Bernard Gustin (ex-Brussels Airlines): « Il faudrait une Tesla dans le secteur aéronautique »
Bernard Gustin a dirigé Brussels Airlines de 2008 à 2018. Il est aujourd’hui consultant dans le secteur des transports aériens.
Comment voyez-vous l’avenir immédiat de l’aviation?
Je voudrais relever trois points. Dès qu’il y aura un vaccin, les gens prendront à nouveau l’avion. Mais les petits vols seront nettement moins nombreux et, dans les affaires, les visioconférences deviendront la norme. En revanche, tout ce qui est long-courrier, vacances, loisirs en général, redémarrera. L’aviation a été massacrée par le coronavirus. Les gouvernements ont aidé les compagnies aériennes, vu l’emploi. De facto, la plupart ont été nationalisées. Et des mesures pour respecter l’environnement leur ont été imposées. Ce sont donc des compagnies nationalisées qui devront faire face aux exigences environnementales. Enfin, avec le coronavirus, le prix du fuel a baissé d’environ 45%. Certaines compagnies pourraient donc être tentées de ne pas changer leur flotte. Les modèles Neo chez Airbus et les Max chez Boeing consomment 15% de moins, mais si je dois payer un leasing deux fois plus cher pour bénéficier de 15% de réduction sur ma facture de fuel, je peux être tenté de garder ma vieille flotte…
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Les compagnies ont-elles découvert tardivement les problèmes de pollution?
Par rapport à d’autres industries, c’est vrai que l’aviation ne s’est pas beaucoup focalisée sur l’environnement. Il n’y a jamais eu de stratégie proactive sur le sujet. Et je n’ai pas vu une seule compagnie aérienne, excepté KLM avec les biofuels, intégrer le durable dans son discours. Beaucoup d’entre elles ont compensé leurs vols, y compris chez Brussels Airlines, mais nul n’en a fait grand cas. Moi-même, chez Brussels Airlines, je n’ai jamais eu d’indicateur de performance environnementale. Plus globalement, dans les grandes compagnies aériennes, les responsables sont en général très traditionnels. Ils sont dans une logique de transporter des gens, d’un point A à un point B. Mais une compagnie aérienne aurait pu, en complément, développer quelque chose comme Zoom, par exemple, ou s’intéresser aux trains de nuit. Aucune ne l’a fait. Or, elles doivent se voir comme des structures qui connectent des gens, qui leur permettent d’être ensemble.
Et les constructeurs d’avion?
Airbus et Boeing n’ont jamais été très enclins à travailler à la transition écologique. Aujourd’hui, ils peuvent avoir les meilleures intentions du monde, eux aussi se noient! Où trouveront-ils les moyens? On l’a vu dans l’automobile: avant l’arrivée de Tesla, les grands ne s’intéressaient pas au développement de la voiture électrique. Et puis, tout à coup, il y a eu un type génial qui a construit une voiture magnifique et électrique, ce fut le succès, et tous les autres ont suivi. Il faudrait une Tesla dans le secteur aéronautique. Ceux qui roulent en Tesla ne le font pas uniquement pour l’environnement, ils le font surtout parce que c’est une superbagnole. Dans l’aérien, on devrait pouvoir se dire qu’on fait un bon voyage, à tous les égards, et qu’on est en plus dans un avion qui consomme et pollue moins. Ce sont ces modèles qui fonctionneront demain: allier les besoins des consommateurs avec l’environnement, et être cohérent dans ce que l’on propose!
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