Comprendre le dossier PFAS : qui de la commune ou de la SWDE aurait dû communiquer sur la pollution de l’eau
Fin mai 2023, la Société wallonne des eaux (SWDE) proposait au bourgmestre de Chièvres, Olivier Hartiel (PS), et à un échevin, Frédéric De Weireld (Ecolo), d’informer la population à propos de la présence de PFAS dans l’eau. Cela n’a pas été fait. Mais c’était bien trop tard et c’était à la SWDE de s’en charger, rétorque le bourgmestre. Le député wallon Nicolas Tzanetatos (MR) s’étonne de cette posture.
L’affaire de la pollution aux PFAS mise en lumière par une enquête du magazine Investigation de la RTBF, mercredi dernier, soulève de nombreuses questions et agite le monde politique wallon. Ce mardi, la ministre wallonne de l’Environnement, Céline Tellier (Ecolo), est attendue en commission du Parlement wallon pour livrer ses explications, dans un dossier qui pourrait avoir fait l’objet d’un défaut de communication à différents étages : SWDE, administration, cabinet de la ministre, membres du gouvernement wallon, etc.
La question est de savoir qui savait exactement quoi à quel moment. Et, accessoirement, qui aurait pu (ou dû) informer la population concernée de la présence de PFAS dans des quantités supérieures à une norme de 100 ng/l, qui n’entrera en vigueur qu’en janvier 2026.
Dans la région de Chièvres, il est apparu au cours de l’enquête qu’aucune information n’est parvenue aux citoyens entre octobre 2021 et mars 2023, période au cours de laquelle les analyses dont disposait la SWDE, communiquées au Service public de Wallonie (SPW), qui les a transmises au cabinet de la ministre Tellier en janvier 2022.
Selon le député wallon Nicolas Tzanetatos (MR), l’ancien bourgmestre de Chièvres, Claudy Demaret (MR) avait été averti en mai 2021 au moyen d’un courrier de la ministre Tellier, signalant que « tout était en ordre ». Par ailleurs, il ne comprend pas que l’actuel bourgmestre, Olivier Hartiel (PS), explique ne pas avoir été informé par la SWDE.
En mars 2023, la SWDE a installé un système de filtrage au moyen de charbon actif au niveau du puits P1 situé à Chièvres, permettant de diminuer considérablement la présence de PFAS dans une eau courante consommée dans une douzaine de village alentours. Ce n’est qu’après la mise en place de cette solution technique, innovante selon la SWDE, que les communes ont pu être informées par cette dernière.
Du côté de la SWDE, cependant, on digère assez mal l’idée selon laquelle les autorités locales n’auraient découvert qu’à travers l’enquête de la RTBF, à partir de septembre dernier, les données relatives à la présence excessive de PFAS au niveau du puits P1 à Chièvres.
C’est aussi ce que regrette, de son côté, le député wallon Nicolas Tzanetatos (MR), qui déplore « que dans ce dossier, on cherche à se renvoyer la balle, le plus important étant naturellement d’informer correctement la population et de prendre les mesures qui s’imposent » pour garantir la sécurité sanitaire.
Les autorités locales n’ont certes été informées qu’après la mise en place du charbon actif, reconnaît-on à la SWDE. Mais on y affirme aussi que le bourgmestre et un échevin de Chièvres auraient pu informer la population en juin dernier, ainsi que cela leur a été suggéré à l’initiative de la même SWDE.
C’est en effet à la date du 31 mai 2023 que s’est tenu un conseil d’exploitation de la succursale Escaut-Lys-Dendre de la SWDE. Il s’agit d’une réunion trimestrielle au cours de laquelle les communes sont invitées à envoyer un représentant. Celle-là devait notamment aborder la thématique de la présence de PFAS dans l’eau distribuée dans les ménages de la région. Un courrier avait été envoyé aux autorités communales de Chièvres, de même qu’à celles d’Ath, Beloeil, Leuze-en-Hainaut et Jurbise, accompagné d’une liste des rues potentiellement concernées par une contamination aux PFAS.
Absents de la réunion, Tzanetatos s’en étonne
Ni le bourgmestre de Chièvres, ni le représentant de la commune au conseil d’exploitation ne se sont rendus à la réunion du 31 mai, apprend-on, alors « que la situation spécifique à leur commune leur avait clairement été signalée ». Suite au conseil d’exploitation, les informations qui y avaient été présentées ont été transmises aux autorités communales de Chièvres, indique-t-on encore, sans que cela ne fasse l’objet d’une communication à la population.
Or, se défend la SWDE, bien que cela semble tardif désormais, le bourgmestre de Chièvres, Olivier Hartiel (PS), et l’échevin Frédéric De Weireld (Ecolo), ont été invités par mail à communiquer sur la situation à la population. Un échange a eu lieu la veille de la réunion. Un responsable de la succursale locale de la SWDE a d’ailleurs suggéré une entrevue à la suite du conseil d’exploitation pour organiser une « communication de façon concertée ».
C’est d’ailleurs ce qu’a fait la commune de Beloeil, sur ses réseaux sociaux et dans son bulletin communal de juin 2023. Elle y relayait une communication de la SWDE, détaillant les rues potentiellement concernées et signalant que « Une teneur en PFAS dépassant la future norme de 100 ng/l dans les eaux brutes (le puits 1 de Chièvres) avait été mise en évidence. Une surveillance étroite a été mise en place et a fait apparaître que la teneur en PFAS dans ce puits reste stable au cours du temps ».
La communication informe aussi la population de la mise en place de deux unités de filtre à charbon actif au niveau du puits.
Pour le député Nicolas Tzanetatos, qui s’étonne de l’absence du bourgmestre de Chièvres à la réunion, il est étonnant que ce dernier se déclare non informé de la présence de PFAS dans l’eau, dès lors qu’il a été convoqué à une réunion pour parler ce ce sujet et que la commune avait été avertie.
« La SWDE était rassurante » à propos des PFAS
« En effet, ni l’échevin, ni moi-même n’avons pu nous rendre au conseil d’exploitation », confirme Olivier Hartiel, bourgmestre de Chièvres. « Mais la communication de la SWDE était tout à fait rassurante, il n’y avait manifestement pas lieu de s’inquiéter. » De fait, il est vrai également que le mail envoyé à l’échevin et au bourgmestre invitait à ne pas s’inquiéter.
Quoi qu’il en soit, selon Olivier Hartiel, « il n’appartient pas à la commune, mais bien à la SWDE de communiquer sur le sujet. C’est tout de même un peu fort de café, d’autant plus que leurs courriers à l’époque faisaient part d’analyses rassurantes ».
On se renvoie la balle donc, pour une communication qui serait de toute façon survenue après la détection de PFAS en quantité importante et l’installation du charbon actif. Les analyses réalisées au cours des trois dernières semaines au niveau du château d’eau concerné, indique au passage la SWDE, font état de teneurs en PFAS aux alentours de 20 ng/l, ce qui est bien inférieur aux valeurs mesurées avant la mise en place d’un filtrage en mars.
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