Biodiversité: où vivraient les animaux si l’être humain n’existait pas ?
La présence de l’être humain a un impact sur l’environnement et la vie animale qui ne peut être ignoré. Mais comment la nature s’en sortirait-elle sans nous ? Des scientifiques tentent de répondre à cette question en cartographiant les lieux de vies de différentes espèces, disparues ou non.
Les scientifiques utilisent régulièrement des cartographies représentant les aires de répartition des différentes espèces de mammifères. Mais ces cartes sont incomplètes car elles montrent uniquement les aires occupées aujourd’hui par ces espèces. Pourtant, les aires de vie de nombreux mammifères ont été considérablement réduites par la présence de l’être humain et son activité, notamment via la chasse excessive et les destructions des habitats naturels.
Des chercheurs des universités d’Aarhus (Danemark) et de Göteborg (Suède) se sont donc lancés dans un projet destiné à obtenir l’atlas des mammifères le plus complet possible, en incluant un facteur souvent mis de côté : les espèces récemment éteintes, et que l’on peut imputer à l’activité humaine. Une tâche complexe où rassembler l’ensemble des données existantes et combler les lacunes a pris plusieurs mois. A l’aide d’anciennes cartes et d’archives, ils ont ensuite déterminé les aires naturelles où les espèces pourraient se trouver sans l’intervention des humains. Pour ajouter les espèces éteintes, ils se sont servis de l’ADN provenant de fossiles pour comprendre comme ces animaux étaient génétiquement liés à des espèces encore vivantes.
Ours brun et changement climatique
Les scientifiques ont produit un arbre phylogénétique, qui tient compte des modifications génétiques au sein des espèces, et une carte regroupant moins de 6.000 espèces connues. Leur plateforme, nommée PHYLACINE, a été présentée début juillet dans la revue Ecology. « C’est la première fois que nous sommes en mesure d’inclure complètement des espèces disparues, comme le tigre de Tasmanie ou le mammouth laineux, et de tenir compte des pertes régionales de territoire induites par l’Homme parmi les espèces existantes dans une si grande base de données. Et cela modifie vraiment nos croyances sur ce qui est ‘naturel’ ou pas », explique le biologiste Søren Faurby (Université de Göteborg), qui a co-dirigé l’assemblage de la base de données.
Ce type de cartographie permet par exemple d’étudier la biodiversité ou de prédire comment le changement climatique va affecter la faune. Et pour obtenir des résultats précis, il faut que les atlas soient les plus complets possible. Faurby prend l’exemple des ours bruns. « Les ours bruns sont peut-être aujourd’hui emblématiques de l’Alaska ou de la Russie, mais leur aire de répartition s’étendait à la base depuis le Mexique jusqu’à l’Afrique du Nord avant la chasse généralisée par les humains. Si nous voulons prédire comment le réchauffement climatique affectera ces ours, nous ne pouvons pas mettre de côté ces zones naturelles qui font partie de leur aire de répartition », précise Faurby dans un communiqué.
Schémas globaux
Pour les Matt Davis (Université d’Aarhus), paléontologue et co-auteur de l’étude, il est également important d’inclure les espèces totalement disparues si nous voulons dresser des « schémas globaux de la biodiversité ». Cela inclut notamment les espèces considérées comme étant des « grands animaux ». Si aujourd’hui on estime que cette expression comprend les lions et les éléphants, autrefois la majeure partie de la Terre était parcourue par de nombreux grands mammifères, dont la disparition progressive n’est pas étrangère à l’activité humaine. « Même une espèce comme le mammouth laineux, que nous considérons comme préhistorique, a vécu jusqu’à la construction de la Grande Pyramide », rappelle Davis.
Les chercheurs espèrent que leur travail permettra d’aider ceux qui veulent « étudier les processus écologiques de grande ampleur », en dépit des dégâts irréversibles causés par l’activité humaine sur la biodiversité.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici