Les agriculteurs européens ont défilé avec leurs vaches pour demander un « revenu équitable »

Une centaine d’agriculteurs européens ont manifesté dans le quartier européen de Bruxelles, accompagnés de leurs vaches en résine, sous le slogan « un revenu équitable pour les agriculteurs, maintenant! ».

L’objectif du rassemblement était de faire pression sur les responsables européens à dix jours du début des élections européennes et d’obtenir des améliorations au plus vite afin de « garantir la souveraineté alimentaire » du continent.

L’European Milk Board (EMB), organisation représentant les producteurs laitiers, est à l’initiative de cette manifestation. Leur action coïncide avec la tenue d’une réunion du Conseil « Agriculture et pêche » réunissant les ministres européens compétents et se déroule en amont de la Journée internationale du lait. 

Pour l’occasion, les agriculteurs, venus des quatre coins de l’Europe (Italie, Allemagne, France, Belgique, Lituanie, Lettonie, Irlande ou encore Danemark et Suisse), ont défilé pacifiquement dans le quartier européen, depuis la place du Luxembourg, juste devant le Parlement européen, jusqu’à deux pas du rond-point Schuman, où se trouve le siège de la Commission européenne et du Conseil européen.

Plusieurs discours y ont été prononcés avant que le cortège ne reprenne le chemin de la place du Luxembourg. Au départ, la police bruxelloise s’attendait à ce que la circulation soit fortement perturbée, comme cela avait été le cas lors de précédentes manifestations d’agriculteurs. Le nombre de manifestants n’était finalement pas très élevé et il n’y avait pas non plus d’agriculteurs prêts à semer la pagaille

Pour leur marche, les manifestants étaient accompagnés de nombreuses vaches… en résine et aux couleurs nationales des différents pays représentés, avec lesquelles ils ont arpenté les rues du quartier européen. Leurs cris étaient d’ailleurs accompagnés du tintement des grandes cloches qui pendent parfois au cou de ces animaux. Il n’y avait par contre aucun tracteur présent dans le cortège, qui n’a dès lors causé que peu d’embarras de circulation.

Si la manifestation s’est donc voulue pacifique, le message que les producteurs laitiers, et plus largement le monde agricole, ont voulu partager est empli d’urgence, à l’image d’une des vaches en résine à l’aspect squelettique. 

Revenu équitable

Le secteur appelle ainsi de ses vœux, et le plus rapidement possible, à un revenu équitable. Celui-ci, fruit de la politique agricole européenne « néo-libérale », n’est en effet plus suffisant. De nombreux agriculteurs sont contraints de cesser leurs activités, dans un milieu que les plus jeunes rechignent en outre à rejoindre. Autant de signaux d’alarme qui clignotent depuis près de 15 ans désormais et qui mettent en danger la souveraineté et la sécurité alimentaires de l’Union européenne, s’inquiètent les agriculteurs, qui craignent de devoir quitter leurs champs et salles de traite non plus l’espace d’une journée mais bien « à jamais ».

Selon les agriculteurs participants et l’EMB, les « grands acteurs », par exemple les supermarchés, ne voudraient pas partager une part équitable des bénéfices avec le secteur agricole. À dix jours du début des élections européennes, les producteurs laitiers souhaitent une mobilisation active du Parlement européen, du Conseil de l’UE et de la Commission européenne en faveur de ces revenus équitables. 

Celle-ci doit passer par des réformes de la politique agricole commune (PAC), qui s’attaquent aux causes profondes du problème, sans les contourner comme c’est le cas actuellement, estime Kjartan Poulsen, le président danois de l’EMB. Il a rappelé l’organisation de blocages et de manifestations d’agriculteurs à travers toute l’Europe au début de l’année qui illustrent, selon l’organisation, l’ampleur du désagrément et la détresse sociale auxquelles les professionnels du secteur font face.

Depuis lors, reconnaît le président de l’EMB, les revendications du secteur agricole font l’objet d’une attention bien plus grande au niveau européen. Pour permettre une amélioration de la situation, l’organisation agricole plaide notamment pour la mise en place d’un règlement européen interdisant la pratique de prix inférieurs aux coûts de production, ce qui empêche de facto les agriculteurs de gagner leur vie.

Selon l’EMB, le prix du lait en 1970 représentait encore 57% du coût de production, contre 39% en 2019. Il en va de même pour la viande, dont 44% du coût de production revenait encore aux agriculteurs dans les années 1970. En 2022, cette proportion n’était plus que de 22%.

« Nous ne voulons plus que les agriculteurs dépendent des subventions pour survivre, nous avons besoin d’un système qui nous permette de vivre du marché », a pointé Kjartan Poulsen. Les agriculteurs veulent aussi une « réelle intégration » des producteurs dans la conception et l’application du ‘Green Deal’ européen plutôt qu’une imposition d’objectifs avec des revenus trop faibles que pour y faire face. Des prix rémunérateurs sont une condition sine qua non pour garantir le succès des mesures environnementales et climatiques, insiste Kjartan Poulsen.

Enfin, l’EMB demande à ce que les clauses miroirs soient incluses dans les traités de libre-échange et qu’elles garantissent que les denrées alimentaires et le fourrage importés respectent la réglementation de l’UE et que ce respect fasse l’objet de contrôles et de sanctions proportionnels. Si ça ne tenait qu’à l’EMB, le secteur agricole ne devrait plus faire l’objet d’accords de libre-échange à l’avenir.

Ces mesures, et bien d’autres, doivent permettre aux revenus des agriculteurs de (re)devenir équitables et rémunérateurs. En 2016, ceux-ci étaient en dessous de 40% du revenu moyen européen et 2021 a été la première année où la barre des 50% a été franchie, illustre-t-on à l’EMB. Or des revenus équitables sont possibles, pointaient les agriculteurs européens présents lundi à Bruxelles, à l’image du projet de « Lait équitable » qu’a lancé l’EMB dans plusieurs pays et qui permet de rémunérer à sa juste valeur le producteur de lait et de produits laitiers. En Belgique, ces produits sont vendus sous la marque « Fairebel ».

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