Un épisode de sécheresse frappe la Belgique: « Il faut espérer un été ou un mois de juin plus arrosé »
Des températures allant jusqu’à 25°, un soleil éclatant et une brise légère. La Belgique connaît une fin de printemps 2022 aussi belle… que sèche. De quoi inquiéter agriculteurs et experts, qui tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme : « Si la situation n’est pas encore problématique, elle pourrait le devenir rapidement », préviennent David Dehenauw et Pascal Mormal, deux météorologues de l’Institut royal météorologique (IRM).
Après une année 2021 particulièrement humide – pour ne pas dire « catastrophiquement » pluvieuse – la Belgique est à présent confrontée à une nouvelle période de fortes chaleurs. Et qui dit beau temps, dit peu de précipitations. De quoi réjouir les Belges, qui profitent de cette période presque estivale pour siroter l’un ou l’autre cocktail en terrasse. Mais attention, avertissent les experts, trop de soleil n’est pas nécessairement une bonne chose, au contraire. Car ces faibles précipitations sont le premier signe d’une sécheresse qui ne manquera pas de nuire aux nappes phréatiques.
« Quand on analyse les prévisions pour les prochaines semaines, on voit que la situation risque de s’aggraver », prévient Pascal Mormal, de l’IRM. Un constat soutenu par son collègue David Dehenauw, qui précise : « Les deux prochaines semaines, on aura peu ou pas de précipitations, avec des températures qui vont osciller entre 20 et 25°. Il y aura peut-être quelques précipitations le week-end du 21 et 22 mai. Mais c’est encore trop tôt pour le dire. »
Des précipitations largement en dessous des normes saisonnières
Selon les modèles de prévisions saisonnières analysés par l’Institut de Uccle, très peu de pluie sont attendues jusqu’à la fin du mois de mai, qui restera donc généralement sec et chaud. De quoi accentuer un bilan printanier déjà largement déficitaire. « Mars 2022 a été un mois historique puisque il est considéré comme le mois le plus sec en Belgique depuis 1833 », explique Pascal Mormal. « On a seulement eu 2,2 mm (donc 2,2 litres par m²) de précipitations, alors qu’on atteint normalement 59,3 mm. On était largement en dessous des normes. Et le problème, c’est que cette situation s’est poursuivie en avril, [malgré un début de vacances de Pâques pluvieux]. »
Le mois d’avril s’est soldé par un taux de précipitations à 37,4 mm, au lieu de 46,7 mm. Et le pluviomètre reste pratiquement à zéro pour ce début de mois de mai. « Pour vous donner une idée de l’intensité de la situation actuelle, qui est quand même assez révélatrice : si on regarde le total des pluies qui sont tombées depuis le 1er mars jusqu’à aujourd’hui, on comptabilise une précipitation qui se situe à seulement 40,2mm. » Historiquement, si on analyse cette valeur depuis le début des relevés (en 1833), il y a eu deux dates hors-normes : en 1893, avec des précipitations à 37,6 mm pour l’ensemble des trois mois de printemps, et le « légendaire été » de 1976 – particulièrement exceptionnel au niveau des températures et de la sécheresse – avec seulement 69mm de précipitations. « Pour le moment, on est à 40,2mm et on n’est pas du tout sûr d’arriver à 69mm d’ici la fin du mois de mai. »
La faute au réchauffement climatique
Une situation préoccupante et anormale par rapport aux statistiques, mais néanmoins peu surprenante dans nos régions. « C’est déjà arrivé en 2017, 2018, 2019 et 2020. On constate que les printemps deviennent de plus en plus secs ces dernières années », selon David Dehenauw, qui pointe du doigt le réchauffement climatique.
Et Pascal Mormal de nuancer : « On n’a pas beaucoup de recul, mais effectivement, on se rend compte que les températures se réchauffent beaucoup plus vite au niveau des Pôles qu’au niveau de l’Équateur. » Or, le courant Jet-Stream – très important dans nos régions pour déterminer le type de temps qu’il va faire – va tirer une grande partie de son énergie des contrastes de températures entre les Pôles et l’Équateur. Si vous avez des températures qui sont moins marquées du fait du réchauffement climatique entre les Pôles et l’Équateur, le contraste sera moins important. Par conséquent, cela pourrait expliquer que le courant Jet-Stream, d’ordinaire dynamique et rectiligne, se mette à onduler. « Dans certaines configurations, ces ondulations peuvent nous amener à des situations de blocages qui pourraient durer plus longtemps que par le passé. Cela signifie qu’un même type de temps prédomine sur nos régions pendant parfois plusieurs semaines d’affilée. » En d’autres termes, on pourrait avoir un temps anticyclonique, et donc sec, persistant, mais parfois, ces blocages peuvent également amener des dépressions et un temps très médiocre durant une longue période.
Les nappes phréatiques menacées
Ce n’est pas encore la catastrophe, mais la situation inquiète déjà les agriculteurs, qui attendent la pluie désespérément. « Malgré une année 2021 pluvieuse qui a permis de limiter la casse par rapport au déficit et aux sécheresses des années précédentes, si on a à nouveau une année très sèche, on va perdre rapidement tous les bénéfices qu’on avait emmagasinés l’année passée. Une sécheresse peut arriver relativement vite et impacter rapidement les agriculteurs. »
S’ajoute à ce déficit de précipitations un vent qui tend à dessécher la terre, ce qui est particulièrement mauvais pour les sols et les cultures. D’autant que les nappes phréatiques de surface tendent à se dessécher plus rapidement que les nappes profondes. Pascal Mormal se veut néamnoins rassurant : « Il ne faut pas faire paniquer les gens. À ce stade-ci, il n’y a pas de situation critique. »
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