Gestion des barrages : les données de terrain mieux partagées?
Fallait-il lâcher plus tôt les eaux du barrage d’Eupen? C’est l’une des questions centrales auxquelles la commission d’enquête du parlement wallon devait apporter des réponses. S’appuyant sur les auditions d’experts et de responsables de la chaîne de commandement régional, elle a estimé que si aucune responsabilité ne pouvait être imputée aux gestionnaires des barrages, la procédure pouvait certainement être améliorée.
Dans les 161 recommandations qu’ils formulent, les députés invitent le Service public de Wallonie (SPW) à renforcer son partenariat avec l’Institut royal météorologique (IRM). A la Direction de la gestion hydro- logique, la commission demande de développer une communication «compréhensible» et «directement exploitable» à destination des autorités régionales et communales ainsi qu’à la population, d’intégrer dans son système d’évaluation de nouveaux modèles de prévisions météorologiques, de mettre en place une gestion plus dynamique des barrages-réservoirs ou encore d’opérationnaliser une modélisation plus précise des sous-bassins versants, afin de pouvoir traduire effectivement l’impact des crues sur le territoire. A l’IRM, elle suggère notamment de renforcer les capacités de modélisation météorologique pour bénéficier de prévisions météorologiques à la maille la plus fine possible et d’organiser la communication de la liste exacte des communes concernées par ses avertissements.
Auparavant, on suivait une approche plus séquentielle. Dorénavant, à un moment donné, on peut décider de croiser tous les regards et de concentrer toutes les expertises.
Ces requêtes ont-elles été entendues? Première avancée: pour mieux anticiper les événements exceptionnels, une cellule d’expertise nommée «Celex» a été créée. «Pour chaque type d’événement, il existe trois niveaux d’alerte: jaune, orange et rouge. A partir du moment où on entre en alerte jaune, on réunit la Celex qui, en présence des différents acteurs concernés (NDLR: gestionnaires de barrages, zones de secours, Protection civile…) évaluera la situation. On entre alors dans un système de gestion de crise par le bourgmestre, les gouverneurs et le ou la ministre de l’Intérieur en fonction de la localisation et de l’ampleur du territoire touché, expose Etienne Willame, directeur général du SPW Mobilité et infrastructures. Auparavant, on suivait une approche plus séquentielle: l’avertissement était envoyé au centre régional de crise et était ensuite répercuté vers les bourgmestres, les zones de secours, etc. Dorénavant, à un moment donné, on peut décider de croiser tous les regards et de concentrer toutes les expertises.»
L’IRM et le service hydro- logique wallon ont développé des contacts plus réguliers, confirme David Dehenauw, chef du service des prévisions météorologiques à l’IRM. «On partage beaucoup plus de modèles de prévisions avec la Région, ce qui lui permet de cumuler les sources d’information et d’alimenter le programme de prévisions Hydromax.» La nouvelle procédure prévoit une plus grande implication dans les réunions de gestions du bureau du temps de l’IRM, afin qu’il puisse transmettre ses observations et ses études. «Dans le flux de données que nous livrons, nous avons également inclus des prévisions spécifiques et détaillées pour chaque barrage de Wallonie. Il peut s’agir d’informations sur les précipitations, le vent, les températures ou encore les rafales.» Le travail de communication s’étend aussi à l’ensemble des services publics: l’IRM s’est en effet rendu compte que les décideurs ne connaissaient pas bien les outils de prévisions ou ne parvenaient pas à en interpréter les résultats. Des formations ont donc été lancées.
Autre outil de vulgarisation: le site Internet «Hydrométrie» sur lequel sont centralisées toutes les informations et les analyses sur les cours d’eau permettant une meilleure évaluation de la situation. Le site permet de consulter en temps réel le niveau de débit et de diffuser les avertissements et alertes. «La commission a mis en évidence le besoin pour les décideurs de pouvoir traduire l’information en impact sur le territoire, de savoir quelles seront les zones inondées et ce que cela représente en matière de flux et de courant», développe Etienne Willame. Et pour pouvoir prédire avec davantage de précision quel quartier peut être touché en cas de fortes pluies, le SPW travaille sur une modélisation dynamique nécessitant des modèles de terrain extrêmement complexes.
En ce qui concerne plus spécifiquement la gestion des barrages, que la commission souhaitait plus «dynamique», la note a bien été adaptée, annonce encore le directeur du SPW Mobilité, pour augmenter temporairement la réserve d’empotement. «L’ ancienne norme la fixait à 2,8 millions de mètres cubes, elle était de 5,6 millions en juillet 2021 et est aujourd’hui de 6,9. Nous devons à présent voir si nous pouvons établir une note de manutention qui puisse garantir le maintien de la capacité d’eau tout en faisant face aux épisodes pluvieux.» Un délicat équilibre qui fait l’objet d’un monitoring permanent par la Celex dans le cadre d’une étude qui s’étendra sur deux ans.
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