Pourquoi le tremblement de terre en Turquie pourrait durer plus d’une semaine (analyse)
Le tremblement de terre survenu entre la Turquie et la Syrie fait état d’un lourd bilan (provisoire) de 2.300 morts. Ce type de séisme est-il rare, et aurait-on pu l’anticiper ? Six questions à Fabienne Collin, sismologue et responsable du réseau sismique à l’Observatoire Royal de Belgique.
Comment peut-on analyser le tremblement de terre qui a touché la Turquie et la Syrie?
Il faut d’abord s’intéresser à la tectonique des plaques. La plaque arabique remonte vers la plaque eurasienne. Entre les deux se trouve le bloc anatolien. La zone du séisme se situe à la frontière entre la plaque arabique et ce bloc anatolien. En général, de par les mouvements des différentes plaques, les tensions se font de plus en plus fortes. A un moment, ça peut craquer, à différents endroits et à plusieurs reprises. Ici, le tremblement de terre principal a eu lieu cette nuit, puis un deuxième choc est intervenu.
Entre ces deux chocs, des dizaines de répliques ont eu lieu. En ce moment, toute la région est soumise à des failles qui se relâchent. En d’autres termes, un choc fait que la partie suivante va se relâcher. C’est pour cela qu’on a plusieurs chocs très importants les uns après les autres. Cela peut durer plusieurs semaines. On peut s’attendre à observer un tas de répliques pendant une grosse semaine, si pas deux. Certaines de ces répliques pourraient être importantes.
Les scientifiques peuvent-ils anticiper un tel tremblement de terre?
On ne sait prédire ni où, ni quand, ni avec quelle magnitude va avoir lieu un tremblement de terre. C’est impossible. On sait juste estimer, avec les mesures GPS, que telle partie d’une plaque bouge fort à tel endroit. On peut donc voir des tensions qui pourraient provoquer un tremblement de terre. Mais on ne sait pas où exactement, ni quand. On ne peut donc pas déplacer des populations de manière préventive, car le tremblement de terre peut se produire aujourd’hui comme dans trois ans. Estimer la magnitude est également impossible.
Comment expliquer le fait que deux séismes interviennent dans la même zone au même moment?
Il s’agit d’une réplique. C’est le même jeu de failles qui bouge. Ce ne sont pas deux tremblements de terre indépendants. Le premier a provoqué le second. La distance entre les deux séismes n’est pas non plus énorme.
La zone était-elle particulièrement à risque?
On se situe sur la faille sud-anatolienne. Elle rejoint, avec une de ses branches, le Graben du Jourdain, qui elle aussi est une vallée faillée, et donc sismique. La jonction de deux plaques peut induire ces phénomènes. Comme au Japon, en Italie ou en Grèce. Tous ces pays se situent sur un jeu de failles, entre deux plaques, où il peut y avoir de très gros tremblements.
La Belgique est-elle plus ou moins exposée qu’un pays comme la Turquie?
Au niveau géologique, je n’oserais pas dire qu’on n’aura jamais de gros séismes en Belgique, au contraire. Mais il s’agit d’un autre contexte. Notre pays se situe à l’intérieur d’une plaque. Donc, les tensions ne sont pas du tout comparables avec la Turquie. Malgré tout, nous sommes un des pays, dans l’ouest de l’Europe, à être les plus sismiques. Car nous sommes traversés par plusieurs failles. A l’est, il y a le Graben du Rhin en Allemagne, un système d’effondrement très faillé. La faille du Midi, également, traverse la Belgique du Pas-de-Calais jusqu’à Namur. Nous sommes donc à un endroit où les failles bougent, mais de manière différente. Ce ne sont pas deux plaques qui se rencontrent comme en Turquie. Il s’agit de failles qui « s’aident » à certains moments.
Quel est le plus gros tremblement de terre que nous ayons connu en Belgique?
Fin du 17e siècle, la Belgique a connu un très gros tremblement de terre à Verviers, qui a fait des dégâts jusqu’à Londres. Si aujourd’hui un tel tremblement de terre devait avoir lieu, la Belgique en subirait de terribles conséquences. Pour un pays qui est à l’intérieur d’une plaque, comme la Belgique, rien ne peut permettre de prédire avec précision les tremblements de terre. Il peut en avoir un demain, comme un dans cinq ans, ou cinquante ans.
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