c’est le sujet le plus tentaculaire, on n’en a jamais fini. Cela va du tri du plastique domestique, en partant des bouteilles et canettes du patient ou du collègue en réunion, pour doucement s’approcher du plastique dans les soins». Les Cliniques aimeraient développer un projet de mutualisation des déchets B2 à l’échelle de la Région bruxelloise avec l’entreprise familiale Ecosteryl, qui transforme les déchets dangereux en déchets classiques et pratique la récupération de particules de métal pour les revaloriser. Mais l’incinération constitue aujourd’hui le monopole d’intercommunales et la mise en place d’une telle solution nécessiterait une adaptation de l’ensemble de l’écosystème du tri des déchets.
Du vert dans tous les recoins
Avec ce projet, qui a débuté en janvier 2022 – quatorze personnes se réunissent mensuellement pour dresser l’état des lieux sur les différents sites –, les Cliniques de l’Europe couvrent six dimensions: achats durables, gestion des déchets, gestion de l’eau, gestion de l’énergie, espaces verts et mobilité. Dans ce dernier domaine, elles travaillent sur le transport par drone d’échantillons biologiques de laboratoire, de médicaments ou de petites pièces du magasin médical. «Ce qui éviterait la production de gaz d’échappement et ne ferait pas participer aux embouteillages routiers», indique Marie Loriaux.
En matière de circularité, les Cliniques développent la récupération de matériel informatique avec la société Out of use, la récupération de mobilier de bureau déclassé par la plateforme HU.BU, qui les redistribue dans des associations et des écoles, ou, avec l’entreprise VinylPlus med, le tri de PVC médical de haute qualité, dans les tubulures pour masques à oxygène, par exemple, afin d’en faire de nouveaux objets.
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