Le scarabée japonais est reconnaissable par ses petites touffes de soie blanches et duveteuses qui dépassent de ces élytres, à l'arrière de son corps. © imageBROKER/FLPA / M. Szadzuik/R. Zinck

Le scarabée japonais: ce nouvel envahisseur qui menace de ravager la biodiversité européenne

Déjà installé dans une partie de l’Europe, le scarabée japonais se répand petit à petit sur le Vieux Continent. Parmi les pays très propices à son installation figurent la France et la Belgique.

Dans la banlieue de Bâle, à la frontière franco-suisse, les habitants ont reçu une étrange interdiction. Jusqu’au 30 septembre, il leur sera interdit d’arroser leurs pelouses. Pas en raison d’une sécheresse, mais à cause… de scarabées japonais. Alias Popillia japonica: quelques dizaines de ces insectes ont été repérés dans cette zone, et leurs larves adorent les terres chaudes et humides.

Ce coléoptère venu d’Asie de l’Est s’attaque à près de 400 plantes différentes, dont environ 150 présentes dans certaines régions d’Europe. Qui l’a inscrit sur sa liste des 20 espèces pour lesquelles des plans nationaux de lutte doivent obligatoirement être mis en place. Il s’agit même de l’espèce la plus menaçante pour la biodiversité européenne, d’après François Verheggen, professeur de zoologie à Gembloux Agro-Bio Tech et président d’un groupe de travail en France sur les risques posés par le scarabée japonais.

Comment le scarabée japonais est-il arrivé en Europe?

Popillia japonica a été repéré pour la première fois sur le Vieux continent en 2014, dans quelques villages d’Italie du Nord. «Il est certainement arrivé par l’importation de végétaux, possiblement des plantes exotiques japonaises, explique le zoologue. Suite à son apparition, l’Italie a mis en place une zone tampon, des systèmes de piégeage et de surveillance. Malgré tout, en cinq ans, le scarabée japonais est passé d’une petite zone de quelques dizaines de kilomètres carrés à la quasi totalité du Piémont et de la Lombardie.»

Aujourd’hui, cet insecte qui aime la chaleur tend à franchir les Alpes, une barrière naturelle qui lui est pourtant plutôt hostile, pour passer dans les pays voisins. La Suisse est tout particulièrement concernée. «Popillia japonica a un grand pouvoir de dispersion. Il se propage par le transport de terres contenant ses larves, par le commerce de végétaux, en volant sur de petites distances, et même en suivant les touristes dans leurs voitures. C’est ce qu’on appelle une espèce autostoppeuse.» Pas de chance: l’Italie du Nord est une zone très touristique.

Autant d’éléments qui ont amené le groupe de travail de François Verheggen à qualifier le risque de dissémination en Europe de «maximal». Avec ses collègues, il estime que cette propagation pourrait être si rapide que Popillia japonica n’aurait même pas besoin d’attendre le réchauffement climatique, qui lui est pourtant favorable, pour se disperser, contrairement au moustique tigre par exemple.

Encore plus inquiétant: le zoologue a vérifié quelles zones en Europe jouissaient d’un climat où cet insecte pourrait facilement s’établir. «On trouve au Japon des climats comparables aux nôtres et, logiquement, nous avons découvert que la France et la Belgique avaient une météo optimale pour cette espèce

Quelle est l’ampleur de la menace?

A l’état larvaire, le scarabée japonais s’attaque aux plantes en s’accrochant à leurs racines. Les larves les empêchent de récolter l’eau du sol, ce qui provoque leur mort à terme. A l’âge adulte, il fait partie des quelques insectes qui grignotent les feuilles selon un schéma «en dentelle». Autrement dit, il laisse les nervures. «C’est vraiment un symptôme qui doit alerter», insiste François Verheggen.

© imageBROKER/Phil Degginger

Parmi ses très nombreuses cibles figurent les plantes potagères, certains arbres forestiers, des plantes ornementales comme les rosacées, ou encore des arbres fruitiers et des cultures comme celles de maïs. De quoi faire peur aux agriculteurs, déjà affaiblis par le réchauffement climatique et d’autres espèces invasives.

«Effectivement, tous les feux sont au rouge, s’inquiète le zoologue. Il faut faire quelque chose parce que w, en impactant de nombreuses filières commerciales, sans oublier les jardins des particuliers et la biodiversité.»

Que faire?

Il n’existe pas vraiment de prédateurs permettant de réguler la population de scarabées japonais dans nos régions. Les fourmis peuvent s’attaquer aux larves, voire parfois aux adultes, mais cela est loin de suffire.

«Les seuls outils que nous pourront directement utiliser, ce sont les insecticides, plus précisément ceux dits pyréthrinoïdes. Les méthodes « bio » n’ont pas démontré leur efficacité, déplore François Verhaggen. Maintenant, j’espère que tout le monde n’y aura pas recours, parce que cela tuerait également les scarabées locaux.» L’expert recommande donc, lorsque c’est possible, de procéder à une élimination à la main. «Si une plante est en train de mourir par manque d’eau alors que les autres autour n’ont rien, on peut craindre que des larves soient présentes et il vaut mieux déterrer», ajoute le zoologue.

François Verheggen conseille surtout de prévenir l’arrivée des scarabées japonais. Les pièges constituent en ce sens une arme de choix. Cette technique, déjà employée en Suisse et en Italie, ne permet pas de stopper net la ruée de l’espèce vers le Nord, mais elle donne l’occasion de sonner l’alerte, à l’instar de ce que fait la région de Bâle cet été.

Les autorités de chaque pays européen préparent également des plans de prévention, y compris ceux qui ne sont pas encore envahis. C’est dans ce cadre que François Verhaggen a été appelé à travailler pour la France.

Le nerf de la guerre sera donc de repérer les individus, de communiquer (via les applications officielles et autres) et d’agir au plan local. En 2018, un scarabée japonais a été repéré à l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol. Un plan d’action a été mis en place et l’incident est resté isolé.

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