Expédition scientifique du Radeau des cimes en Guyane, menée à l'époque par Francis Hallé afin d'étudier les zones de la planète où la biodiversité est la plus riche. © GETTY IMAGES

Biodiversité: une nouvelle forêt, sauvage et primaire

Rosanne Mathot Journaliste

Alors que la dernière forêt primaire d’Europe se meurt à l’est du continent, le projet d’une nouvelle forêt sauvage se concrétise doucement à l’ouest. Et la Belgique n’est pas en reste.

A partir d’un sol nu, il faudrait mille ans pour que se développe une forêt primaire, soit une zone boisée naturelle en évolution libre, comme celles qui recouvraient la Terre avant que n’apparaissent l’ agriculture et l’élevage. Autant dire que le projet qui consiste à en reconstituer une en Europe se veut lent et intergénérationnel, à contre-courant d’une époque centrée sur le maintenant-tout de suite et l’individualisme.

Une forêt primaire a, plus que jamais, une cruciale raison d’être.

Le père de ce projet est le célèbre botaniste français Francis Hallé, biologiste de renom connu depuis une trentaine d’années pour ses explorations scientifiques dans la canopée tropicale à bord de ses fameux radeaux des cimes, des engins volants permettant d’étudier ces zones où la biodiversité est la plus riche de la planète. Depuis deux ans, cet ardent défenseur de la variété et de la diversité du monde vivant fait beaucoup parler de lui via un projet innovant visant à permettre la renaissance d’une forêt primaire dans l’ouest du continent européen. Une forêt avec une base française, à cheval sur au moins un autre pays, dans laquelle il n’y aurait pas la moindre intervention humaine – ni plantation, ni chasse, ni ramassage de bois mort… – et qui permettrait le retour de nombreuses espèces animales et végétales aujourd’hui disparues, tout en servant de poumon vert à notre planète qui suffoque. Coût estimé de l’opération: 300 000 euros. Une paille.

Si aucune localisation n’a encore été déterminée pour l’implantation du programme, les Ardennes franco-belges ou les Vosges seraient des candidates sérieuses. Sur le continent européen, il reste deux zones plus ou moins sauvages, toutes deux classées au patrimoine mondial de l’Unesco: le parc national du Hainich, en Allemagne, et la forêt millénaire de Bia?owie?a, à cheval sur le Bélarus et la Pologne. Cette dernière se meurt, malgré une condamnation de la Pologne par la justice européenne, en 2018, à la suite de son exploitation intensive ne respectant pas la législation communautaire. Cette réserve naturelle, de 141 885 hectares, est constituée de feuillus et de conifères. Classée Natura 2000, elle regorge de bisons, d’animaux et d’insectes uniques en Europe.

Biodiversité: une nouvelle forêt, sauvage et primaire
© BELGA IMAGE

Hormis ses qualités esthétiques, ses capacités de décarbonisation, ainsi que son aptitude à régénérer une forte biodiversité, une forêt primaire a, plus que jamais, une cruciale raison d’être: le lien entre l’actuelle crise du coronavirus et déforestation est désormais établi. Donc, point de salut sans lutte active contre cette dernière. Le projet de Francis Hallé va en tout cas aller dans le bon sens: selon le site de son association, la Commission européenne apportera son soutien juridique au programme et pourrait participer à son financement. Il faut dire que sa philosophie correspond parfaitement aux objectifs du Pacte vert qui vise à faire de l’UE le premier continent climatiquement neutre en 2050. Notamment en mettant l’accent sur la restauration des zones boisées.

Nassonia, un labo à ciel ouvert en Wallonie

Plus de biodiversité, une forêt qu’on laisse tranquille et des sentiers en caillebotis pour éviter que les visiteurs ne se baladent n’importe où… Nassonia n’est ni un massif forestier, ni un projet comme les autres. Ce laboratoire à ciel ouvert, situé au coeur du domaine de Saint-Michel-Freyr, en Ardenne, constitue le premier partenariat public-privé pour la gestion d’une forêt publique en Belgique. L’idée maîtresse de l’association du Service public de Wallonie et de la Fondation Pairi Daiza n’est pas de créer une attraction sylvestre ou de générer du profit, mais de rendre à la nature les 1 645 hectares de massif forestier à cheval sur les communes de Nassogne, Saint-Hubert et Tenneville. Autres buts poursuivis: étudier in situ l’impact de la biodiversité sur l’économie et en apprendre davantage sur la zone boisée et sa gestion, le tout dans un objectif de tourisme écoresponsable. Nassonia innove également avec son modèle de gestion participative: les habitants des environs deviennent des acteurs locaux du programme, par le biais d’une agora citoyenne comprenant trente personnes originaires de la région qui décideront de l’avenir de cette forêt, avec l’aide et la médiation d’experts de l’ULiège.

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