COP 26 – Les COP peuvent-elles encore avoir un impact concret ?
Cela fait un quart de siècle qu’elles existent. Sans que leurs effets concrets se fassent ostensiblement ressentir… Les COP peuvent-elles encore faire avancer la question climatique?
« Une décennie perdue ! » Le constat de la journaliste Naomi Klein est sans appel. Dans son livre Plan B pour la planètre: le new deal vert (Actes Sud, 2019), elle évoque l’allocution visionnaire de la diplomatie bolivienne Angelica Navarro au Sommet climat de l’ONU, en 2009: « Nous avons besoin d’une mobilisation beaucoup plus masive qu’aucune autre dans l’histoire, un plan Marshall pour la Terre« , déclarait celle-ci. Nous avons gâché toute la décennie qui a suivi cet appel, à bricoler et à nier, déplore Klein. Dans Gouverner le climat (Sciences-Po-LesPresses), ouvrage de référence publié au moment de la COP21, en 2015, le politiste Stefan Aykut et l’historienne Amy Dahan qualifiaient la gouvernance onusienne multilatérale de « fabrique de la lenteur ».
Pour les deux chercheurs, les gouvernements se sont empêtrés dans « la fiction du tous ensemble » et le mirage d’une gouvernance climatique qui « s’est toujours heurtée aux blocages géopolitiques des grandes puissances ». Selon eux, une autre illusion des gouvernants est de pouvoir « mener une grande transformation écologique en catimini« , sans corriger « la grille de l’économie néoclassique », en séparant le climat du monde réel. « La transition énergétique est le véritable enjeu politique, confirme Edwin Zaccaï, fondateur du Centre d’études du développement durable à l’ULB et auteur d’un livre complet sur la question climatique (Deux degrés, Sciences Po-Les Presses, 2019). C’est très compliqué, car, quand on parle d’énergies, on est dans le coeur du logiciel, le moteur de la croissance économique. »
Ce docteur en sciences de l’environnement souligne, d’ailleurs, que le terme « énergie » ne figure quasi pas dans l’accord de Paris, qui a réussi à fixer un cadre et des objectifs, mais s’est révélé très insuffisant. « C’est révélateur, tout est dit dans cette absence, conclut le Pr Zaccaï pour qui il y a tout de même une évolution depuis cinq ans, surtout dans les messages et les intentions. Evoquer la nécessité de réduire les énergies fossiles n’est plus un tabou, même pour l’ Agence internationale de l’énergie et les fonds d’investissement. »
Quand Paul Magnette parle d’écosocialisme, à un mois de la COP 26, cela dénote aussi un changement net dans le discours – même si cela relève de l’opportunité politique. L’émergence de jeunes leaders en politique, comme Alexandria Ocasio-Cortez, la plus jeune femme jamais élue au Congrès américain (grâce au programme vert qu’elle défend), est porteuse d’espoir, relève Naomi Klein. Les promesses du Green Deal européen vont dans le bon sens aussi, selon Tom Delreux, professeur de sciences politiques à l’UCLouvain: « Les politiques environnementales classiques ont été abandonnées au profit d’une approche holistique de la question de la neutralité climatique, c’est-à-dire incluant l’énergie, l’industrie, les transports, les finances, l’alimentation », explique ce spécialiste de la politique européenne de l’environnement (1).
Il subsiste un obstacle majeur: l’absence de clauses contraignantes dans les accords internationaux qui ne se basent que sur des engagements volontaires. Idem dans le Green Deal de l’UE qui, pour l’instant, tient de la déclaration d’intention. Avec, pour conséquence, que la gouvernance climatique dépend surtout d’une dizaine de puissances, responsables des plus grosses émissions de CO2 (dont les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie, le Japon…). L’ avenir de la planète est entre les mains de ce noyau. « La pression économique et financière, due aux risques climatiques, sera déterminante pour faire bouger les gouvernements, on l’a un peu vu cet été », note Zaccaï qui rappelle ce que le patron d’AXA avait dit lors de la COP 21: qu’au-delà d’une augmentation de 4° C, le monde sera inassurable.
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Pour le Pr Delreux, même si elle dépend de ce que feront les grandes puissances, l’Union européenne a l’ambition d’être le moteur du changement. « Elle se positionne dans ce sens, analyse-t-il. Et c’est a priori un bon calcul puisque l’économie va devoir se transformer avec la transition énergétique. Autant donc être en première ligne, cela peut lui donner, à terme, un avantage compétitif. ». De plus en plus, les gouvernants prennent conscience qu’une économie durable n’est pas contradictoire avec la croissance. Au contraire. Mais cela nécessitera de gros investissements. Un plan Marshall?
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(1) Tom Delreux est l’auteur de Environmental Policy and Politics in the European Union (éd. Palgrave, 2017) coécrit avec Sander Happaerts.
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